C’est bien l’intelligence humaine qui est le moteur de la transformation digitale des organisations. Dans ce cadre, le binôme dirigeant/directeur informatique, ce dernier étant voué à devenir un véritable leader, a une place centrale à jouer. Les explications de Jean-François Prince qui dirige la société de coaching et de conseil Cristalway.
La transformation numérique des entreprises ne risque-t-elle pas de marginaliser la place de l’être humain au sein des organisations ?
Je suis convaincu du contraire. L’humain est au centre de ce processus de transformation. Il est assez facile de mettre en place des solutions technologiques. Il est beaucoup plus difficile de faire changer les hommes. On parle beaucoup d’agilité dans le domaine de la transformation numérique. Créer des process agiles, ce n’est pas compliqué. Faire en sorte que les hommes changent leur manière de travailler, arrêtent de privilégier des postures de contrôle, et acceptent de plancher sur des solutions rapides, qui ne soient pas totalement parfaites, est un tout autre défi. Dans cet ensemble, les DSI/CTO occupent une place centrale. Il s’agit d’amener ces experts à devenir de véritables leaders, présents dans le cadre d’un comité de direction ou d’une direction générale, et porteurs d’une véritable stratégie pour l’entreprise. En somme, il faut qu’ils deviennent des décideurs.
Comment fait-on concrètement pour aider un expert à devenir un leader ?
Il faut déjà poser un premier principe. Il ne s’agit pas d’un domaine binaire, où tout est soit blanc, soit noir. Le leader possède une expertise qu’il ne s’agit pas de renier. Son expertise est aussi sa légitimité. En revanche, le chemin qu’il doit prendre est de donner sa confiance à d’autres experts pour pouvoir affirmer de manière toujours croissante sa position de stratège. Voilà pour la première étape. Ensuite, il doit être capable d’endosser un costume de patron afin de pouvoir dialoguer avec les dirigeants de son entreprise concernant les sujets de transformation et oser prendre des décisions. Pour y parvenir, cela prend généralement un peu temps et dépend de la maturité des personnes. Il faut leur apprendre à grandir avec leur entreprise, en particulier s’ils travaillent pour une start-up ou une scale-up. Enfin, l’un des derniers aspects pour devenir un leader réside dans la question de l’intelligence émotionnelle. Il faut être capable d’être à l’écoute d’une équipe et d’œuvrer positivement pour sa cohésion. Il faut donc développer les soft skills afin que le leader soit reconnu dans son rôle. J’ajoute que le développement du télétravail, crise sanitaire oblige, exacerbe l’ensemble de ces aspects, avec de nombreuses équipes informatiques qui travaillent totalement à distance.
Ce passage guidé d’expert à leader est-il toujours couronné de succès ?
Non pas toujours, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître. Tout le monde n’est pas voué à devenir un patron. Récemment encore, dans le cadre d’une mission, il a bien fallu acter qu’une certaine personne, excellent expert, n’avait pas sa place en tant que leader à un comité de direction.
Peut-on multiplier les leaders au sein d’une entreprise sans pour autant bousculer l’ego du (des) dirigeant (s) ?
Effectivement, il peut se poser des sujets liés à l’ego. Cela est d’autant plus vrai s’il s’agit d’un dirigeant qui ne comprend pas grand-chose à la question de la transformation numérique. Ce dernier va alors avoir souvent tendance à prendre des décisions à la place de son directeur informatique, ne pas être à l’écoute de ce dernier, et rechigner à lui laisser la place nécessaire pour qu’il puisse s’affirmer. C’est pourquoi, dans le cadre de mes activités, je suis particulièrement attentif à cette question du binôme dirigeant/directeur informatique et de leur relation. C’est quand tous les deux travaillent dans la même direction parce qu’ils portent une vision commune, et sont capables de se comprendre parce qu’ils partagent les mêmes valeurs, que l’entreprise ressort gagnante. Là, se trouve la clé du succès.