L’actionnariat salarié ne cesse de faire des adeptes. En 2019, la France est toujours le premier pays européen en matière d’actionnariat salarié collectif dans les entreprises cotées. Avec 2,6 millions de bénéficiaires détenant en moyenne 3,5 % du capital, l’Hexagone représente près de 40% des actionnaires salariés européens, et 42% de la capitalisation détenue par ces derniers selon le Panorama de l’actionnariat salarié d’Eres. Le dispositif, principalement présent dans les grandes entreprises, commence timidement à être adopté par les plus petites structures. Les explications de Mathieu Chauvin, Président d’Eres, société de conseil et de gestion spécialisée en épargne salariale, retraite et actionnariat salarié.
En matière d’actionnariat salarié, où se situe la France ?
La France est la championne d’Europe de l’actionnariat salarié « démocratique » – c’est-à-dire proposé à l’ensemble des salariés. Toutefois, nous sommes en présence d’un monde séparé en deux avec d’un côté 74 % entreprises cotées françaises qui ont mis en place des mécanismes collectifs d’actionnariat salarié et, de l’autre, des sociétés plus petites, PME non cotées, où ce taux d’équipement tombe drastiquement à 4% environ (Source : enquête ERES–BDO menée auprès de 700 entreprises non cotées, mars 2016). Un résultat d’autant plus surprenant que 80 % des PME voient dans ce dispositif « une bonne chose ». Mieux : 85 % des PME équipées sont satisfaites de la mise en place de leur actionnariat salarié ! 82 % d’entre elles referaient ce choix a posteriori.
Comment expliquez-vous ce retard dans le non coté?
Le vrai problème est que 35 % des entreprises ne proposant pas d’actionnariat salarié n’ont même pas envisagé cette possibilité ! C’est d’ailleurs le tout premier facteur de non-équipement, loin devant les autres freins réels ou supposés cités par les entreprises dans l’enquête que nous avons menée. Pour les entreprises non cotées, rien n’est foncièrement rédhibitoire dans l’actionnariat salarié, elles n’y pensent tout simplement pas. Les outils existent. Si nous sommes champions dans le côté, il n’y a aucune raison de ne pas l’être dans le non coté !
Les autres raisons du décalage ?
L’explication du retard est aussi d’ordre culturel, particulièrement dans des structures non cotées, où l’actionnariat est concentré autour de sociétés familiales, ou bien porté par des investisseurs externes comme les fonds d’investissement. Ces dernières peuvent craindre (souvent à tort) que la liberté d’associer les salariés au capital puisse être compromise dans le cas où les titres de l’entreprise seraient détenus par une multitude de mains que sont les salariés actionnaires, et non plus concentrés entre un petit nombre de personnes.
Que faudrait-il faire pour faire tomber ces barrières ?
Nous pourrions éventuellement appeler à quelques assouplissements réglementaires pour les PME pour mieux aligner les intérêts de l’entreprise et de ses actionnaires avec ceux des salariés devenus actionnaires notamment en termes de liquidités et de modalité de sortie pour les collaborateurs. Notons, toutefois, que le FCPE (Fonds Commun de Placement d’Entreprise), composé en titres de l’entreprise (qu’elle soit cotée ou non), tel que géré par Eres gestion, est un véhicule qui fonctionne très bien. Très souple, il permet d’intermédier et donc de simplifier la relation avec la collectivité des actionnaires salariés, tout en garantissant leur représentation via le Conseil de Surveillance. Il permet également, si c’est souhaité, d’introduire des mécanismes d’amortissement des risques, via l’abondement, la décote, ou des mécanismes de levier avec garantie en capital. Lorsqu’il est investi en titres non cotés, il prévoit le ou les mécanismes adaptés de liquidité. C’est bien cet instrument 100% français et donc unique au monde, déclinable dans les entreprises cotées comme non cotées, qui explique le succès de l’actionnariat salarié en France.
Qu’en est-il des autres formes d’association des salariés au profit comme l’intéressement ?
L’intéressement est un sujet que les PME maîtrisent un peu mieux que celui de l’actionnariat salarié. Il se développe actuellement grâce notamment aux dernières évolutions réglementaires, dont la suppression du forfait social pour les petites entreprises (0% de forfait social sur la participation, l’intéressement et l’abondement pour les entreprises de moins de 50 salariés et sur l’intéressement dans les entreprises de moins 250 salariés). Cette année, des ordonnances complémentaires ont été publiées pour permettre à des TPE de conclure des accords d’intéressement pour des durées inférieures à trois ans et sur la base d’une décision unilatérale du chef d’entreprise. J’ajouterai que l’existence d’un mécanisme d’intéressement ou de participation au sein de l’entreprise est aujourd’hui essentiel en matière de recrutement et de fidélisation, alors que les PME, on le sait, ont du mal à attirer les talents, volet qui représente un véritable frein à leur développement.
La question des retraites fait débat même si la réforme a quelque peu été mise de côté, pour le moment en tout cas. Sur le sujet de l’épargne retraite, quelle est votre vision ?
Le taux de croissance des dispositifs d’épargne retraite d’entreprise est satisfaisant même si sur ce dossier la France connaît un réel retard, notamment par rapport à la Grande-Bretagne ou des Etats-Unis. Là encore, ce sont les très récentes avancées réglementaires, et particulièrement la loi Pacte (2019) avec la création du nouveau Plan d’Epargne Retraite (PER), qui favorisent l’ouverture de cette nouvelle ère en matière d’épargne retraite. Efficacité à l’entrée avec la possibilité de déduire ses versements volontaires de son revenu imposable, souplesse à la sortie avec la possibilité de récupérer son épargne en capital à 100%, y compris pour l’acquisition de sa résidence principale, liberté de transfert, le PER a tout pour séduire à la fois les entreprises et les particuliers. L’année dernière Eres a lancé un plan d’épargne retraite individuel et un plan d’épargne retraite collectif, avec un franc succès sur ces produits. En cette rentrée de septembre, nous lançons un nouveau plan d’épargne retraite obligatoire. Nous allons également mettre en place le premier plan d’épargne retraite unique qui va accueillir toutes les natures de flux entreprise (cotisations obligatoires, intéressement, participation…).