S’il est vrai que le nombre de marques déposées augmente chaque année, les entreprises choisissent également de relancer des marques que l’on pensait à jamais délaissées et usées par le temps.
« Quand on pense à Alpine et qu’on ferme les yeux, on imagine une Berlinette sur une spéciale de rallye » déclare Philippe Sinault, le directeur de Signatech, l’écurie de course qui a participé à la conception et à la mise au point de la voiture légendaire. Vainqueure du premier championnat du monde des rallyes en 1973, l’Alpine a su marquer les esprits des amateurs de courses automobiles. En convoquant les souvenirs des plus âgés et l’admiration des jeunes, le retour de l’Alpine A110 sur la route, et notamment sur les rallyes en 2020, permet de rediffuser son histoire, ses valeurs, et ainsi de revitaliser la marque, pour promouvoir les derniers modèles de série.
Crédit photo : Twitter @alpine_cars
Le secteur de l’automobile est particulièrement touché par ce processus de régénérescence de marques, comme le montrent les rééditions de DS, Mini, Fiat 500, ou Vespa, porteuses de puissantes mythologies. Cette stratégie a été si bien assimilée par les constructeurs automobiles que deux sociétés se mettent en concurrence pour faire revivre la marque Hispano Suiza, symbole du luxe pendant l’entre-deux-guerres : l’affaire devrait être tranchée au tribunal. Il est essentiel de baliser le terrain juridique au moment d’un projet de relancement d’une marque.
Crédit photo : @lvmh
Actuel et intemporel, le luxe se nourrit d’un héritage, puis l’adapte au goût du jour, aux dernières tendances. En 2018, LVMH rachète la maison de couture et la parfumerie fondées en 1912 par Jean Patou et prépare sa réapparition, en commençant par une simplification du nom : à l’instar de Chanel ou de Dior, le prénom disparaît au profit du patronyme du créateur. Si la résurrection d’une marque de luxe permet à un groupe tel que LVMH de se reposer sur une identité forte, elle accorde davantage de légitimité aux entrepreneurs : la réhabilitation de la marque de parfumerie Violet, par trois étudiants de l’Ecole supérieure du parfum, a ainsi facilité l’exportation de leurs produits. Leur réussite est le résultat d’un travail de décomposition des fragrances qui offre un point d’ancrage solide à la marque, et d’un rafraîchissement des formules destiné à donner de l’éclat à la senteur surannée de la violette.
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Crédits photo : @violet.parfums
Si la mode n’est qu’un éternel recommencement, une réinterprétation perpétuelle d’une esthétique passée, elle représente le lieu idéal de la régénérescence des marques tombées en désuétude : la résurgence de Stan Smith, Gazelle, Converse, Superga, Fila, Champion, et plus récemment de Fubu, une marque emblématique des années 1990, montre la pertinence de cette initiative dans l’univers du sportwear.
Etant essentiellement soumise aux mêmes lois que les tendances, cette stratégie ne promet pourtant qu’un succès ponctuel et temporaire. CocaCola l’a bien compris et fait de sa réédition très limitée du New Coke, un coup de communication remarquable à l’occasion de la sortie de la saison 3 de la série Stranger Things. Cette opération a permis à CocaCola de prendre sa revanche et d’affirmer sa suprématie en changeant ce qui représentait le plus grand fiasco commercial de son histoire en phénomène viral.
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Crédit photo : @fubu
Réactiver une marque offre une économie de communication considérable, et en particulier quand elle a été lexicalisée par les consommateurs, comme l’atteste le retour triomphant de K-Way en 2013. Le géant de l’électroménager Electrolux a également compris l’intérêt que pouvait représenter la revitalisation de la marque Frigidaire, qui pour ses 100 ans, retrouve les cuisines des Français. Afin de perdurer et rompre avec le sentiment de désuétude causé par sa disparition, la conception des réfrigérateurs Frigidaire marie design rétro et innovation : la marque n’a rien à envier aux dernières technologies. Tupperware, qui évoquait une image dépassée de la femme à cause des célèbres « réunions » des années 50, s’offre une nouvelle image et résonne avec les préoccupations de son époque, notamment environnementales, en exploitant la tendance du réutilisable.
Crédit photo : cacolac.fr
Les marques aiment ramener les consommateurs à leurs souvenirs d’enfance. En 2016, la marque Bordelaise Cacolac, rachetée par les descendants des fondateurs, se forge une identité qui allie vintage et contemporanéité. L’extension de sa gamme affirme l’importance de l’innovation pour continuer à satisfaire le consommateur et créer de la demande. Comme le montrent la résurrection française des Treets, ces célèbres bonbons qui avaient souffert de la concurrence des M&M’s, ou le retour de Raider, l’ancêtre de Twix, sur le marché néerlandais, les confiseurs jouent sur un effet « madeleine de Proust » pour susciter une émotion chez les consommateurs. Dans le cas de Raider, l’impact nominal se manifeste entièrement car la recette est restée inchangée.
Retour à l’enfance, mise à profit de la renommée d’une marque, évocation d’un héritage, promesse de légitimité, référence à un passé mythique ou aux dernières tendances, le relancement d’une marque ancienne offre de nombreux avantages marketing, s’il est accompagné d’une compréhension fine des enjeux de notre époque, d’une adaptation esthétique et de l’assimilation des innovations technologiques.
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