Écouter pour mieux comprendre : telle est la volonté de CEDEC, le leader européen en gestion stratégique pour les entrepreneurs d’entreprise familiale. Interview avec Hervé Grand, Directeur Général.

 

Vous venez majoritairement en aide à des entreprises familiales. Face à la crise sanitaire, ces acteurs sont-ils particulièrement touchés ?

Hervé Grand : Oui ce secteur est particulièrement touché ! Les entreprises familiales ont toutes un point commun : celui du fort attachement du chef d’entreprise à sa société, soit parce qu’il l’a créée, soit parce qu’il en a pris la succession et qu’elle porte son nom. C’est souvent un projet de vie et de famille. Dans ce contexte-là, quand il y a des fortes crises comme actuellement, les dirigeants d’entreprises familiales vivent cela avec encore plus d’émotions. D’autant plus que, souvent, des membres de leur famille travaillent avec eux. Nous avons même des chefs d’entreprise qui sont parfois le premier employeur du village en faisant travailler leurs cousins ou leurs amis d’enfance. Il est donc évident que ces dirigeants ont actuellement énormément de pression sur les épaules. Dans leur entourage, tout le monde les regarde en se disant : « Lui, il a toujours la solution, il va forcément en trouver une ». Or, il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui, peu de personnes ont la solution.

 

Dans cette période de trouble, quelle stratégie employer pour venir en aide à ces entreprises ?

Hervé Grand : La particularité, c’est que le tissu des PME en France, ce sont souvent des entreprises qui ont un niveau de trésorerie relativement faible. Ce sont des entreprises qui donc n’ont pas forcément la capacité à faire le dos rond, parce qu’elles ont besoin d’être en activité pour pouvoir survivre. Vous seriez extrêmement surpris par le niveau de revenu mensuel d’un chef d’entreprise de PME : il est extrêmement faible ! Ce n’est pas forcément lui qui a le plus gros salaire au sein de la société. Forcément, dans le cas où tout se passe bien, il peut se constituer un patrimoine, bien sûr ; mais dans la plupart des cas le niveau des salaires est souvent peu élevé.
Dans ces périodes de crise, les prêts PGE ont été une manne extrêmement importante pour les entreprises. Ils ont permis de passer la période d’arrêt lors du premier confinement, mais aussi pour certains (comme les magasins de jouets par exemple) de payer leur stock. Le plus important aujourd’hui pour les entreprises dont le secteur d’activité n’est pas arrêté, c’est justement d’aller de l’avant. Nous avons en France une population de chefs d’entreprise qui est extrêmement dynamique et qui est prête à s’engager et à s’investir. Ils ont compris que l’immobilisme était leur pire ennemi : je le répète, c’est en allant de l’avant qu’ils arriveront à surmonter cette crise-là.
Cependant, les entreprises qui allaient mal avant la crise, ne vont pas mieux après. Cette crise n’a fait qu’accentuer les traits de caractères de chaque société, que ce soient des failles ou des points forts. Les entreprises qui allaient mal avant la crise, je peux vous assurer qu’elles se trouvent aujourd’hui dans des situations d’extrêmes fragilités.

 

Comment définir un plan d’entreprise ? Cela passe par l’accompagnement au quotidien auprès de chaque acteur ?

Hervé Grand : En effet, c’est du sur-mesure ! Il n’y a pas de recette miracle. Nous avons développé un savoir-faire important grâce à nos 55 ans d’expérience. Depuis 1965, nous en avons vécu des crises ! Le seul remède qui vaille, c’est d’abord de comprendre la situation réelle de l’entreprise, mais avant tout celle de l’entrepreneur. Si ce dernier n’a pas de volonté ni d’ambition, nous ne pourrons pas aller contre sa volonté, c’est donc ça le point de départ.
La seconde chose, c’est que nous n’intervenons non pas en expliquant comment faire les choses, mais bien en faisant les choses avec le chef d’entreprise dans un esprit de co-construction. C’est-à-dire que nous nous mettons d’accord sur les objectifs à atteindre et nous y allons ensemble en se remontant les manches tous ensemble. Si on est dans le cas d’une entreprise de bâtiment, nous n’hésiterons pas à aller sur les chantiers, si nous nous trouvons dans une entreprise industrielle, nous n’hésiterons pas à être dans les ateliers. Notre volonté est de faire adhérer l’ensemble des employés derrière le projet du chef d’entreprise. On ne fait rien sans les équipes ! Il s’agit alors de se baser sur les forces de la société, tout en traitant progressivement les différentes faiblesses.

 

Vous intervenez dans plusieurs pays européens. Existe-t-il des différences culturelles qui vous obligent à apporter des réponses différentes ?

Hervé Grand : En effet pour les entreprises familiales, il existe d’énormes différences culturelles. La méthodologie n’est donc pas la même. Par exemple, la mentalité des entreprises Suisses n’a rien à voir avec la mentalité des entreprises françaises, et ce pour une raison simple : tout d’abord, la fiscalité est très différente. Ensuite, la transmission de l’entreprise entre deux générations ne se passe pas du tout de la même manière : très souvent en Suisse, le père fondateur, même s’il a plus de 80 ans, est toujours administrateur de l’entreprise. En France, ce n’est pas le cas : les enfants doivent racheter très cher les parts de leurs parents. La Belgique, le Luxembourg, l’Espagne, l’Italie : tous ces pays ont leurs propres spécificités.

 

Vous avez parlé de la succession. C’est un enjeu majeur dans les entreprises familiales. À quel moment un chef d’entreprise doit-il s’y intéresser et dans quel état esprit ?

Hervé Grand : Si on prend l’image liée à l’automobile, on peut dire que la comptabilité est le rétroviseur d’une entreprise, et nous, nous apportons un GPS qui contient la question de la succession. C’est un élément que l’on ne doit pas traiter tout de suite, mais il doit rester un point d’horizon. L’idéal est de préparer le chef d’entreprise et l’entreprise en elle-même entre cinq et sept ans à l’avance.

 

En France, nous avons un important tissu de PME, mais nous n’arrivons pas à les faire grandir. Quelle est votre réflexion sur ce sujet ?

Hervé Grand : C’est un sujet qui fait totalement écho chez nous. Premièrement, il y a un problème avec la formation des chefs d’entreprise. D’autre part, on ne les aide pas assez : le plus souvent, un chef d’entreprise a voulu monter sa société car il est expert dans son domaine d’activité, mais il n’est pas pour autant expert en pilotage d’entreprise. Il faut absolument aider ces chefs d’entreprise à grandir, à se développer, et à aller voir plus loin dans d’autres contrées.