La conjoncture internationale et l’incertitude économique contraignent l’écosystème technologique européen à s’ajuster. En particulier le milieu du capital-risque qui devra être plus sélectif dans ses investissements, tandis qu’on attendra de lui un véritable accompagnement opérationnel de ses participations.
A priori tout va bien pour le capital-risque français et les start-up qu’il finance : 11,6 milliards d’euros levés en 2021 (contre 5,4 en 2020), pour un total de 784 opérations menées. L’année dernière, l’euphorie semblait toujours de mise avec un montant de levées de fonds encore record en valeur, estimé à 13,7 milliards d’euros, selon le cabinet EY. Une bonne santé également visible au niveau européen. Selon une récente étude d’InvestEurope, l’une des principales associations professionnelles du secteur, près de 10 millions d’Européens travaillent dans une entreprise dont le comité de direction (board) est composé d’au moins un investisseur en private equity.
Mieux, ces dernières années, l’industrie du capital-risque s’est affirmée comme l’un des principaux catalyseurs de croissance de secteurs hautement stratégiques, en particulier dans les Biotech et la santé d’une part, les technologies de l’information de l’autre, dont les effectifs ont crû de 7,5 % et 4,9 % respectivement sur le continent. Plus spécifiquement, « les entreprises étudiées (par notre rapport) ont vu leurs effectifs grimper de 2 %, alors même que le marché de l’emploi européen se contractait de 1,6 % en 2020 », se félicite Éric de Montgolfier, CEO d’InvestEurope qui évoque aussi la bonne santé du marché de l’emploi des entreprises soutenues par les VC (venture capital, ou fonds de capital-risque en français).
Mais demain ? L’année 2023 s’annonce comme celle de tous les dangers avec des crises systémiques et des chocs exogènes : guerre en Ukraine, dérive inflationniste, renchérissement des coûts de l’énergie, fin des politiques de soutien à l’économie et hausse des taux d’intérêt notamment. Autant de paramètres qui auront pour effet de contracter le marché. « L’idée que l’argent des VC tombe du ciel demeure encore trop ancrée dans l’esprit des entrepreneurs, alors même que nous faisons face à des contraintes de plus en plus nombreuses », assure François Paulus, co-fondateur et Président du fonds d’investissement français Breega. « Nous constatons des valorisations bien souvent décorrélées des indicateurs économiques réels ». Un sujet d’autant plus brûlant que l’année à venir s’affirme de plus en plus comme celle des réajustements et de la restructuration du marché, avec des transformations qui frapperont tant les entrepreneurs que les investisseurs.
Vers des VC européens plus entrepreneurs que simples financiers
Pour l’industrie du capital-risque, l’un des principaux enjeux sera sa capacité à convaincre les investisseurs (institutionnels, grands groupes ou même puissance publique) qui alimentent les fonds… de continuer à les abonder. « Certains devraient ajuster leurs investissements à la baisse, ce qui aura des conséquences en bout de chaîne pour les futurs candidats aux levées de fonds », affirme François Paulus. C’est-à-dire les start-up. En temps normal, « il faut des dizaines et des dizaines de rendez-vous pour réussir à convaincre les investisseurs d’investir dans un fonds et un délai compris entre six mois et deux ans », poursuit-il.
Dans ce contexte, les fonds, pour être financés, devront davantage montrer qu’ils sont performants. Au-delà des critères de performance, « la réputation du fonds repose aussi sur la qualité de l’accompagnement opérationnel qu’il est capable de fournir à ses participations, de l’entrée au capital dans la start-up jusqu’à la sortie du fonds dans ce capital ». Par ailleurs, apparaît une évolution vers davantage de sélectivité du fait d’une exigence de plus en plus marquée en termes de transparence, d’enjeux ESG et de retour en force de la rentabilité, par opposition à la seule hypercroissance de l’activité.
De fait, l’accompagnement à long terme, qui implique une présence quasi-opérationnelle des investisseurs eux-mêmes dans l’entreprise financée, est de plus en plus au cœur des stratégies du capital-risque. Une approche d’inspiration américaine, où plus de six partners de VC sur dix ont un parcours entrepreneurial, contre un peu moins d’un sur dix en Europe. Beaucoup viennent en effet du monde du consulting, de la finance ou encore de la banque… Signe de cette évolution, le fonds Breega s’appuie sur l’expérience entrepreneuriale de ses partners et la mise à disposition d’une équipe dédiée à la croissance, au marketing ou encore aux ressources humaines pour accompagner ses startups vers la croissance.
Pour autant, si les temps à venir seront plus délicats aussi bien pour les startups que les fonds de capital-risque qui les financent, « les start-up les plus prometteuses, au modèle le plus solide et avec une belle profondeur de marché n’ont pas grand-chose à craindre » rassure François Paulus.
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