Toujours dans l’attente de sa nouvelle direction qui doit tourner la page d’un printemps « meurtrier » et d’un été attentiste, le comité de nomination de la compagnie franco-néerlandaise Air France-KLM aurait jeté son dévolu sur le numéro 2 d’Air Canada, Benjamin Smith. Un choix loin de ravir le principal syndicat de pilotes, le SPNL, qui menace également d’une grève à la rentrée si les négociations sur les salaires ne reprenaient pas. L’action Air France-KLM accuse le coup ce lundi, reculant de 4,11%.
Pas de trêve estivale entre les pilotes et la direction d’Air France. Alors que le processus de recrutement suit son cours, certaines sources, relayées par La Tribune et Le Monde, font état de la nomination prochaine de l’actuel numéro 2 d’Air Canada, Benjamin Smith, à la tête de la compagnie franco-néerlandaise. Un choix « étonnant » de prime abord mais qui témoigne de la lente montée en puissance des nouveaux actionnaires, le chinois « China Eastern » et l’américain « Delta Airlines », qui détiennent chacun 8,8% d’Air France-KLM. Une potentielle désignation déjà contestée – alors que, rappelons-le rien n’est encore officiel – par le puissant syndicat de pilotes SPNL qui juge que « Ben Smith », comme il est plus couramment nommé, est loin d’être l’homme de la situation. « Nous pensons qu’il faut un dirigeant connaissant les spécificités du dialogue social français, qui maîtrise les détails du marché aérien européen et notamment les forces en présence entre les low-cost et les compagnies historiques. C’est très différent de ce qui se passe au Canada », a déclaré Philippe Evain, patron du SPNL, dans un entretien au Parisien ce dimanche. Comme « accueil », on a connu plus chaleureux. Mais outre ces contingences, l’omnipotent chef des pilotes, qualifié de « Lider Maximo » par le patron de la CFDT, Laurent Berger, a brandi la menace d’une nouvelle grève à la rentrée si les négociations relatives aux hausses de salaires ne reprenaient pas. Divers éléments qui ont « refroidi » les investisseurs, le titre Air France-KLM a terminé en baisse de 4,11% ce lundi.
Surtout qu’Air France-KLM serait prêt à multiplier par trois la rémunération de son futur PDG, dans l’espoir d’attirer une « pointure » à ce poste particulièrement exposé qui a fait fuir pléthore de candidats potentiels. D’un montant fixe de 600 000 euros annuels, avec la possibilité de la doubler en rémunération variable, elle demeure à des années-lumière de la concurrence (8,8 millions d’euros pour Willie Walsh PDG d’IAG en 2015 avec des critères similaires). Déjà, en 2016, la succession d’Alexandre de Juniac n’avait pas suscité la convoitise des professionnels du secteur. Fabrice Brégier, ex-numéro 2 d’Airbus, avait notamment refusé le poste en 2011 et en 2016. Pourtant, Philippe Evain est circonspect sur cette « augmentation de salaire » du futur dirigeant de la compagnie… tout en mettant en garde. « C’est un symbole. Surtout si la nouvelle direction n’entend pas négocier. Mais je n’y crois pas. Ou alors il y aura 15 jours de grève ». La menace a le mérite d’être claire. Pour rappel, la crise sociale qui a opposé le personnel d’Air France et la direction durant l’année a déjà entraîné 15 jours de grève au premier semestre pour un coût estimé à 355 millions d’euros.
Qui est Benjamin Smith ?
Déjà condamné avant d’être nommé, Benjamin Smith, actuel numéro 2 d’Air Canada, a cependant quelques atouts à faire valoir. Il a notamment œuvré au redressement de la compagnie canadienne qui a flirté avec l’abîme il y a une quinzaine d’année. « Si aujourd’hui Air Canada a remonté la pente après plusieurs années difficiles, c’est en partie grâce à lui », confie un employé du groupe, sous couvert d’anonymat au Parisien. Et de brosser son portrait. « Il est compétent, il a des idées et quand il a une stratégie il va jusqu’au bout ». Réputé discret et taiseux, l’homme, affectueusement surnommé « Ti Ben » en raison de sa petite taille, n’en demeure pas moins un redoutable dirigeant capable de monter au front et tenir tête aux syndicats. Même si l’homme n’a que peu d’expériences des conflits sociaux au Canada, pays où la grève des pilotes n’existe pas, il peut néanmoins se targuer d’avoir signé avec les deux syndicats représentant les personnels navigants des accords sur l’organisation d’Air Canada et d’Air Canada Rouge (la low-cost du groupe) sur une durée de dix ans.
« C’est un dirigeant dur mais pas méchant. Mais je vous préviens, chez Air France, ça va détonner, lâche cet employé. Il sait faire de l’argent, pas du social », évoque cet employé d’Air Canada. Divers faits d’armes loin de convaincre Philippe Evain qui déplore la nomination d’un patron étranger. « Je suis pilote Air France mais aussi français, et que nous n’arrivions pas à trouver un PDG français pour Air France, je trouve cela dommage. C’est une question de souveraineté ». Et de mettre en accusation le processus de nomination qui souffrirait, selon lui, d’un déficit de transparence. « C’est le processus de sélection qui nous pose problème. Nous avons la conviction que certaines candidatures sont étudiées du bout des lèvres. Il y a deux ou trois talents, des industriels qui connaissent le marché européen mais qui sont écartés sans aucune raison objective ». Air France-KLM s’attend donc à une rentrée très agitée. La sérénité attendra. Encore une fois.
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