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Accompagnement au changement, approche systémique et nuances de psychologie

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Dans des situations bloquées et complexes, agir à l'inverse de ce que l'on a toujours essayé peut remarquablement fonctionner.

Il est illusoire de penser que nous créons le changement : le changement est permanent, il se produit quoi qu’il arrive.

La seule chose sur laquelle nous avons prise c’est la façon dont nous pouvons faciliter, fluidifier sa traversée par les individus et les organisations. Cette nuance est importante : « conduire » ou « manager » le changement serait donc, dans les faits, une facilitation plutôt qu’un cadre préconçu à appliquer.

Dans notre monde dit VICA (volatile, incertain, complexe et ambigu) où tout évolue vite, gérer des projets et penser des transformations organisationnelles et/ou digitales par un processus linéaire et peu flexible devient obsolète. Lorsque l’incertitude est forte, « old ways won’t open new doors » : nos anciennes manières de faire n’ouvriront pas de nouvelles voies.

Dans ce contexte, il peut donc être intéressant de questionner cette discipline relativement nouvelle : la conduite du changement dans les organisations. Evoluant dans des environnements où l’adaptation aux évolutions est essentielle, le terme « accompagnement » me semble plus approprié, plutôt que « conduite », « management » ou « gestion ». Aussi, je propose un partage de pistes de réflexion pour un accompagnement adapté et contextualisé, à travers notamment l’éclairage puissant de l’approche systémique.

 

Comprendre, engager, ancrer, relayer

Dans les entreprises, les transformations organisationnelles, digitales et de pratiques peuvent être déclenchées brutalement. Elles peuvent se passer douloureusement si aucun jalon ni aucune action de sensibilisation ne sont prévus. Ce qui rend difficile ces périodes pour les individus, c’est de désapprendre d’anciennes habitudes pour en réapprendre de nouvelles. Ce mouvement est inconfortable, d’où l’importance de procéder par étapes.

Le point de départ se situe dans la prise en compte du parcours, de la trajectoire que les individus devront emprunter pour le traverser. Le changement organisationnel requiert un changement individuel, et chacun.e n’exprime pas les mêmes besoins et attentes. Se placer de ce point de vue-là est nécessaire : plus cet effort sera fait d’utiliser ce prisme d’analyse, plus l’adhésion et l’adoption de ce nouvel état seront importantes.

Les réticences et les résistances vis-à-vis de la démarche sont souvent réveillées par un manque de transparence, de communication et d’implication des parties prenantes ou une prise en compte trop tardive des acteurs et de l’écosystème initial. Cela est dommageable au niveau individuel, mais également au niveau organisationnel puisque la non-adoption des nouvelles pratiques ou outils aura un impact fort sur la réussite globale du projet et sa performance.

Selon moi, on ne peut parler de résistance que lorsque les actions adéquates ont été mises en place pour que le collaborateur, l’utilisateur puisse traverser les différentes étapes d’appropriation du changement en cours ou à venir. Ces étapes peuvent être catégorisées de différentes manières selon la méthodologie mobilisée, mais il est important de traverser les phases suivantes : comprendre (les raisons de la transition, ses bénéfices et ses risques potentiels), engager (des actions, notre capacité à faire, les apprentissages), ancrer (les nouvelles pratiques, le nouvel outil) et incarner (l’adhérence ne peut se faire sans proximité), relayer (organiser l’auto-gestion de la transmission du nouveau savoir et des ressources au sein de l’organisation).

Notre cerveau est fait de telle manière que les changements sont perçus comme des risques, une menace potentielle pouvant déclencher notre « mode survie ». Ce mécanisme naturel peut être atténué en veillant à être progressif dans l’approche – parce que plus nous nous crispons et forçons quelque chose qui résiste, plus les résistances sont fortes – principe fort de l’approche systémique de Palo Alto.

D’expérience, accompagner progressivement le changement rend la trajectoire des individus plus fluide et plus sereine, pour des projets qui se déroulent avec plus d’efficience : nous trouvons collectivement un meilleur chemin pour arriver à destination.

 

Aller doucement pour aller vite

Plutôt que de la vitesse, une approche par petits pas vaut de l’or dans de nombreuses situations. Dans des situations bloquées et complexes, agir à l’inverse de ce que l’on a toujours essayé peut remarquablement fonctionner.

Un exemple intéressant pour illustrer cela : plongeons dans le monde d’Alice Modolo, apnéiste, Docteure en chirurgie dentaire et conférencière. Lors de l’une de ses interventions, elle nous a partagé que c’est mètre par mètre, palier par palier qu’elle a construit ses performances, petit pas par petit pas. Alors le corps s’habitue, et on débloque un palier.

Cette approche par petits pas permet un « déblocage mental ». Une fois que je l’ai déjà fait, mon corps sait le faire, et il me laisse y aller plus sereinement : « 2mètres par 2mètres le corps prend confiance ». Petits pas après petits pas.

 

Notre cerveau fonctionne sur ce même principe : un changement trop brutal déclenche le mode « survie » parce que nous l’identifions comme un danger potentiel. Alors qu’un changement progressif, par pallier rendra le processus plus acceptable, plus doux et donc plus efficace parce que le processus sera moins freiné.

 

D’un point de vue psychologique, la constance de la répétition et la progressivité habituent notre corps, notre mental. Cela permet réduire l’état d’alerte de notre cerveau qui identifie comme potentiel danger un changement trop brutal ou une tâche trop nouvelle.

Une certaine magie se dégage de la répétition dans l’accompagnement : comme en pédagogie, les différentes formes de discours et la variété des canaux de communication utilisés rendent le message plus accessible et mieux compris.

 

En activant ce mode de répétition, avec constance, le corps et le mental prennent confiance en nos capacités propres, ce qui réduit nos résistances.

Pour mieux comprendre, j’aime faire le lien avec le sentiment de capacité dont nous parle la psycho-sociologie : notre état physique et émotionnel est un facteur qui influe positivement sur mon sentiment de capacité face à l’action, dans un contexte spécifique. Plus je me sens en capacité, plus j’agis. Plus j’agis, plus je me sens légitime. Et le cercle vertueux s’installe.

 

C’est pour toutes ces raisons que l’une des clés de l’accompagnement au changement est de se centrer sur ces premiers petits changements, avec cette philosophie d’aller doucement pour aller vite – expression chère aux représentants francophones de l’approche systémique de Palo Alto.

 

En boucle : être itératif plutôt que linéaire

Le temps du changement n’est pas linéaire. Les méthodologies classiques de gestion de projet proposent souvent un déroulé causal, linéaire, qui ne correspond pas réellement aux phases d’évolutions traversées dans les faits. Une démarche itérative suivant ses cycles d’évolutions semble donc plus adaptée.

Pour appuyer cela, reprenons ce que Grégory Bateson, anthropologue fondateur de l’approche systémique nous dit :

« Les problèmes les plus importants de ce monde viennent d’une différence entre la façon dont les hommes pensent et celle dont la nature fonctionne ».

 

Le fil à tirer est là, pour nos organisations, nos approches de gestion de projet et pour nos interactions :

« Nous raisonnons de manière linéaire alors que la nature fonctionne selon des processus circulaires ».

Nos actions produisent des effets qui impactent à leur tour la situation en boucle de feedback. La non prise en compte de ces effets sur le système actuel revient à baser nos décisions sur une vision du problème toujours partielle, erronée parce que déjà obsolète.  

 

Comment solutionner cela ?

Plutôt que de tout miser sur notre capacité à planifier (approche occidentale) lorsque nous avons un objectif, Dany Gerbinet – pionnier de l’approche systémique de Palo Alto en Europe, fondateur de l’Institut de l’Inverse recommande de :

« Repérer dans notre environnement les ressorts sur lesquels nous pourrions nous appuyer, les ressources à notre disposition, les processus de changement naturellement à l’œuvre ; de les utiliser au mieux, de les combiner à nos actions pour atteindre la situation que nous désirons ».

 

Acte de confiance en ses propres ressources et en celle de l’environnement qui nous entoure, ce positionnement incite à porter un autre regard pour solutionner les problèmes que nous rencontrons.

Alors, prenons un peu plus de temps pour faire l’effort d’analyser le contexte avec à la fois plus de recul (analyser les interactions globales du système, les parties prenantes, les enjeux macros) et plus de profondeur (reconnaitre et s’appuyer sur les ressources locales, prendre en compte les attentes et les besoins par populations).

Choisissons d’accompagner les cycles de manière circulaire et agile. Il existe différentes approches itératives : mobilisons celles qui pourront nous permettre d’accompagner le plus justement possible les transformations dans nos organisations.

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