CONTRIBUTION | Savoir tout d’abord que la mondialisation est aussi vieille que le monde. Elle a commencé avec les migrations faisant suite au basculement climatique au début de la période holocène, il y a 12 000 ans.
Plus tard, deux siècles avant Jésus Christ, les Chinois exportaient déjà la soie vers l’Occident. Et au VIIe siècle, la Chine encore fut la première à se tourner vers les routes maritimes. Depuis, la mondialisation n’a jamais cessé malgré de nombreuses crises et des guerres mondialisées. Alors, même si demain la mondialisation est freinée, cela ne sera que temporaire, et il y aura ensuite comme d’habitude des gagnants et des perdants.
Que nous avait amené cette dernière mondialisation ?
Elle avait fait diminuer les inégalités entre les pays, mais avait fait augmenter les inégalités à l’intérieur des pays. Inégalités qui avaient touché en particulier les classes moyennes inférieures travaillant dans l’industrie, des salariés souvent sous-qualifiés, et dont le job pouvait être fait par des salariés dans des pays à faible coût de main-d’œuvre.
Mais cette mondialisation a aussi fait prendre conscience aux non occidentaux que c’était nous qui tirions surtout profit des échanges. Leurs populations, qu’au fil des années nous avions vassalisées, ont évolué et veulent maintenant que nous payions le juste prix des produits et autres biens, dont les matières premières que nous exploitons ou produisons chez eux. Lire sur l’évolution des inégalités depuis le dernier basculement climatique https://bernard-jomard.com/2022/04/11/presidentielle-et-inegalites-qui-croit-pouvoir-changer-les-choses/
Comment cette mondialisation est-elle perçue chez nous ?
Dans les années 1990, celle-ci était perçue comme l’outil du capitalisme libéral. Mais dès les années 2000 avec l’intensification des voyages et du tourisme, elle fut perçue comme une évolution inévitable des échanges rapprochant les hommes, et les cultures. La crise de 2008 mettra fin à cette lune de miel entre les classes moyennes urbaines et éduquées et les entreprises globalisées.
Que s’est-il passé depuis trois ans ?
C’est évident que la pandémie de Covid et cette guerre de l’énergie vont déséquilibrer notre monde et créer de nouveaux blocs. Parmi ceux-ci l’Europe faiblement productrice d’énergie et qui a donc des moyens assez limités. Et bien sûr, cette fragmentation va générer une désorganisation des chaînes de valeurs et une augmentation des coûts.
Quelle est la position de l’Europe aujourd’hui ?
Avec cette guerre, nous nous retrouvons maintenant avec trois blocs leaders. Une Chine puissance industrielle, mais aussi technologique qui est déjà 1ère puissance mondiale en PIB p.p.a. et dont le but est de devenir 1ère en PIB tout court en 2049. Cela malgré son absence de matières premières dont énergétiques, mais la Chine tente de compenser cette faiblesse par la construction accélérée de nombreuses centrales nucléaires. Deuxième bloc, les États-Unis qui sont excédentaires en pétrole et en gaz, dont en gaz de schistes. Un pays dominant dans les nouvelles technologies, un pays qui a aussi et pour longtemps encore la plus puissante armée du monde. Enfin troisième bloc, une Europe, un continent qui est une mosaïque de forces et de faiblesses ; les industrieuses Allemagne et Italie, les excellents commerçants des Pays-Bas, la créative France puissante entre autres dans le secteur du luxe, en aéronautique et en tourisme. Enfin il faut aussi citer la puissance de l’agroalimentaire et de l’industrie du tourisme de la plupart des membres de la communauté européenne.
Que faut-il faire ?
Quoi qu’il arrive, nous restons dans un monde global, et les pays européens, s’ils veulent conserver leur modèle très social et leurs puissances, doivent faire bloc. Ils doivent raisonner au niveau du continent et cesser de faire des « direct deals » avec les autres blocs.
On se doit aussi d’être lucide. Nous sommes face à un basculement. Le maintien du pouvoir d’achat obtenu grâce aux écarts de salaires avec certains pays du monde qui ont évolué sans qu’on en prenne conscience, ou maintien grâce à des prix bas sur les produits importés les énergies et les matières premières, ce maintien donc, n’est plus possible. Une inflation « tonique » est là pour durer. Seule question à se poser aujourd’hui, est-ce une inflation temporaire ou pour des décennies ?
D’autre part, la hausse des prix de l’énergie, des taux d’intérêt censés freiner l’inflation, ne peuvent que générer au mieux une stagnation, au pire une récession ou même une stagflation. Seule question à se poser, quand en sortirons-nous, si nous en sortons ?
Il nous faut donc dès maintenant transformer notre modèle, pour l’adapter à tous ces basculements, dont le vieillissement de notre population. Et, pour certains pays peu frugaux, revoir les gabegies de dépenses publiques incontrôlées, et pour certains qui avaient inventé un ministère du temps libre, il faut remettre les gens « au boulot ».
Et revenir enfin à cette « perfection du panal » souvent oubliée dans nos industries et nos services.
Si l’Europe sans pétrole ni gaz, et avec des coûts élevés veut rester en équilibre face aux deux autres blocs, elle doit s’orienter vers les produits à haute valeur ajoutée, et monter en gamme dans tous les domaines. Pour cela, certains pays ont besoin de revenir au culte de la « perfection du banal » qui s’est trop souvent étiolée chez nous. Un culte basé sur des innovations fondées sur une amélioration de la qualité du produit, plutôt que sur des innovations « de rupture », et privilégier l’innovation technologique au quotidien plutôt que de grandes inventions qui font rêver, mais qui aboutissent rarement.
Sans cela les industries européennes se délocaliseront discrètement cette fois vers ce pays excédentaire en énergie, car l’énergie c’est le « sang » des économies.
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