La France est le premier pays européen en termes de réseaux de franchise. L’Hexagone comptait en effet, en 2018, 2004 franchiseurs pour 75 193 franchisés pour un chiffre d’affaires (CA) de 62 milliards d’euros. C’est le secteur de l’équipement à la personne qui compte le plus de franchiseurs (378), devant les services à la personne (126), la restauration rapide (223) et l’alimentaire (196). Mais en termes de CA, l’alimentaire arrive très loin devant avec 21,91 milliards d’euros, suivi de l’équipement de la maison (6,98 milliards d’euros) et le commerce divers (6,16 milliards d’euros). Pour Maître Cécile Peskine, avocat associé au sein du cabinet Linkea, spécialisé dans la franchise et les réseaux de distribution, la crise du Covid-19 devrait favoriser ce modèle de distribution.

 

Magasins en propre, réseaux de franchise, quels sont les critères qui permettent de choisir l’un ou l’autre des modèles de développement ?

La capacité financière est généralement le critère le plus couramment rencontré pour choisir son modèle de développement. Est-elle suffisante pour développer un réseau en propre ou vaut-il mieux s’appuyer sur un réseau d’indépendants ? Autre paramètre : la gestion des points de vente. Le fondateur du concept est-il à même de manager avec ses propres partout sur un territoire assez large, par exemple à l’échelle d’un pays, ou est-il préférable de confier cette tâche à des indépendants, compte tenu de l’éloignement géographique notamment ? Troisième critère : l’efficacité. Le constat généralement effectué est le suivant : les franchisés, du fait de leur connaissance du terrain et de leur proximité tant avec les clients qu’avec leurs employés, peuvent être plus performants que les équipes d’une tête de réseau « succursaliste » qui sont salariées, et non « incentivées » personnellement à la réussite de l’activité. La franchise est ainsi un mode vertueux de succès.

 

D’un point de vue juridique, on a parfois un peu de mal à distinguer les différentes formules existantes comme, par exemple, la franchise et la licence de marque. Qu’est-ce qui les sépare ?

Tous ces modes de distribution, quelle que soit l’appellation du contrat, vont reposer sur l’usage d’une enseigne commune, l’appartenance à un réseau sous une même bannière. Sous la forme d’une licence de marque pure, le commerçant se voit confier l’usage de cette dernière (à condition d’en assurer le respect) mais reste entièrement maître de sa stratégie d’exploitation et ne se voit transmettre aucun savoir-faire. Dans le cas d’une franchise, le dispositif va plus loin puisque le franchiseur est tenu de transmettre un savoir-faire à son franchisé, ce qui lui permettra d’être immédiatement opérationnel. A mon sens, le modèle de la licence de marque ne se justifie que dans le cas d’une marque notoire que l’on souhaite développer pour une autre activité (par exemple un fabricant de vêtements haut de gamme qui va autoriser un horloger la fabrication de montres à sa marque). Autre modèle d’organisation en réseau : la distribution exclusive, contrat par lequel la tête de réseau accorde à un distributeur l’exclusivité de la commercialisation de produits sur un territoire, mais qui n’implique pas obligatoirement transmission d’un savoir-faire. C’est le cas des concessions automobiles. Il y a enfin la distribution sélective qui concerne plus particulièrement les produits à haute technicité ou le luxe. Les commerçants soumis à ce type de contrat sont sélectionnés par la tête de réseau via des critères qualitatifs (accueil et conseils clients) et quantitatifs.

 

Votre cabinet est spécialisé dans le modèle de la franchise et vous accompagnez plus spécifiquement les têtes de réseau. Quels besoins expriment-elles aujourd’hui ?

Chez Linkea, nous rencontrons différentes typologies de besoin. Il y a d’abord le client qui possède un historique « succursaliste » et décide de développer un réseau d’indépendants sous le modèle de la franchise. C’est un cas courant, particulièrement actuellement, puisque crise du Covid-19 oblige, de nombreux réseaux n’ont plus les moyens de se développer en propre et changent, en conséquence, de stratégie en faisant appel à des partenaires franchisés. Notre cabinet va donc accompagner ces clients pour la définition du système juridique adapté à cette nouvelle situation et construire avec eux les outils (contrat, DIP, manuels) s’y rapportant. Nous allons également former les équipes au métier de « tête de réseau ». Le franchiseur à des devoirs envers ses franchisés. Si celui-ci ne se montre pas à la hauteur, des contentieux peuvent voir le jour. Pour prévenir ces derniers, il est nécessaire d’être sensibilisé à ces risques. Nous nous adressons par ailleurs à des réseaux déjà « aguerris » de la franchise, afin de les accompagner dans la redéfinition de leur stratégie, et dans les épreuves qu’elles traversent.

 

Selon vous, la crise sanitaire va donc contribuer à favoriser le modèle de la franchise…

La franchise soutient le commerce en général et permet à un entrepreneur qui se lance de bénéficier d’un modèle déjà éprouvé. La crise que l’on connaît aujourd’hui est sans précédent. Ce qui entraînera inévitablement des licenciements économiques, et la possibilité pour ces anciens salariés de bénéficier d’un capital qu’elles pourront investir pour créer une entreprise. Lorsqu’on franchit ce pas, alors que l’on était salarié dans sa vie antérieure, le fait de s’adosser à un réseau va permettre de se développer plus vite, en bénéficiant d’un réel accompagnement. La vague de licenciements qui arrive va, à mon sens, favoriser le modèle de la franchise, ce que l’on a déjà constaté après la crise économique de 2008.