A travers les organismes pour lesquels il travaille, Domplus Groupe accompagne les Français en difficulté dans leur quotidien. En prise directe avec le terrain, la société d’intermédiation dans le secteur des services d’accompagnement social et humain, a vu son activité se multiplier avec la crise du Covid-19. Rencontre avec Serge Bizouerne, président-fondateur de Domplus Groupe.
Vous publiez chaque mois un Tableau de bord des galères qui reflète les difficultés que vivent les Français dans leur vie quotidienne. Qu’expriment les dernières éditions ?
Serge Bizouerne : D‘abord des émotions exacerbées par la crise du Covid-19. Depuis environ un an, nous avons vu monter un couple d’émotions plutôt détonnant. Il s’agit de la peur et de la colère qui ne font jamais bon ménage. L’inquiétude concernant l’avenir entretient cette peur. On observe des situations de rupture au niveau de l’emploi (sur certaines filières) qui entraînent des questionnements au niveau de la place que ces personnes en difficulté vont occuper socialement. Il faut bien comprendre qu’il existe une porosité entre vie privée et vie professionnelle, le contexte sanitaire ayant mis la première et son impact sur la deuxième en avant. C’est un renversement par rapport à ce que l’on observait auparavant. La question de la colère s’est exprimée assez tôt. Elle a pour origine l’incompréhension due au sentiment de ne pas être réellement considéré en tant que personne. Cette colère est toujours présente aujourd’hui, car les Français ont l’impression de ne pas être entendus. Ce que désire la population désormais, c’est reprendre le contrôle de sa vie, comme le montrent bien les derniers Tableaux de bord que nous avons réalisés. C’est très important, car cela rejoint les sujets de l’autonomie et de l’empowerment, notions qui sont au cœur de la philosophie et de l’activité de Domplus Groupe.
Au fond, quel est le nœud du problème ?
Serge Bizouerne : La crise sanitaire a entraîné une explosion du lien social. Cela a fortement impacté les familles, mais également les entreprises. On le constate d’ailleurs avec la fin du télétravail et le retour au présentiel. La reconnexion au quotidien professionnel se fait très difficilement. Ce sont d’ailleurs ces thématiques du quotidien qui constituent la vraie difficulté à laquelle est confrontée une partie importante de la population. Je pense au logement, à l’emploi, aux ressources, à la santé, au bien-être de mes proches, etc. Dans cet ensemble, on a vu apparaître deux phénomènes. Le premier est le fait que les personnes qui étaient déjà en difficulté le sont encore davantage aujourd’hui. Le second est le suivant : les employeurs voient apparaître une nouvelle forme de fragilité qui n’est pas cantonnée à des emplois précaires. Dans le cadre des missions opérées au profit des organisations pour lesquelles nous travaillons, nous nous trouvons donc en présence de publics fragiles alors qu’ils sont dans l’emploi, et de publics confrontés à des difficultés de la vie quotidienne alors qu’ils n’ont pas l’habitude de taper à la porte des services sociaux. Il s’agit d’une nouvelle forme de décrochage. Il devient alors urgent, et c’est notre raison d’être, de les aider à faire valoir leurs droits. Et de les guider dans ce qui peut ressembler à un véritable maquis administratif, à un moment particulièrement sensible où les personnes peuvent avoir le sentiment d’être atteintes dans leur dignité.
Et pour les personnes qui n’ont pas accès à vos services ?
Serge Bizouerne : L’accès au plus grand nombre est une question qui me taraude depuis longtemps. La réponse n’est pas de se substituer à l’action publique, mais de se placer à ses côtés en tant qu’initiative privée. Il faut donc, pour la concrétiser, pouvoir la financer. C’est pourquoi nous avons lancé un appel à financement via notre Fonds de Dotation Priorité à la Personne.
Comment Domplus Groupe envisage-t-il la question du digital, désormais omniprésent ?
Serge Bizouerne : Nous avons entamé notre transformation numérique, il y a près de 10 ans après une intense réflexion puisque cette décision impactait directement notre métier de base : la relation humaine. Je rappelle que nous travaillons à distance, avec la voix, depuis plus de 20 ans. Nous sommes arrivés à la conclusion que plus on se numérise, plus l’accent doit être mis sur l’humain. Nous utilisons donc le digital comme un moyen pour amplifier la relation et équiper la personne pour qu’elle soit le plus autonome possible. Je ne sais pas s’il y aura un après Covid, mais nous sommes, incontestablement, entrés dans une période nouvelle, celle de l’économie relationnelle qui est source de valeur humaine et sociale, mais également économique. Dans ce contexte, il faut réconcilier digital et humain, mais sur de nouvelles bases qui restent à inventer.
Qu’en est-il de la question des données ?
Serge Bizouerne : Domplus Groupe capte de la donnée, observe les comportements, dans une logique non-financière. Il est incontestable qu’il s’agit d’informations que beaucoup aimeraient détenir. Alors que nous nous inscrivons dans une logique d’intérêt général et de bien commun, nous produisons des données non substituables que nous gardons confidentielles et qui peuvent permettre d’anticiper une situation de vie. Non pas en évitant les accidents de la vie, mais en traitant très en amont ces situations afin d’anticiper au maximum l’aide qu’il convient d’apporter. Notre métier consiste à comprendre le plus exactement possible les situations dans lesquelles les personnes se trouvent pour toujours mieux y répondre. La data nous aide aujourd’hui à y parvenir.