La référence des magasins de jouets « physiques » français La Grande Récré et son homologue américain Toys »R »Us traversent des heures décidément bien sombres. Tandis que le premier vient d’être placé en redressement judiciaire, le second a annoncé la fermeture de tous ses établissements aux Etats-Unis.
Une dette abyssale, des salariés en plein désarroi, des tentatives désespérées de redonner un semblant de cap (ou de trouver un repreneur pour Toys »R »Us), la situation de ce qui constituait la référence des magasins de jouets en France ou Outre-Atlantique est alarmiste. Doux euphémisme. A tout seigneur tout honneur, l’ancien potentat et désormais colosse en péril, Toys »R »Us qui vient d’annoncer la fermeture de tous ses magasins aux Etats-Unis. Le distributeur a ainsi échoué dans sa tentative d’accord de restructuration de sa dette (celle-ci s’élevant à plusieurs milliards de dollars) et sa cour assidue auprès de potentiels repreneurs n’a – pour l’instant – pas vraiment été couronnée de succès. « Nous ne disposons plus du soutien financier pour poursuivre nos activités américaines », s’est borné à déclarer Dave Brandon, directeur général de l’enseigne. Quid des activités internationales de l’ancien « roi du jouet » ? Elles devraient visiblement connaître le même sort. « Les opérations internationales du groupe, en Australie, en France, en Pologne, au Portugal et en Espagne, passent en revue leurs options à la lumière des annonces faites pour les Etats-Unis », poursuit le groupe.
Une annonce qui, si elle se veut prudente, n’incite pas vraiment à l’optimisme. D’ailleurs le Wall Street Journal confirme que Toys »R »Us devrait également liquider ses activités dans les pays susnommés. Pour son homologue français, la Grande Récré, la situation n’est guère plus reluisante. Le groupe Ludendo, propriétaire de l’enseigne, a été placé en redressement judiciaire en raison de ses difficultés commerciales et financières. Mais un (infime) espoir subsiste puisque à l’inverse de Toys »R »Us, la dette de groupe s’élevant peu ou prou à 150 millions d’euros devrait faire l’objet d’une restructuration et ainsi être échelonnée sur dix ans. De quoi donner à peu d’air à une enseigne au bord de l »asphyxie. En cause des performances commerciales résolument décevantes lors de la période incontournable des fêtes de Noël, ce qui a enjoint les banques à ne pas renouveler les encours de crédits alloués au groupe chaque année.
Amazon le fossoyeur ?
En outre, le propriétaire de la holding familiale – détenteur à 62% de La Grande Récré – Jean-Michel Grunberg, fils du fondateur Maurice Grunberg, a fait état de sa volonté de trouver un « nouvel actionnaire majoritaire » afin de se délester de ce qui est devenu, au fil des ans, un véritable gouffre financier. Comment expliquer un tel désastre ? Est-il imputable à un manque de vision de l’état-major des deux enseignes qui n’ont pas su anticiper et prévenir les nouvelles appétences et les doléances des consommateurs ? Car en effet, si les enfants sont davantage férus de gadgets électroniques qu’à une certaine époque, ce « virage » aurait pu être (très) largement anticipé, surtout au regard de l’expérience des deux groupes, rompus aux modes et autres tendances. Mais un autre élément pourrait expliquer également ce « désamour » : la montée en puissance insolente d’Amazon qui a littéralement balayé cette « concurrence sclérosée », grâce à la souplesse de son offre et des tarifs bien plus attractifs.
Un seul exemple pour mesurer l’ampleur du phénomène. Selon les chiffres de GlobalData, les parts de marché britannique de Toys »R »Us ont diminué de près de moitié entre 2008 et 2017, tandis qu’Amazon et l’enseigne Smyths, présente en magasins et en ligne, connaissaient une croissance solide dans le même laps de temps. Bravache, Jean-Michel Grunberg estimait, début mars au micro de BFM Business ne pas avoir peur de la concurrence des pure-players, arguant « en avoir vu d’autres » et estimant également que l’ouverture du capital de La Grande Récré obéissait davantage à une stratégie « offensive que défensive ». « On est né à côté des grands supermarchés – les pires discounters qui existaient à l’époque – ensuite on a dû affronter l’arrivée d’un géant américain (Toys »R »Us) qui se définissait comme un category killer. Quand il est arrivé, nous avions 5 magasins, nous en avons plus de 200 aujourd’hui. Et actuellement, on affronte les pure players d’internet, auxquels on s’adapte aussi, parce que c’est notre nature d’entreprise entreprenante ». Méthode Coué ou véritable feuille de route ? La fin de partie n’a pourtant jamais été aussi proche pour La Grande Récré.
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