OPINION// Le savoir encourage la prise de conscience. L’accès à la donnée au cours de la dernière décennie a transformé les consommateurs et épargnants passifs en citoyens acteurs du développement et du respect de l’environnement. Le greenwashing perd alors de la vitesse pour laisser place à un réel changement de pratique. Depuis 2015, ce changement de paradigme s’est accéléré et s’est notamment distingué au cœur même des tendances d’investissement ou de création d’entreprises.
Ce mouvement vers une amélioration des performances environnementales, sociales et de gouvernance a été pris à bras le corps par le monde de l’investissement. En 2020, les startups à impact ont en effet vu le nombre de tours de table augmenter de 50% sur l’ensemble de l’écosystème, et de 80% leurs montants. Résultat, les startups américaines et européennes à impact ont levé un total de 14,7 milliards de dollars l’année dernière. Un véritable raz-de-marée, qui a transformé cette tendance en un mouvement de fond.
Nous sommes ainsi à l’aube de la plus importante réallocation de capitaux de l’histoire moderne, motivée par la transition de plus en plus urgente vers une économie durable et positive pour le climat. Les entreprises de la Tech, en retard sur ces questions par rapport à d’autres secteurs plus exposés, sont en train de répondre à ce mouvement avec force. Une métamorphose radicale est en cours, impactant positivement au passage les opérations d’investissements et de fusions et acquisitions.
Un écosystème en pleine évolution
L’hypercroissance à tout prix ne séduit plus, et résonne comme un écho au gaspillage et à la pollution, voire même à la surproduction. Face aux enjeux climatiques et à la consommation effrénée des ressources naturelles, le domaine de l’investissement, en tant que financeur des sociétés d’avenir, se doit de se positionner.
L’investissement dans l’innovation est donc l’une des clés pour réussir ce changement sans nuire à l’environnement. L’idée : réduire notre impact collectif en passant notamment par le financement de solutions technologiques servant une consommation et une production plus responsables et plus propres.
Des entreprises comme EcoVadis ou Back Market ont bénéficié de cet intérêt croissant de tous les participants de marché pour ces solutions durables. Le premier a révolutionné la prise de conscience aussi bien du côté corporate que financier, quand le second a démontré aux consommateurs une nouvelle manière de consommer, moins chère et sans gaspillage.
L’explosion de l’investissement responsable
A travers l’analyse de plus de 10 000 opérations de levées de fonds et 3000 opérations de fusions et acquisitions dans le monde, à partir de 2015, les entreprises à impact ou ESG (Environnement, Social, Gouvernance) ont démontré leur faculté à répondre à de véritables besoins mais surtout à attirer l’intérêt des investisseurs.
Au niveau international, l’Europe et le Canada offrent une démonstration de leur capacité à vouloir dynamiser leurs écosystèmes. Et les Etats-Unis commencent à suivre le rythme. En effet, le 46e président des Etats-Unis, Joe Biden, a multiplié les actes symboliques et actions concrètes pour lutter contre le réchauffement climatique tout en annulant certaines clauses anti-environnementales de son prédécesseur.
Cependant, cette métamorphose est encore récente. Même si cette nouvelle vague est une tendance de fond, les mesures prises ne font pas encore l’objet d’un consensus international. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et suggèrent une forte volonté de faciliter l’émergence des champions de demain. L’ESG devient progressivement obligatoire et les investisseurs sont de plus en plus disposés à anticiper les risques et opportunités liés au développement durable. En conséquence, le volume d’actifs conformes aux normes ESG sous gestion des signataires de l’ONU PRI (investissement responsable) a augmenté de manière croissante, passant de 12 trillions $ en 2012 à 42 trillions $ en 2020 (soit une croissance annuelle de 19%). D’ici fin 2021, GP Bullhound estime que cela représentera 38% des actifs mondiaux gérés.
Toutefois, concernant l’impact, les investissements restent plus timides. Les actifs sous gestion des fonds à impact ont certes triplé en trois ans (0,2% à 0,6%) mais représentent encore moins de 1% des actifs mondiaux sous gestion. Paradoxalement, ils évoluent très vite. Alors que les investissements ESG ont augmenté de 13% entre 2017 et 2019, ceux liés à l’impact ont bondi de 77%.
Au total, les fonds levés par les entreprises à impact ont dépassé les 10 milliards de dollars en Europe et aux États-Unis en 2020, soit plus du double par rapport à 2017. On observe également que le ticket moyen augmente et que les financements initialement tournés vers les tours de Seed et de Série A migrent très nettement vers des Séries C et plus. Preuve que ces entreprises réussissent à croître et à se développer. Enfin, 2020 a été une année record pour les activités d’investissements et de M&A dans les entreprises tech de ce secteur. Ces dernières ont vu le nombre d’investissements augmenter de 50% sur l’ensemble de l’écosystème et de 80% le montant des tours de table. Soit 69,8 milliards de dollars avec 4 méga transactions, pour un total de 36 milliards de dollars.
Les grands gagnants de la Tech for Good
La période actuelle met en exergue la plus importante réallocation des capitaux de l’histoire, motivée par l’urgence d’une transition vers une économie durable et positive pour le climat. Et l’écosystème tech se repositionne extrêmement vite au cœur de cette transformation où le Social Impact et la donnée durable ont été les grands gagnants du changement en 2020.
Les éditeurs de logiciel ont dominé les cycles de financement avec 45% de toutes les activités d’investissement à impact. La raison : les investisseurs (comme les utilisateurs) ne se satisfont plus d’une simple explication et veulent des preuves. En cela, les éditeurs sont transparents. Ces derniers permettent d’obtenir et de mesurer la donnée et leurs utilisateurs peuvent vérifier de multiples facteurs comme leur empreinte carbone.
À noter qu’à ce jour, la plupart des investissements durables sont concentrés dans des secteurs à impact social, comme l’Edtech et la Healthtech. Ces secteurs sont des écosystèmes bien définis, avec des modèles commerciaux développés et compris par tous. En parallèle, certains secteurs verticaux, tels que la consommation économe en ressources, ont bénéficié d’un TCAC (taux de croissance annuel composé) de financement de plus de 100% entre 2017 et 2020. Enfin, les entreprises de transition climatique capteront une part croissante des investissements durables.
Le monde de l’investissement actuel se transforme au gré des tendances mais surtout des nécessités environnementales. Au cours des prochaines années, les fonds vont majoritairement concentrer leurs investissements vers les ESG et les entreprises à mission et à impact. Même si ces investissements ne font pas l’objet d’un consensus global, les dernières années ont démontré une réelle volonté de voir éclore une nouvelle ère. Ces transformations brisent définitivement le tabou autour de la non rentabilité de l’impact. Désormais, l’investissement responsable met à mal le mythe affirmant qu’y investir c’est renoncer à la rentabilité. Au contraire, ce sont ces nouveaux modèles qui se montreront résilients dans la durée.
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