Fin 2019, on n’a jamais vu autant d’engouement pour les nouvelles mobilités. A Paris, on a plusieurs fois recensé dans les rues autant de vélos et de trottinettes électriques que de voitures. Le covoiturage a lui aussi été encouragé avec la prise en charge offerte par Île-de-France Mobilités, pour pallier le manque de transports en commun et les lignes de métro fermées. Alors, avant d’aborder cette nouvelle année, on ne peut s’empêcher de se demander si cela va durer. Non pas les grèves et les 3 à 4 heures de déplacements quotidiens subis par nombre de commuters… mais plutôt cette déportation des usages vers des mobilités alternatives ?
Car tous les facteurs sont là : loi LOM favorable aux déplacements alternatifs et aux crédits de mobilité, l’évolution des malus pénalisant les véhicules émettant plus de 95g de CO2 (amplifiée par le nouveau protocole de mesure WLTP), etc. 2020 sera une année charnière pour la mobilité dans la mesure où des places sont à prendre, où des premières initiatives autour du MaaS (Mobility as a Service) devront faire le bilan de leur robustesse économique, et où la simplification et l’intégration des offres seront essentielles pour attirer de nouveaux usagers.
Des places à prendre pour les acteurs de la Mobilité
Depuis que l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) le 19 novembre 2019, de nouvelles perspectives s’offrent aux acteurs de la mobilité. A commencer par les collectivités locales qui vont pouvoir engager avec les AOM (autorités organisatrices des transports) des plans de mobilité pour organiser et réguler l’offre au niveau local. Les municipales de 2020 vont être un formidable tremplin pour la mobilité, et on peut s’attendre à voir de nombreux élus lancer dès leur nomination des études sur la mobilité dans leur ville. 2020 sera sans doute une année charnière pour les villes de tailles moyennes qui peuvent bénéficier du soutien de l’Etat pour développer leurs infrastructures (13,4 Md€ d’investissements prévus sur la période 2018-2022).
Autre conséquence probable, le déploiement des navettes autonomes, une des priorités de la loi LOM. Une ordonnance dédiée est attendue pour 2020, favorisant en cela la conduite déportée, sans opérateur de sécurité à bord. Si cette mesure semble essentielle pour aider les acteurs à trouver un modèle économique robuste, elle leur demande néanmoins d’accélérer les investissements technologiques pour être prêts. Cela laissera peut-être de la place à des acteurs comme EasyMile ou Navya pour tirer leur épingle du jeu en attirant des usagers et créer un marché captif, avant de voir l’arrivée de mastodontes comme la RATP, Transdev ou Keolis.
De leur côté, les constructeurs automobiles ont réduit la voilure sur leurs projets de voitures autonomes – comme cela a été le cas récemment pour Daimler – ne voyant pas le ROI face à des investissements exorbitants. Même si on peut s’attendre à une certaine persistance dans les expérimentations de robotaxis, portées par les rapprochements entre les entreprises comme Waymo et Renault-Nissan, il semblerait que les entreprises spécialisées aient plutôt tendance à se concentrer sur la livraison du dernier kilomètre via des robots livreurs qui pourront se déplacer facilement dans les nouvelles zones à faibles émissions (ZFE) encadrées par la loi LOM.
Qui veut (sait) gagner de l’argent en MaaS ?
2020 sera aussi l’année des bilans pour un grand nombre d’expérimentations MaaS lancées ces derniers mois. Pour rappel, le MaaS a pour vocation de regrouper au sein d’un seul service (et souvent d’une seule appli) une combinaison de différents moyens de transport pour se rendre d’un point A à un point B, billet de transport et temps de trajet inclus.
Tout d’abord, notons que 2019 aura marqué la mobilité par un grand nombre de concentration des acteurs, au gré de faillites, rachats ou fusions divers. De l’autopartage (Drivy racheté par Getaround) au covoiturage (rachat d’IDVroom par Klaxit), en passant par les VTC (alliance Le Cab et Snapcar), les scooters électriques (partenariat Uber-Cityscoot), ou encore le rapprochement BMW-Daimler sur leurs services de mobilité… tous les pans de la mobilité ont été concernés.
Face à cette concentration, le MaaS est souvent apparu comme une solution miracle, tant elle fait sens pour un utilisateur. On a vu une multiplication des expérimentations se lancer, comme par exemple la dernière-née entre Île-de-France Mobilités et la RATP au travers de son application MaaX (Mobility as an Experience), qui vise à proposer d’ici un an à l’ensemble des Franciliens et des 50 millions de visiteurs annuels de la région une application regroupant l’ensemble des modes de déplacement (transports en commun, vélos, covoiturage, taxis, VTC…). Cette expérimentation ambitieuse, qui nécessite l’intégration d’une dizaine de fournisseurs de services sur une plateforme unique, est testée dans un premier temps auprès de 2000 bêta-testeurs franciliens.
Donc, 2020 sera l’année où il faudra tirer un bilan (ou un trait) sur toutes ces expérimentations (la RATP en sera à sa troisième !). Les partenariats entre acteurs de la mobilité seront-ils au rendez-vous ? Le modèle économique est-il viable ? Est-il pertinent partout, notamment dans les villes où l’offre de transport public est déjà efficace ? Le partage de la valeur aura-t-il été bénéfique pour tous les acteurs intégrés ? Et surtout, les usagers auront-ils compris et adopté ces nouvelles offres de service de mobilité ?
Le choc de simplification
Car en effet, le défi des acteurs de la mobilité pour l’année 2020 sera de rendre leur offre lisible et compréhensible à l’usager lambda qui va voir déferler des offres de mobilité tous azimut : par sa ville, les transports publics, son employeur, son constructeur automobile et tous les acteurs de micro-mobilité. Face à la diversité des propositions de mobilité, intégrées ou pas, l’usager devra faire ses choix, et c’est en 2020 que l’Expérience de Mobilité va prendre son sens.
La multiplication des services de mobilité, si elle offre un plus grand choix sur les modes de déplacement aux personnes, soulève néanmoins des problèmes de lisibilité. Comment s’y retrouver face à des acteurs ou opérateurs, publics ou privés, qui agissent selon des modèles économiques qui leurs sont propres, voire parfois contradictoires ? Chacun s’orientera vers le mode de mobilité qui lui conviendra selon ses propres critères (temps de trajet, coût, autonomie, etc.). L’expérience usager sera donc un élément clé, car comme l’a montré l’étude récente de l’Observatoire Cetelem, les solutions d’une nouvelle mobilité doivent encore faire leurs preuves, et les comportements des usagers – qu’ils soient seniors ou millenials – sont bien différents. L’enjeu des acteurs de la mobilité sera donc de rendre leurs offres simples et claires pour permettre des parcours fluides à des usagers ayant des attentes et des comportements divers face à la Mobilité.
Alors oui, définitivement, nous souhaitons une bonne année à la mobilité !
Tribune écrite par Thomas Luc, Directeur Stratégie automobile chez Equancy, Cabinet de Conseil au croisement de la stratégie et de la data.
<<< A lire également : Paris, Laboratoire Mondial Des Nouvelles Mobilités >>>
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