Le (très) vaste plan de transformation destiné à rendre sa compétitivité à Carrefour, dévoilé par Alexandre Bompard, nouveau capitaine du distributeur, semble d’ores et déjà avoir reçu l’onction des investisseurs. Le titre a effet terminé en tête du CAC 40 mardi et continue de progresser ce mercredi matin. Un plan drastique mais nécessaire pour ne pas dire salvateur pour lutter à armes égales avec la concurrence, Leclerc ou Amazon.
« Make Carrefour Great Again ». La formule popularisée par Donald Trump, et souvent reprise par Emmanuel Macron ces derniers mois, s’avère tout aussi percutante et pertinente lorsqu’il s’agit d’évoquer le nouveau « plan de bataille » de Carrefour. Le géant hexagonal de la distribution, qui a perdu en 2017 sa place de numéro 1 au profit de Leclerc et qui a longtemps peiné à prendre le virage du digital, est déterminé, par le truchement de ce « plan d’action(s) » à entrer de plein pied dans cette nouvelle ère et ainsi tenir la dragée haute à « d’autres acteurs du secteur ». En premier lieu, Amazon et sa stratégie de faire « feu de tout bois » qui met en péril les modèles dits traditionnels pour ne pas dire sclérosés. Carrefour et Alexandre Bompard ont (enfin) pris la mesure de péril et ont annoncé un investissement massif de 2,8 milliards d’euros dans le digital d’ici à 2022. Pour des objectifs résolument ambitieux : 5 milliards d’euros de ventes dans le e-commerce alimentaire en 2022, un chiffre six fois supérieur à celui d’aujourd’hui, avec une part de marché en France supérieure à 20%, contre 10% actuellement.
Outre ce retard à combler sur le volet digital, l’ancien leader a également décidé de « simplifier » son fonctionnement organisationnel. Massy abritera le siège unique du groupe et un plan de départs volontaires de 2 400 postes (soit l’équivalent de 2% des effectifs) est également sur rampe de lancement. Bercy, très attentif à ce genre d’annonces, a rapidement fait savoir via le ministre de l’Economie Bruno Le Maire que l’Etat serait « particulièrement attentif à la situation mais également très vigilant sur l’accompagnement de chaque salarié ». Désireux de récupérer son trône et d’en chasser le « nouveau roi » Leclerc (et surtout restaurer la rentabilité), Alexandre Bompard a également engagé un plan massif – décidément – de réductions de coûts à hauteur de 2 milliards d’euros. Un montant qui désarçonné les analystes qui tablaient davantage sur un montant oscillant autour du milliard d’euros.
Les investisseurs confiants… et rassurés
Toujours en ce qui concerne le volet « réductions », 273 anciens magasins Dia seront cédés, sur un total de 600. Comme rappelé par Reuters, le réseau, dont le modèle n’est pas adapté, reste déficitaire. S’ils ne trouvent pas preneurs, les magasins seront fermés et un plan social pour les 2 100 salariés concernés sera lancé, avec l’objectif d’en reclasser « au moins la moitié ». Plusieurs annonces qui ont suscité le scepticisme et la défiance des syndicats. Force ouvrière, première organisation syndicale du distributeur, a fustigé un « plan destiné aux actionnaires » et un « pacte social menacé ». Une journée d’action est par ailleurs prévue le 8 février. A l’inverse, l’ensemble de ce plan semble avoir particulièrement enthousiasmé les investisseurs, comme en atteste la trajectoire du titre en Bourse ces deux derniers jours.
« Le plan de redressement du nouveau PDG semble solide, à notre avis, et nous sommes désormais plus confiants dans le potentiel de rebond des marges en France grâce aux réductions de coûts drastiques et à la fermeture des anciennes enseignes Dia », abondent les analystes de Société Générale, au point même de passer à l’achat sur le titre. Même tonalité chez leurs homologues de HSBC, donnant un satisfecit à un « plan ambitieux s’attaquant aux différents problèmes, en particulier la structure des coûts de Carrefour et son positionnement en terme de prix ». Et d’ajouter que « le titre sera tiré par les espoirs suscités par un plan encourageant ». Là aussi, la banque britannique a revu à la hausse son conseil, passant d’Alléger à Conserver. Néanmoins, dans ce concert de louanges, certains analystes n’hésitent pas à faire entendre une voix dissonante. « Les incertitudes demeurent alors que nous avons une visibilité limitée sur les mesures de réductions de coûts et leur calendrier », déplore par exemple Deutsche Bank.
Alexandre Bompard, le « Macron du Business »
Mais la personnalité et les faits d’armes d’Alexandre Bompard, à la tête du vaisseau amiral Carrefour depuis juillet dernier, alimentent également cet optimisme. « C’est l’équivalent dans le business de ce qu’est Emmanuel Macron en politique. Il est très doué et a, comme Macron, une grande capacité de charme et d’empathie ».La flatteuse comparaison est signée Alain Minc, expert des arcanes politiques et économiques, qui voit ainsi en Alexandre Bompard l’équivalent, du moins dans l’état d’esprit, du président de la République. « Son expérience à la Fnac a été plus qu’un révélateur, presque un test à l’acide », souligne, cité par Reuters, Antoine Gosset-Grainville, un de ses proches amis et administrateur de la Fnac. Et de poursuivre : « son bilan le fait entrer dans le très petit club des managers français de premier rang ». En effet, difficile sur ce point de donner tort à cet ancien directeur adjoint de cabinet de François Fillon, comme en atteste l’évolution du cours de Bourse de la Fnac, véritable juge de paix en la matière. Introduite en Bourse à 22 euros en juin 2013, l’action Fnac a vu sa valeur tripler, à environ 68 euros. Le charme va-t-il opérer chez Carrefour ? Alexandre Bompard est prêt à relever le défi.
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