Avec Tony Germini, PDG de l’entreprise suisse Calyps SA, zoom sur Saniia, solution prédictive d’optimisation des flux de patients, destinée aux établissements de santé.
Où en est la numérisation du secteur de la santé ?
A l’image d’autres industries, la santé a tardé à investir dans le numérique. Elle utilise, aujourd’hui, des systèmes qui sont relativement anciens. Pour autant, depuis la crise du Covid-19, on peut constater une certaine accélération dans le domaine. Si l’on parle de la France, il est certain que les pouvoirs publics sont très actifs dans leur volonté de voir la numérisation de l’économie progresser. Le retard est en train d’être rattrapé, même si les défis restent nombreux.
Dans cet ensemble, comment se présente votre solution Saniia, destinée aux établissements de santé ?
Saniia est une intelligence artificielle qui analyse les mouvements des patients en temps réel, anticipe les besoins qui en découlent, alloue les ressources adéquates, coordonne les activités en fonction et planifie les occupations. Elle rationalise les flux, libère le temps des soignants et réduit le stress.
Saniia permet de prédire les admissions aux urgences et les hospitalisations avec plus de 90% de confiance. Cette prédiction aide les soignants à mieux planifier et préparer leurs ressources pour prendre en charge les patients, tout en minimisant les temps d’attente. Saniia anticipe également la surcharge, ce qui leur donne la possibilité d’élaborer des stratégies adaptées pour mieux absorber cette tension, tout en améliorant la qualité de vie au travail et la qualité des soins prodigués.
Saniia planifie les occupations en intégrant les patients non-programmés, sans affecter les hospitalisations en cours et/ou à venir. Grâce à cette vue, elle peut prescrire l’allocation optimale des lits en fonction des besoins des patients, des disponibilités des ressources et des caractéristiques des services. Cette allocation optimisée permet de maximiser l’utilisation des lits, de fluidifier l’organisation et de minimiser les pertes financières.
Saniia permet de libérer les soignants des contraintes chronophages. Ainsi, elle assure une coordination efficace des ressources humaines et matérielles, surveille leur utilisation, prévoit les manques et automatise certaines tâches administratives. Elle redonne aux soignants du temps médical, ce qui augmente l’efficacité de leurs actions et renforce la qualité des soins. Par ailleurs, elle facilite la communication, ce qui réduit le stress et accroît la qualité de vie au travail.
Enfin, Saniia est une solution flexible et adaptable, compatible avec tous les formats d’interopérabilité et qui peut s’intégrer facilement aux systèmes d’information existants. Elle peut également être personnalisée en fonction des spécificités des institutions.
Depuis 2020, l’outil est utilisé au CH de Valenciennes. Pour quels premiers résultats concrets ?
Une étude clinique sur ce sujet est en cours. Toutefois, nous échangeons régulièrement avec les équipes du CH de Valenciennes et plusieurs tendances ressortent déjà. Ainsi, grâce à l’allocation optimisée des lits couplée à la gestion automatique des transports, le temps gagné par urgentiste serait de 1 h à 2 h par jour, ce qui est considérable, car c’est du temps médical supplémentaire qui peut être offert aux patients.
Par ailleurs, en ce qui concerne les services d’aval, Saniia fluidifie la communication amont – aval, ce qui facilite la coordination et limite les interruptions d’activité, ce qui déjà en soi est une source d’économie conséquente.
Mais Saniia ne fait pas cela : elle simplifie les opérations de mise en lit, de mutation ou de sortie, car elles sont faites « aux pieds du patient ». Là encore, c’est du temps redonné aux soignants qui peuvent le consacrer à leurs patients plutôt qu’à l’outil informatique (comme c’est encore trop souvent le cas). Et là encore, les gains en termes de qualité des soins et de qualité de vie au travail ne sont pas négligeables. En outre, Saniia calcule en temps réel le capacitaire de l’hôpital, ce qui réduit les appels de coordination entre les différentes instances. Enfin, Saniia concentre toutes les informations utiles concernant le séjour du patient et permet d’anticiper la date de sortie, ce qui facilite la coordination des activités et limite les « lits froids ». Au total, grâce à notre plateforme, un hôpital devrait avoir la capacité de maximiser son taux d’occupation, ce qui accroît mécaniquement sa capacité d’accueil sans augmenter ses coûts d’exploitation. Avec une réduction de ne serait que 5% du temps de non-utilisation des lits, dépendamment de la taille de l’établissement, nous estimons qu’une institution comme le CH de Valenciennes peut dégager des revenus supplémentaires de plusieurs millions sur une année, ce qui lui permet d’accroître sa capacité d’investissement pour autant.
Quels sont les futurs déploiements prévus pour Saniia ?
En France, Calyps SA est en discussions très avancées avec le centre hospitalier d’Annecy et celui de Chalon-sur-Saône. D’autres hôpitaux sont aussi sur les rangs pour un lancement entre 2024 et 2025. En Suisse, un projet pilote est déjà en place dans l’Hôpital du Valais et l’hôpital de Riviera-Chablais se dit très intéressé.
Au-delà de ces exemples, portez-vous également une vision plus territoriale de ces déploiements ?
C’est bien le cas. En Suisse, au Service de la Santé Publique de l’Etat du Valais, nous avons pour objectif de fournir aux autorités du canton un moteur de simulation prédictive qui concerne l’ensemble du territoire. Il permet notamment de comprendre et visualiser les parcours de soins des citoyens spécifiques (selon leur statut, leur classe d’âge, leurs revenus, leur pathologie, etc.), ce qui permet de mieux en anticiper les impacts et donc de faire des recommandations pertinentes en matière de politique de santé à appliquer. Enfin, grâce aux données opérationnelles collectées au fil de l’eau, il devient possible de suivre les évolutions sur le terrain, de mesurer le delta entre ce qui a été prédit et la réalité observée, et d’affiner les recommandations qui en découlent.