Le débat sur la hausse du prix des carburants, même s’il est important pour beaucoup de Français, ne doit pas nous faire passer à côté des profondes transformations que la mobilité est en train de connaitre. Il arrive à un moment où se cristallise la transition du « tout voiture » vers un monde bouleversé par de nouveaux modèles économiques, avec l’arrivée de plateformes de services, et par des évolutions technologiques, avec des véhicules de plus en plus connectés et autonomes. Du reste, la densification des villes et l’accroissement des préoccupations environnementales conduisent à des mutations inéluctables qui impliquent autant les acteurs publics que les entreprises.
Les questions de régulation sont importantes mais ne doivent pas être centrales. Comme le montre l’actualité, l’usage des nouveaux véhicules électriques individuels que sont les gyroroues, hoverboards, ou trottinettes électriques pose question aux pouvoirs publics pour adapter le code de la route, mais aussi aux assureurs, en matière d’assurance en responsabilité civile. Ceux-ci couvrent les nouvelles mobilités et se préparent à celles de demain, parce que leur vocation est d’accompagner les innovations et les mutations de la société.
Avec le véhicule autonome, des progrès technologiques de plus grande ampleur nous placent face à de nouveaux défis. Bien qu’il n’en soit aujourd’hui qu’à ses balbutiements, il faut s’attendre, selon les estimations des constructeurs, à une révolution dans l’automobile dès le début des années 2020. La proximité quasi-immédiate de cette échéance doit nous amener à la mobilisation collective : c’est dès maintenant qu’il faut s’y préparer !
Pour les pouvoirs publics et les acteurs privés, plusieurs enjeux doivent être pris en compte.
Le premier, c’est le cyber-risque alors que la technologie embarquée joue un rôle majeur dans le fonctionnement des véhicules à délégation de conduite. La priorité est donc de définir les normes de conformité permettant de garantir l’intégrité des logiciels et des données, à la livraison mais aussi tout au long de la vie du véhicule.
Par ailleurs, la question de la propriété et de l’utilisation des données relatives aux déplacements et aux véhicules individuels doit être clarifiée. S’il est entendu que chacun, citoyen-consommateur, doit avoir le pouvoir sur ses données, il faut aussi que l’accès à ces informations et aux ressources embarquées du véhicule connecté et autonome soit ouvert de manière « juste et sans restriction », comme l’a préconisé le Parlement européen en mars dernier. Espérons que celui-ci sera suivi par la Commission européenne qui doit présenter un texte d’ici la fin de l’année 2018. En choisissant l’ouverture, on facilitera l’indemnisation en cas d’accident. On permettra aussi la création de nouveaux services pour les utilisateurs des véhicules connectés ou, dans un objectif d’intérêt général, des actions de prévention en faveur de la sécurité routière.
Les assureurs se préparent aux nouveaux défis qu’impliquent ces changements majeurs : une baisse des accidents en ville, mais aussi des interrogations en matière de responsabilité. En cas d’accident impliquant un véhicule à délégation de conduite, qui faudra-t-il mettre en cause pour indemniser la victime : le constructeur, le concepteur de l’algorithme qui pilote le robot, le gestionnaire des routes, ou l’opérateur de télécommunications 5G ? La technologie avance plus vite que la réglementation ; un jour ou l’autre, celle-ci devra s’adapter pour éviter des contentieux inextricables.
Si ces questions peuvent sembler futuristes, il faut aussi être conscient que les évolutions technologiques ne vont pas seulement transformer nos véhicules mais créent, déjà, de nouveaux usages de mobilité. Le numérique a ainsi permis le développement de services innovants qui répondent aux aspirations émergentes des consommateurs, fondées sur l’usage et le partage plutôt que la propriété des équipements, une tendance sur laquelle prospère l’économie collaborative. Une dynamique vertueuse d’un point de vue environnemental, puisqu’elle limite le nombre de véhicules polluants en circulation, et social, en permettant de se déplacer à moindre coût.
Par ailleurs, la mobilité est de plus en plus multiforme, souple, à la demande. La multi-modalité sera bientôt une réalité. Des plateformes de mobilité permettent d’optimiser les trajets dans les grandes villes mais, en certains endroits, l’accès aux données de transport n’est pas aussi ouvert qu’il le devrait, freinant ainsi les innovations. Il faut se réjouir que les pouvoirs publics annoncent l’ouverture d’ici 2021 de l’accès aux données en temps réel des services de transport.
Enfin, il faudra développer les infrastructures et équipements indispensables pour l’essor du véhicule autonome et électrique : bornes de chargement en électricité, clarification des routes, capteurs etc. Acteurs publics et privés devront s’engager ensemble pour investir et anticiper ce virage.
Le projet de loi d’orientation des mobilités, qui vient d’être rendu public, sera une occasion de répondre à ces évolutions, en offrant un cadre propice aux innovations entrepreneuriales et aux besoins d’investissement. Parce que c’est notre métier et notre responsabilité, les assureurs sont prêts à s’y engager.
Jacques Richier, Président-directeur général d’Allianz France
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