Cofondée par Arnaud Delubac, nouveau membre de la liste 30Under30 Europe, Greenly devrait réaliser un chiffre d’affaires d’environ 20 millions de dollars cette année grâce à son logiciel de suivi des émissions.
Article de Zoya Hasan pour Forbes US – traduit par Flora Lucas
Entre le déjeuner et le dîner, lors de vacances familiales en 2019 sur la Costa Brava, un endroit en Espagne connu pour son ciel bleu vif et ses eaux claires, Arnaud Delubac et son beau-frère Alexis Normand ont eu l’idée d’une start-up : une application qui aiderait les gens à suivre leurs émissions de carbone.
Arnaud Delubac, alors âgé de 23 ans, était sur le point de commencer un master en entrepreneuriat à l’ESSEC Business School, et Alexis Normand, alors âgé de 37 ans, venait de quitter Withings, une société française d’électronique grand public connue pour ses montres de suivi de santé. Leur application mobile gratuite, appelée Greenly, est aujourd’hui devenue une start-up de logiciels qui travaille avec quelque 2 000 entreprises en Europe et aux États-Unis (dont LVMH, L’Oréal et TripAdvisor) pour les aider à suivre, puis à réduire, leur empreinte carbone.
Greenly, une application pour aider les entreprises à réduire leurs émissions de carbone
Basée à Paris, la start-up Greenly a obtenu un financement total de 75 millions de dollars de la part d’investisseurs tels que Fidelity, et son chiffre d’affaires a atteint dix millions de dollars en 2023, avec des prévisions à la hausse cette année, selon les cofondateurs. Ces chiffres ont valu à Arnaud Delubac, 28 ans, de figurer cette année sur la liste Forbes 30Under30 Europe.
« Nous sommes au début d’une nouvelle ère », déclare Arnaud Delubac. « Les entreprises ont toutes les clés en main pour nous aider à progresser le plus rapidement possible vers une économie décarbonée. »
Le fonctionnement est simple, selon les cofondateurs : Greenly demande aux entreprises de fournir des données complètes sur leurs finances, leurs produits et leurs services. La start-up fait ensuite passer ces informations par son logiciel, en suivant tout, de la manière dont les fournisseurs s’approvisionnent en matériaux à l’impact de la nouvelle publicité du service marketing sur l’empreinte écologique. Enfin, le client a accès à un tableau de bord interactif qui lui indique la quantité de carbone qu’il émet et dans quel secteur, et lui propose des mesures à prendre pour réduire ces émissions. Bien qu’elle se veuille conviviale, la start-up Greenly dispose également d’une quarantaine d’« experts climatiques » en interne qui peuvent travailler directement avec les clients, précise Arnaud Delubac.
La start-up propose son logiciel et ses services d’experts à des prix différents selon la taille de l’entreprise. Une petite entreprise européenne peut travailler avec elle pour 3 000 dollars pour une évaluation annuelle (6 000 dollars minimums pour les petites entreprises aux États-Unis), tandis qu’une grande entreprise peut voir ses frais s’élever à cinq chiffres ou plus, selon Arnaud Delubac.
De nombreuses entreprises souhaitent réduire leurs émissions de carbone
Matthias Dill, investisseur de Greenly et directeur général d’Energy Impact Europe, explique que sa société de capital-risque cherchait activement à investir sur ce marché, car ses recherches ont montré qu’un nombre croissant d’entreprises, grandes et petites, commençaient à se préoccuper d’aspects tels que les émissions.
Cette évolution s’explique en partie par le développement des politiques de l’Union européenne (UE) : de nouvelles réglementations obligeront les grandes institutions à déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre dès cette année, et celles qui comptent moins de 250 employés devront commencer à le faire en 2026. Le marché mondial des logiciels de comptabilisation des émissions de carbone représentait environ 15 milliards de dollars l’année dernière et devrait quadrupler d’ici 2030, selon les rapports.
Lorsque la start-up Greenly a été lancée pour la première fois en tant qu’application grand public en 2019, l’Accord de Paris venait d’être signé trois ans auparavant, et un mouvement pour le climat (lancé principalement par les défenseurs de la génération Z) était en marche. L’application s’est développée pour atteindre quelque 50 000 utilisateurs qui pouvaient relier leurs comptes bancaires et obtenir une estimation approximative de la quantité de carbone qu’ils émettaient par achat, en se basant sur les bases de données existantes intégrées par Greenly.
Cependant, tout cela était gratuit et difficile à rentabiliser, explique Arnaud Delubac. Il a essayé de s’associer avec des banques qui les paieraient pour intégrer la technologie de Greenly dans leurs propres applications destinées aux clients, mais même après avoir travaillé avec plus de 20 banques, y compris des banques comme BNP Paribas, ce n’était pas une activité évolutive, affirment les cofondateurs.
« Les entreprises émettent beaucoup plus que les particuliers », explique Alexis Normand, PDG de Greenly. « Le suivi des émissions était une activité dont les connaissances étaient réservées à des experts très spécialisés, soit au sein des entreprises, soit dans des cabinets de conseil. »
Et les concurrents commençaient à prendre de l’ampleur, comme Watershed, une autre société de logiciels de comptabilisation du carbone basée aux États-Unis qui a levé quelque 240 millions de dollars et travaille avec les plus grandes entreprises du monde, comme Carlyle. Greenly a dû trouver un moyen de se différencier et, en 2021, la start-up s’est tournée vers les petites entreprises, tandis que ses concurrents s’attaquaient aux grandes institutions.
« À l’époque, personne ne s’intéressait aux [petites entreprises] », ajoute l’investisseur Matthias Dill à propos de ce qui l’a attiré chez Greenly. « Nous savions que la gestion du carbone était un sujet, qu’il y avait un besoin mal satisfait et nous avions discuté avec la plupart des acteurs de ce secteur. »
La moitié des clients de Greenly sont des petites et moyennes entreprises
Aujourd’hui, la moitié des clients de Greenly sont encore des petites et moyennes entreprises, et Arnaud Delubac explique que beaucoup de ces clients utilisent Greenly davantage pour « la marque, pour le marketing, pour les certifications ». Greenly est également en mesure de s’adresser à des entreprises plus importantes, qui subissent une pression accrue de la part des gouvernements pour déclarer leurs émissions, car Greenly n’impose pas de frais fixes et peut être « très abordable », selon Arnaud Delubac.
D’après les prévisions de croissance d’Arnaud Delubac, Greenly pourrait être permettre de réduire les émissions de carbone à hauteur d’un milliard de tonnes d’ici 2030. Tout le monde n’est pas convaincu. « Nous ne résoudrons pas le problème du changement climatique en mesurant mieux l’empreinte carbone des entreprises », déclare Myles Allen, climatologue et professeur à l’université d’Oxford. « Les objectifs scientifiques de décarbonisation des entreprises et des portefeuilles pourraient même devenir contre-productifs. »
Selon Myles Allen, un outil tel que Greenly pourrait aider les entreprises à déterminer où elles polluent le plus, mais dans le pire des cas, ces entreprises pourraient facilement utiliser ces informations pour dissimuler ces actifs dans des structures de propriété (comme certaines filiales), à l’abri à la fois des régulateurs et de l’œil du public. Malgré tout, ajoute Myles Allen, Greenly peut être une entreprise performante, car le renforcement des réglementations gouvernementales peut conduire à un marché plus important pour cette solution.
Arnaud Delubac précise que Greenly n’est pas entièrement responsable de l’utilisation de ses rapports, bien que la start-up travaille directement avec un certain nombre de ses clients sur des plans d’action visant à assainir leur situation. Il ajoute que Greenly n’a pas pour objectif de résoudre la crise climatique, mais d’aider à renverser la situation.
La prochaine étape pour la start-up ? Les incitations gouvernementales à l’écologisation des entreprises, mises en place par le gouvernement Biden, en font un marché attractif, même si Arnaud Delubac craint que les prochaines élections ne remettent en cause les performances de l’entreprise aux États-Unis. « Si vous vous attaquez au changement climatique, vous avez l’obligation d’être ambitieux », déclare-t-il. « Greenly est une réussite, mais nous avons besoin de plus de solutions. »
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