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Air France-KLM (Toujours) À La Conquête Du Ciel

© Don Wilson

Porté par une stratégie de croissance rentable impulsée par Jean-Marc Janaillac qui a notamment permis au groupe franco-néerlandais de dégager un bénéfice d’exploitation record de 1,48 milliards d’euros en 2017 (dont 590 millions pour Air France), Air France-KLM – en dépit d’un résultat net négatif du fait d’une charge exceptionnelle de 1,4 milliard d’euros et d’une période de conflit social à Air France – continue de quadriller les cieux avec l’ouverture cette année de six nouvelles liaisons long-courrier au départ de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle pour l’été 2018.

Malgré les nuages qui s’amoncellent sur Air France où la grogne de certains de ses salariés devrait continuer de se faire entendre cette semaine, l’ensemble du groupe Air France-KLM, fort de ses résultats améliorés, est clairement engagé dans une stratégie de reconquête et d’offensive dans un secteur hyper concurrentiel. Dans ce contexte « agité »,  la compagnie Air France poursuit ainsi sa trajectoire de croissance afin de rattraper ses parts de marché perdues et améliorer sa rentabilité. Le groupe va ainsi proposer six nouvelles liaisons long-courrier au départ de Paris-Charles de Gaulle pour Air France – sept au total s’il l’on prend en compte celle au départ de Pointe-à-Pitre – et deux autres en partance de l’aéroport Amsterdam-Schiphol pour KLM dès cet « été ». En réalité, le coup d’envoi de la saison d’été dans le domaine de l’aéronautique a déjà été donné et n’a donc pas vraiment grand-chose à voir avec son homologue calendaire. Car l’été, au plus haut des cieux, s’étend de la fin du mois de mars à fin octobre. « De mémoire,  sur les quinze dernières années, c’est la première fois  que nous procédons à autant d’ouvertures de lignes en même temps chez Air France. C’est assez inédit », relève Pierre-Olivier Bandet, Directeur Général Adjoint Programme et Flotte d’Air France. Un « poste » assez atypique dans le milieu puisque ces deux fonctions sont généralement scindées chez la concurrence… tout comme d’ailleurs chez le premier partenaire de la compagnie nationale. « Chez KLM, effectivement, cette attribution  n’existe pas », explique celui qui a déjà plus de 25 ans « de maison » derrière lui, entrecoupés par une incursion dans un grand cabinet de conseil.

Parmi les prérogatives de Pierre-Olivier Bandet, la gestion et le développement du réseau d’Air France. Et ce serait manier la litote que de dire que le responsable n’a pas chômé. Car Air France a, comme mentionné en préambule, annoncé l’ouverture de six nouvelles destinations long-courrier à partir du 25 mars et de 45 nouvelles liaisons moyen-courrier, le tout en réduisant ses coûts.  « Ces ouvertures se font à nombre d’avions inchangé. Nous augmentons l’utilisation de nos avions de manière significative, notamment sur le moyen-courrier. C’est un cercle vertueux.», explique le dirigeant. Ainsi, Air France s’envolera désormais vers Nairobi, Seattle, Taipei, San Jose, une ligne que la compagnie a décidé d’étendre à la saison été. Tandis que sa « petite sœur » Joon, nouvelle venue du groupe, s’envolera vers Fortaleza et Mahé aux Seychelles.  Parmi ces six destinations long-courrier au départ de l’aéroport Roissy Charles de Gaulle pour la saison d’été, deux ont déjà effectué leur vol inaugural à la fin du mois de mars, en l’occurrence Nairobi au Kenya et surtout Seattle aux Etats-Unis. Pour cette dernière, il s’agit d’un retour «  sur le devant de la scène » puisqu’Air France proposait déjà cette destination entre 2007 et 2012.

Seattle, retour gagnant ?

« A partir de 2008, comme beaucoup d’autres compagnies aériennes, nous avons connu des difficultés qui nous ont amenées à réduire la voilure », argue Pierre-Olivier Bandet concernant la suspension de la desserte vers la mère-patrie de l’avionneur Boeing et des chaînes de café Starbucks. « Même si nos vols étaient remplis, la rentabilité de cette destination n’était pas au niveau escompté, principalement en raison de la recette unitaire (baromètre particulièrement scruté par les analystes et mètre-étalon du secteur ndlr), et nous avons donc décidé de suspendre cette desserte en 2012 », développe le responsable.  En effet, chaque nouvelle destination nécessite un surcroît d’investissement humain et financier et la période n’était pas forcément idoine pour cela. Mais la capitale de l’Etat de Washington restait néanmoins dans le radar d’Air France puisqu’elle était toujours, pendant ces années « délicates », desservie par Delta Air Lines, partenaire d’Air France-KLM. « Cela nous permettait d’être toujours présents commercialement  à Seattle même si nous n’étions plus exploitant », appuie Pierre-Olivier Bandet. Outre le fait de ne pas avoir étoffé sa flotte pour « prendre d’assaut » ces nouvelles destinations, le « jeu des alliances » avec les compagnies partenaires a également permis à Air France de minimiser les prises de risques.  Depuis le 25 mars, la compagnie présidée par Jean-Marc Janaillac propose jusqu’à cinq vols hebdomadaires à destination de « Rainy City » (la ville pluvieuse dans la langue de Molière) en plus de celui quotidiennement assuré par Delta. Avant de passer à trois vols hebdomadaires aux prémices de l’hiver.  Prudence est mère de sûreté.

La stratégie de développement de l’offre est savamment réfléchie et est également rendue possible par le renforcement des alliances du groupe avec des compagnies partenaires, au premier rang desquelles Delta Air Lines.  Le renforcement de la coentreprise existante avec Delta sur les destinations transatlantiques et la volonté d’intégrer au sein de cette « maison commune »,  Virgin Atlantic – qui pour rappel dessert également Seattle en B787 mais depuis Londres – s’intègrent pleinement dans cette  stratégie.  « Cette nouvelle joint-venture unique, qui inclut désormais Virgin Atlantic, a été conçue dans une logique de croissance partagée et équilibrée »,  détaille Pierre-Olivier Bandet. Ainsi, la création de cette coentreprise a vocation à renforcer les positions d’Air France-KLM sur les marchés nord-américain et européen avec le plus important réseau aérien via douze hubs puissants des deux côtés de l’Atlantique : Amsterdam, Atlanta, Boston, Cincinnati, Detroit, Los Angeles, London Heathrow, Minneapolis-St Paul, New York-JFK, Paris-CDG, Salt Lake City et Seattle.

« Air France n’est qu’au début de sa transformation »

 « Nous sommes la compagnie européenne qui ouvrira le plus de destinations cet été, à savoir 16 en incluant le moyen-courrier. C’est important mais évidemment ce n’est pas un objectif en soi. Le principal est que ces nouvelles liaisons trouvent leur équilibre économique », poursuit Pierre-Olivier Bandet. Après des années en zone de turbulences, Air France, en dépit du spectre d’une grève prolongée de ses pilotes qui plane au-dessus de sa tête en ce printemps, veut poursuivre sa marche en avant même si de nombreux défis restent à relever : endiguer des coûts unitaires repartis à la hausse sur les trois derniers mois de 2017 ou encore essayer de se rapprocher de la rentabilité de sa « compagnie sœur » KLM.  Divers challenges aussi intéressants qu’excitants même si le cours de Bourse du groupe Air France – KLM continue de faire le yo-yo, particulièrement depuis le lancement des préavis de grève.  « 2018 commence sous des auspices plus difficiles » avait reconnu Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM en début d’année. « Air France n’est qu’au début de sa transformation » avait-il reconnu, avec une certaine lucidité, le patron de la compagnie lors d’une audition au Sénat début janvier.  La conquête du ciel ne se fait pas sans nuages.

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