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Après l’essor des licornes tech européennes, voici le temps de la résilience

POINT DE VUE | Au cours des dernières années, l’Europe s’est affirmée comme une terre d’innovation légitime face aux marchés américain et asiatique. Et la pandémie a été une période charnière pour l’écosystème tech européen, qui a non seulement prouvé sa résilience mais a également enregistré une croissance historique

 

Grâce à des taux d’intérêt plus bas que jamais, et un intérêt grandissant de la part des investisseurs étrangers, 2021 a marqué un nouveau tournant pour l’Europe. Si certains pays ont largement contribué à cette accélération, à l’image du Royaume-Uni ou de l’Israël, la France n’est pas en reste pour autant. Avec la croissance la plus forte de l’écosystème l’an passé, elle s’impose désormais comme l’un des piliers de la tech européenne. Cependant, après une période d’euphorie, la tech française comme européenne et mondiale fait face à un ralentissement global de son écosystème. Un dur retour à la réalité pour les entrepreneurs et investisseurs, qui devront réagir rapidement pour subsister à ce passage à vide. 

La French Tech, première puissance tech européenne en devenir ? 

L’an passé, la France a enregistré la croissance la plus élevée en Europe. Le nombre de mega-rounds (plus de 50 millions de $) a doublé et la valeur totale des levées tech a été multipliée par 4 ces 16 derniers mois. Cette accélération a notamment été permise par la participation d’investisseurs internationaux à fortes liquidités, des investissements publics dans la R&D ainsi qu’une forte demande post-pandémie. Avec ses 29 licornes, la France occupe désormais la quatrième place du classement, et devrait donner naissance à plusieurs futures licornes dans les mois à venir. Cette croissance fulgurante lui a notamment permis d’atteindre, avec 3 ans d’avance, l’objectif des 25 licornes fixé par Emmanuel Macron en 2019. 

Néanmoins, les performances de la French Tech sont à relativiser. Si la France est bien placée en nombre de licornes, la valorisation moyenne de ces dernières (2,4 milliards de $) est en dessous de ses cousines européennes (3,8 milliards de $). De la même façon, la valorisation totale cumulée des licornes françaises représente 70 milliards de $, un chiffre comparativement bas face aux statistiques suédoises (130 milliards $ pour 17 licornes) ou néerlandaises (89 milliards $ pour 9 licornes). L’Hexagone a donc encore du chemin à parcourir s’il souhaite relever le nouveau défi d’Emmanuel Macron, celui de devenir la première puissance tech en Europe.

Après l’euphorie, le marché se réajuste

La chute en Bourse des valeurs technologiques, couplée au ralentissement économique, à l’inflation et à la guerre en Ukraine, a semé le trouble dans le monde de la tech. Et ce retournement des valeurs tech publiques a eu un impact sur celles du privé : dégringolade de leurs valorisations, ralentissement des levées de fonds, licenciements massifs… L’euphorie a ainsi laissé place à l’inquiétude, et peu sont épargnés. Si le phénomène a parfois été qualifié de “mini-krach”, il s’agit en réalité d’un réajustement nécessaire après une période d’excès. 

Cette correction va opérer une sélection naturelle et révélera les acteurs capables de s’adapter au marché. Si l’écosystème français est bien armé pour survivre à cette crise, il doit tout de même en tirer des leçons. L’abondance de capital et la course effrénée à la licorne ont donné lieu à des valorisations stratosphériques et parfois pas toujours réalistes. Aujourd’hui, le statut de licorne a perdu de sa superbe, car il ne reflète pas la santé financière d’une entreprise ni sa capacité à faire face aux turbulences du marché. Résultat, les investisseurs privilégient désormais des indicateurs plus rationnels comme la rentabilité ou les revenus annuels récurrents (ARR).  

Comment naviguer face aux turbulences du marché ? 

Malgré un ralentissement global de l’écosystème, l’activité se maintient et l’expérience a montré que les entrepreneurs qui réagissent vite pourront accéder à des opportunités uniques et affronter cette crise avec résilience. Cela passe tout d’abord par un changement d’état d’esprit. Le cap ne doit  plus être l’hyper croissance mais bien la croissance rentable, et le business plan doit être adapté en ce sens. Il faut privilégier les pistes réalistes et susceptibles de se concrétiser rapidement. Les dépenses doivent être limitées aux lignes de budget garantissant un retour sur investissement à court terme. Côté financement, la dilution pourrait être la clé de la survie, à condition d’être réaliste sur la valorisation de la société. Lever des fonds est toujours possible, mais les investisseurs scrutent de près certains KPI à garder à l’esprit : rentabilité, marges brutes élevées, taux de rétention des clients… En parallèle, les entreprises peuvent également avoir accès à d’autres opportunités que les levées de fonds. Ces dernières années, les fusions-acquisitions ont permis aux startups les plus fragiles de s’appuyer sur des partenaires solides financièrement. 

Cette crise ne remet pas en cause les fondements du secteur technologique. Elle est simplement le résultat d’une période d’activité débridée, suivie par un contexte économique tendu qui contraint les investisseurs à réduire la voilure. Si certains acteurs pourraient ne pas s’en relever, les sociétés ayant un modèle économique solide et de bons indicateurs financiers ne seront pas impactées, en témoigne la récente levée de 500 millions de $ d’EcoVadis, qui ne voit pas son activité ralentir. Si pour l’instant, l’heure est à la prudence, la tech redeviendra une valeur refuge si nous entrons dans une phase de récession. Une chose est sûre, les nouvelles licornes seront plus rares en 2022. Et alors que les investisseurs misent désormais sur des critères plus rationnels, à l’image de la rentabilité, la licorne pourrait bien laisser place au centaure, nouvel animal mythologique désignant une société qui génère plus de 100 millions d’euros de revenus. 

 

 

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