Secteur répondant à la préservation d’un sens précieux et à l’enjeu grandissant du « bien voir », l’optique connaît pourtant malheureusement, et depuis plusieurs années, une grave crise des vocations. Un récent rapport désigne en outre la profession d’opticien comme l’une de celles où les besoins en recrutement seront parmi les plus importants dans un avenir proche[1]. Un constat qui a de quoi inquiéter, tandis que l’« épidémie » de myopie est source d’inquiétude et que l’on sait notre population française vieillissante, alors même que 97% de nos plus de 65 ans présentent un trouble visuel[2] et que la France comptera plus de 4 millions de personnes en perte d’autonomie d’ici 2050[3]. Dans ce contexte, il est essentiel que le secteur de l’optique sache se remettre profondément en question, pour attirer et surtout fidéliser ses talents.
Une réalité très éloignée des clichés : la première raison de cette crise des vocations !
Source de nombreux fantasmes, pour certains historiques et pour l’immense majorité sans fondement, le métier connaît une réalité toute autre, qui entraîne inévitablement des désillusions, souvent fatales sur le terrain. Parmi elles, citons par exemple les conditions de travail, qui parce que liées à la structure d’un point de vente, ne correspondent plus franchement aux aspirations contemporaines, révélées de surcroît par la crise sanitaire qui a modifié notre rapport au travail (horaires peu flexibles, travail le samedi et certains jours fériés…). Par ailleurs, nous pourrions également nous attarder sur des réglementations chaque jour plus contraignantes, avec pour conséquence des listes de tâches purement administratives qui s’allongent (temps accordé au tiers payant par exemple), et qui nuisent à l’épanouissement professionnel de l’opticien de santé. Enfin, et presque surtout, évoquons le manque de considération dont la profession fait l’objet…. En effet, davantage perçus comme des « vendeurs de lunettes » que comme de véritables professionnels de santé, les opticiens peinent à (re)trouver le sens qu’ils sont venus chercher en choisissant cette voie. Alors inévitablement, et cela est encore plus prégnant pour les plus jeunes d’entre eux, à défaut de disposer dans ce métier d’un bon équilibre vie pro / vie perso, de conditions de travail agiles, d’une reconnaissance de la Société, ni d’une quête de sens assouvie, les démissions se font nombreuses, et c’est toute une branche qui devient pénurique.
Attirer et fidéliser des talents : une urgence dont nous devons toutes et tous nous saisir.
Et cela commence à mon sens par la formation ! Soyons clairs : les parcours d’apprentissage aujourd’hui ne sont parfois plus en phase avec une partie de la réalité terrain du métier. Trop techniques et scolaires, deux évolutions pourraient être envisagées. La première, tenir compte de l’usage de la technologie dans le quotidien de l’opticien, qui lui permet d’automatiser un certain nombre de tâches, au profit d’un temps de formation dédié à la réalisation de l’anamnèse, la tenue de temps de découverte, d’échanges et de conseils de qualité avec les patients. La seconde, diversifier son offre de formation afin de sortir des sentiers battus (du magasin) et donner ainsi l’occasion aux étudiants de découvrir la diversité de l’exercice de la profession en mobilité ou en cabinet.
Mais cela ne fera pas tout. Il devient évident que la profession entière doit être revalorisée, en étant d’abord recentrée sur des missions paramédicales, via l’ouverture (recommandée par un rapport récent de l’IGAS[4]) de nouveaux droits pour les opticiens : mise en place d’une véritable délégation de tâches avec l’ophtalmologue, renforcement de la part, conseil et pédagogie dans la pratique
Mais aussi en acceptant l’idée que le métier comporte mille facettes, et de fait mille expertises et façons de le pratiquer (expertise basse vision, contactologie, optique à domicile, assistant médical en cabinet d’ophtalmologie… …).
Enfin, comme dans tous les secteurs, il appartient aux employeurs et managers de repenser des conditions de travail qui ne correspondent plus, en 2022, aux desiderata des actifs d’aujourd’hui et de demain.
La branche de l’optique et la filière en santé visuelle regorgent d’opportunités et de métiers divers d’autant plus que la vue est un sens fondamental ! Les professions paramédicales font par ailleurs partie de celles qui recruteront le plus d’ici 2030, avec 40 000 emplois supplémentaires1. L’urgence est donc, pour l’heure, de susciter des vocations, de revaloriser le métier d’opticien de santé afin de pouvoir répondre aux besoins de demain, mais aussi à moyen terme, sous réserve de validation d’acquis, de savoir ouvrir les portes à une plus grande diversité de profils : les personnes en reconversion professionnelle, issues du paramédical ou du service à la personne, ou encore les personnes qui sont en quête de plus de sens dans leur métier.
[1] Rapport réalisé par Dares et France Stratégie concernant « Les métiers en 2030 ».
[2] Dress, Etudes et résultats, 2014.
[3] Insee, 2019.
[4] IGAS, La filière visuelle : modes d’exercice, pratiques professionnelles et formations, 2020.
Tribune rédigée par Matthieu Gerber, fondateur de la société Les Opticiens Mobiles
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