Rechercher

Automatiser la lutte contre le blanchiment de capitaux pour faciliter la gestion règlementaire et améliorer la détection des crimes

blanchiment

Le blanchiment d’argent consiste à injecter, dans l’économie légale, de l’argent gagné illégalement, tout en multipliant les flux financiers afin de les rendre, en apparence, légitimes. Il est donc difficile de retrouver l’origine de ces fonds et l’infraction initiale. Cela concerne, bien sûr, les infractions en lien avec des activités financières, mais également le financement du terrorisme, ou encore tout crime ayant généré un profit et que l’on voudrait masquer. La lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) est donc l’une des priorités majeures des autorités. La tendance est au renforcement et à l’harmonisation des régulations, au niveau international, européen et national. La mise en application des règles s’appuie principalement sur les institutions financières privées. Or, ces dernières sont submergées par les contraintes réglementaires et ont une capacité d’anticipation limitée. Il est donc essentiel de les doter d’outils plus efficaces, explique Charlotte Gaudin, fondatrice de la startup AML Factory.


Quels sont les grands enjeux actuels de la lutte contre la criminalité financière ?

Charlotte Gaudin : Les enjeux de la lutte contre cette criminalité sont au moins triples. Il y a d’abord l’enjeu humain, car l’objectif de cette règlementation est de permettre l’identification des organisations criminelles et terroristes, et donc in fine, la protection des victimes du terrorisme, de l’esclavage, de la traite des êtres humains, etc. Les enjeux économiques sont aussi très importants car les entreprises privées qui y sont soumises consacrent des sommes colossales pour s’y conformer ainsi que près de 10% du temps de travail de chacun de leurs employés. Enfin, il y a les enjeux politiques car le pouvoir de sanction peut être utilisé dans le cadre d’une guerre économique entre États.

On demande aux institutions financières, et autres entreprises privées gérant des flux de capitaux, une participation active dans la détection des infractions. En effet, c’est par elles que transitent les capitaux blanchis. En 2020, Tracfin a reçu pas moins de 95.000 déclarations de soupçon, dont 40% par les banques. Ces entreprises sont soumises à de lourdes règlementations, sans cesse mises à jour dans le but de détecter au mieux les activités suspectes.

Elles encourent évidemment des sanctions pénales si elles prennent part à ces crimes, mais sont également passibles de sanctions administratives faramineuses si elles ne sont pas assez vigilantes, ou pas assez rapides, dans la détection des crimes. Les enjeux auxquels elles font face sont donc le temps, le coût, les risques de sanction et de réputation. Plusieurs exemples récents ont fait l’actualité, comme la condamnation de la banque HSBC ou celle de la fintech Mangopay.

Quelles sont les instances principales qui la régulent ?

CG : Le GAFI (Groupe d’Action Financière) est un organisme intergouvernemental qui formule les règles de base en matière de LCB-FT. Dans le cas de la France, elles sont ensuite transposées en droit communautaire, puis en droit national. Enfin, ce sont différents régulateurs financiers – comme l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ou l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) – qui contrôlent et sanctionnent les manquements des entreprises.

 

La crise actuelle a-t-elle eu un impact sur la lutte anti-blanchiment ? 

CG : En effet, en 2020, de nouvelles sortes de crimes ont vu le jour, donc de nouvelles opportunités de blanchiment. Par exemple, on a tenté de blanchir les fonds issus d’escroqueries de vente de masques, ou les piratages des données hospitalières, via le système financier. Également, de nombreuses entreprises fragilisées par le déclin d’activités ont été rachetées par des personnes dont les fonds ne sont pas forcément propres. Des publications officielles ont cependant mis en garde contre ces nouvelles formes de criminalité.

 

Comment les entreprises soumises aux réglementations AML gèrent-elles, aujourd’hui, leurs contraintes en matière de lutte anti-blanchiment ? Quels sont les obstacles qu’elles rencontrent ?

CG : Les institutions financières sont dotées de très larges départements conformité. Le travail des AML Officers est, par essence, fastidieux, mais il peut aussi être passionnant. En effet, une infraction doit être traquée très tôt. Il faut dénicher les signaux faibles, analyser les transactions, mettre en place un profil de risque pour chaque client, mais aussi avoir du flair et de la chance.

Dans les faits, ils ont très peu de temps à consacrer à l’investigation : la grande majorité de leur temps et de leurs ressources est monopolisée par l’analyse des textes règlementaires et les reportings. Ils n’ont pas le temps d’anticiper, voire traitent les alertes trop tard.

Pour améliorer et harmoniser la lutte contre le blanchiment de capitaux, le régulateur publie régulièrement de nouvelles règles ou de nouveaux critères. Ces fréquentes modifications améliorent, certes, l’identification des opérations douteuses, mais alourdissent d’autant la règlementation.

Les AML Officers, pour s’assurer de la conformité, doivent réaliser une veille constante des nouvelles règles, changer à chaque fois leurs propres normes et procédures, les déployer dans le KYC (processus de vérification de l’identité des clients) et dans leurs outils d’analyse des transactions. Pour ce faire, il faut, d’un côté, re-paramétrer les systèmes d’information – qui, souvent, sont nombreux ou construits en silo – et, de l’autre, former tous les professionnels de l’entreprise à ces nouvelles règles. C’est une situation paradoxale : comment peuvent-ils traiter à temps les alertes et faire des analyses approfondies, si tout leur temps est pris par les diverses mises à jour et rapports ?

 

Comment les outils digitaux peuvent-ils améliorer leurs opérations, et, plus généralement, rendre plus efficace la LCB-FT ?

CG : Au sein du cabinet de conseil en compliance, que je dirige depuis 10 ans, nous voyons les difficultés auxquelles nos clients sont confrontés. AML Factory est né de cette expertise, et de la conviction qu’il faut mettre en place des outils libérant l’AML Officer des tâches administratives, répétitives et chronophages, pour qu’il se concentre sur son vrai métier : l’investigation.

En se reposant notamment sur l’intelligence artificielle, la solution AML Factory vérifie que le dispositif LCB-FT du client est en conformité avec la loi, automatise la veille règlementaire et analyse, en temps réel, la totalité des dossiers et des transactions financières. Les AML officers font donc l’économie d’un travail à la main fastidieux et regagnent le temps nécessaire aux investigations.

Les avantages d’une telle solution sont multiples : tout d’abord, les entreprises gagnent un temps précieux leur permettant de jouer pleinement le rôle dans la lutte contre la criminalité financière que la règlementation leur attribue. De plus, elles réduisent drastiquement leurs coûts, parce qu’elles n’ont plus à engager des armadas de consultants, et minimisent les risques de manquements. D’autre part, elles peuvent mieux piloter l’ensemble des normes et définir leur stratégie de conformité. Enfin, le département conformité a plus de temps pour analyser des transactions au cas par cas, accepter celles qu’il aurait refusé d’office par manque de temps, et ainsi, se remettre au service du développement commercial de l’entreprise.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC