En 1998, le ciel polynésien s’ouvre et Air Tahiti Nui relie les métropoles du monde à l’île de Tahiti, terre de cocagne exaltant bien des imaginaires. L’arrivée de cet opérateur a largement bénéficier à son écosystème. Derrière cette réussite, un tandem inébranlable. Michel Monvoisin et Mathieu Bechonnet, respectivement Président et Directeur Général de la compagnie aérienne, qui mènent plusieurs chantiers de consolidation. La pandémie ? Une question d’opportunités plus que de menaces. Entretiens croisés aux antipodes.
Le tourisme est un secteur clef de la Polynésie. Quel a été l’impact de la création d’Air Tahiti Nui pour la filière ?
Michel Monvoisin : Air Tahiti Nui appartient à 85% à la collectivité. Les 15% restants sont répartis entre près de 300 actionnaires, avec un noyau dur d’actionnaires un peu plus important qui est principalement représentés par les grands groupes hôteliers de Polynésie et la banque Socredo. Air Tahiti Nui est indéniablement un outil de développement du tourisme. La compagnie a commencé à opérer en novembre 1998 pour ouvrir le ciel polynésien. En Polynésie, ce secteur est la première industrie, donc il fallait que l’on ait notre propre compagnie et que l’on arrête d’être dépendant des compagnies extérieures. C’est dans cet objectif que la compagnie a été fondée.
Mathieu Bechonnet : Si Tahiti a toujours été sur la mappemonde des grandes compagnies, c’est parce qu’à l’époque, pour aller au Japon ou en Australie, les avions se posaient à Tahiti par manque d’autonomie. Tahiti était une escale technique et le tourisme polynésien a commencé grâce à cela. L’histoire de la Polynésie et la beauté des lieux présent dans les mythes des plus grands écrivains ont beaucoup contribué au développement du tourisme. Je n’étais pas encore à ce poste à l’époque, mais on m’a proposé ce tandem avec Michel et je l’ai accepté. Depuis 2013, on est donc dans une phase beaucoup plus stable, avec un renouvellement de la flotte. On a le même volume d’appareils mais on a revu les basiques qui sont l’appareil, les équipes, l’organisation entre autre.
Parlez-nous en quelques mots de vos parcours respectifs.
M.M. : J’ai commencé dans le secteur automobile, et je suis très vite passé dans la banque où j’ai fait l’essentiel de ma carrière chez Socredo, un groupe bancaire local qui est donc actionnaire de Air Tahiti Nui depuis ses débuts. Je suis tombé dans l’aviation un peu par hasard. Quand il y a eu ce renouveau après la période de crise en 2013, le président de Socredo m’a appelé pour me demander de reprendre les rênes d’Air Tahiti Nui. C’était un nouveau challenge pour moi donc j’ai accepté. J’avais encore l’âge de me lancer dans une nouvelle aventure…Et je n’ai aucun regret ! Air Tahiti Nui, ce n’est pas qu’un simple transporteur. Il y a ce double monde du transport et du tourisme.
M.B. : J’ai pour ma part une formation d’ingénieur aéronautique. Pour des raisons assez inattendues, je me suis tourné vers le côté financier puis commercial des compagnies aériennes. J’ai commencé dans un bureau d’études sur Airbus Aérospatiale où l’on travaillait sur le remplacement du Concorde. Je suis passé chez Air France très rapidement où j’évoluais dans un poste d’analyse de management de vols. C’était une très bonne école mais j’avais envie de voir autre chose. Dans les années 2000, j’étais en Polynésie française et j’ai eu la chance de rencontrer le premier PDG d’Air Tahiti Nui qui m’a proposé de les rejoindre. Plein d’insouciance et de fougue de la jeunesse, j’ai dit oui. J’ai eu la chance de voir cette compagnie grandir, et à mon âge et à mon niveau d’expérience, c’est une opportunité incroyable !
Comment définiriez-vous l’ADN de la Polynésie ?
M.M. : C’est une destination exclusive qui n’est pas sujette au tourisme de masse. Nous avons un objectif de 300 000 touristes à l’année et nous tournons aujourd’hui autour de 250 000, alors que Hawaii est à 8 millions. On essaie de se démarquer. Nous avons inventé le bungalow sur l’eau, un concept très populaire qui a été adopté ensuite par les Maldives, le Mexique ou encore Bora Bora. On a une image d’un pays qui est relativement préservé et il y a une appétence forte pour le peuple polynésien car il est naturellement accueillant. Dans l’histoire de la Polynésie, le peuplement est dû au fait que le pays était une escale mythique du temps de la grande épopée des bateaux. On a mis en place des campagnes très tournées vers la préservation de l’environnement, des plages et de la culture polynésienne. Et le succès a été au rendez-vous parce qu’aujourd’hui, en termes de fréquentation touristique, la demande est supérieure à l’offre. La préservation de l’environnement est un motif d’achat important, nous y sommes très attachés en Polynésie.
Qu’est-ce qui différencie la Polynésie des autres îles, comme celle de Saint-Barthélemy ?
M.B. : La Polynésie est une expérience à part. Les nouveaux paradigmes du luxe mettent l’accent sur l’expérientiel et la quête d’authenticité : notre territoire a toutes les composantes pour offrir cela. On y retrouve la diversité des îles, l’immersion sensorielle, l’approche culturelle avec une plongée dans l’histoire du peuple polynésien… Ce ne sont pas des choses qui s’achètent.
M.M. : C’est devenu the place to be pour toute la côte ouest des États Unis. Donc bien évidemment, quand on a étendu notre flotte aérienne, on a adapté notre produit à la demande. On a pris le parti de faire une vraie classe premium économique avec des sièges plus confortables et des produits milieu de gamme, tout en partant sur un produit très haut de gamme pour la classe affaires. Nous venons d’ailleurs de recevoir la médaille d’or de la meilleure classe business des compagnies françaises.
Comment voyez-vous l’avenir d’Air Tahiti Nui ?
M.B. : Il y a clairement cette phase de restructuration à mener avec de gros investissements dans le digital. Il faut recapitaliser surtout en cette période de crise. On sait que tant que l’on ne sera pas sorti de cette crise sanitaire et de ses impacts sur nos échanges internationaux et sur les frontières, ce contexte nous challengera. Quant à la croissance de notre compagnie, les opportunités existent dans la région et nous permettront de garder notre statut de compagnie de référence. Enfin, l’un des éléments de notre consolidation, sera sans doute notre identité polynésienne.
Pour aller plus loin :
Air Tahiti Nui, en chiffres
286 millions d’euros : chiffre d’affaires avant la pandémie
621 : collaborateurs dont 53% de femmes et 47% d’hommes
62 : villes desservies
49,7 % : parts de marché sur la destination, loin derrière son challenger United Airlines avec 16,8%
156.200 : membres au Club Tiare, programme de fidélité de la compagnie
Filiale Tahiti Nui Helicopters
Distinctions : Award 2020 de la meilleure compagnie aérienne du Pacifique-Sud, meilleure compagnie aérienne de loisirs, médaille d’or de la meilleure cave de classe affaires (catégorie vin blanc et vin pétillant)
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