Ivanhoé Cambridge est une filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Investisseur mondial en immobilier avec un portefeuille sous gestion d’environ 60 milliards de dollars canadiens, la société mise fort sur sa responsabilité sociale et environnementale. Pour en savoir plus, nous avons posé quelques questions à Stéphane Villemain, vice-président en charge de la responsabilité sociale d’entreprise.

 

Ivanhoé Cambridge met en avant sa responsabilité sociale dans le développement de « solutions urbaines complètes centrées sur les besoins des gens ». Quelles sont les principales dimensions de cette responsabilité sociale ?

Stéphane Villemain : Notre première responsabilité sociale, c’est notre mandat d’investissement. Nous contribuons à la sécurité financière de nos déposants, soit plus de 6 millions de bénéficiaires. On oppose souvent responsabilité sociale et mission de l’entreprise : nous aurions notre mandat de rendement financier d’un côté, et notre responsabilité sociale d’un autre. Ivanhoé Cambridge est convaincu au contraire qu’au fondement de sa responsabilité sociale, il y a la mission de bien servir nos clients, nos déposants. À cette première dimension s’ajoute un deuxième objectif d’impact durable, environnemental et social, partout où nous sommes investis. Au cœur même de notre raison d’être, il y a l’objectif d’améliorer la qualité de vie, et cela passe par la qualité des actifs que l’on apporte au monde. Quand on réalise que le secteur immobilier représente près de 40% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, les investisseurs institutionnels dans le secteur ont un rôle à jouer pour apporter des solutions. Nous passons près de 90% de notre temps à l’intérieur d’un bâtiment : l’immobilier structure nos relations sociales. Nous construisons donc sur le long terme en portant attention aux composantes sociales et environnementales : il est important de mettre l’humain au centre de nos activités.

 

Concrètement, dans quel type de réalisations cela se traduit-il ?

Stéphane Villemain : De multiples façons, par exemple, avec l’utilisation d’énergie renouvelable, qui peut aller jusqu’à l’exploitation de bâtiments à énergie positive qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment. Ou par l’utilisation de matériaux bas-carbone tels que le bois dans le projet Arboretum, le plus grand campus tertiaire en bois d’Europe, qui est en cours de développement aux portes de Paris. Nous avons également des projets à usages mixtes bas-carbone. Ils incluent une forêt urbaine, une ferme urbaine, des logements locatifs abordables, l’accès aux transports en commun. Ces attributs environnementaux et sociaux sont un axe majeur de notre plan stratégique, et se reflètent dans nos choix d’investissement mais aussi de gestion d’actifs dans la rénovation de l’existant. Ces principes sont aujourd’hui l’un des fondements de notre vision d’entreprise, avec la conviction qu’il y a un alignement d’intérêts entre notre mandat d’investissement à long terme, et cette performance durable de nos actifs. Nous sommes convaincus que notre performance financière à long terme est liée au bien-être des communautés au sein desquelles nos propriétés sont présentes. Nous avons cette responsabilité sociale de contribuer à la qualité environnementale du bâti et à la qualité des relations humaines et sociales des communautés dans lesquelles nous investissons.

 

Comment la finance peut-elle devenir durable et vertueuse écologiquement ?

Stéphane Villemain : La finance a un certain retard par rapport à d’autres secteurs industriels, en termes de prise en compte de ces convictions, au niveau environnemental et social. Cela fait plusieurs dizaines d’années que certains secteurs sont soumis à des réglementations environnementales, c’est rentré dans leur modèle d’affaires. Pour la finance, c’est un changement beaucoup plus récent qui s’est principalement opéré depuis l’accord de Paris sur le climat signé en 2015. On a observé un réel changement de direction, ces sujets « ESG » (environnement, social et gouvernance) sont de plus en plus présents dans les stratégies des institutions financières. Il y a une statistique frappante : le nombre de signataires des Principes pour l’Investissement Responsable (PRI) a doublé au cours des cinq dernières années, et représente aujourd’hui plus de 100 trillions de dollars d’actifs sous gestion. C’est essentiel parce que lorsqu’on y pense, la finance est vraiment à la base de l’ensemble de l’économie et a un réel rôle à jouer. La finance est un secteur très vaste, et les investisseurs institutionnels comme nous, sommes vraiment en haut de la chaîne. Donc si on ne donne pas le ton sur ces enjeux écologiques et sociaux, qui le fera ?

Toutes nos nouvelles acquisitions font l’objet d’une revue détaillée sur la façon dont elles contribueront à nos objectifs ESG. Dans le cadre d’Ivanhoé Cambridge, nous nous sommes récemment engagés à atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de son portefeuille international d’ici 2040, avec un premier jalon de réduction de 35% de notre intensité carbone d’ici 2025. Nous avons également l’ambition d’augmenter nos investissements sobres en carbone de plus de 4 milliards d’euros d’ici 2025. Un autre exemple concret d’alignement d’intérêts entre performance financière et performance durable, c’est le secteur des financements durables ou « verts ». Nous arrivons à lier le coût de notre dette à nos performances environnementales et sociales : par exemple plus nous réduisons notre empreinte carbone, meilleures sont nos conditions d’emprunt.

 

Le secteur de l’immobilier est-il un secteur d’innovation ?

Stéphane Villemain : Oui, absolument. C’est un secteur d’activité qui n’a pas beaucoup évolué depuis le milieu du 20ème siècle, et il y a de réelles opportunités dans la proposition de valeur que des investisseurs institutionnels comme nous avons à offrir. Nous passons d’un modèle où les acteurs se contentaient de vendre ou louer des espaces, à un autre modèle dans lequel il faut s’intéresser à l’expérience utilisateur et offrir des services. C’est un état d’esprit complètement différent, nous sommes au service des occupants de nos bâtiments, de nos locataires, de leurs employés, qui choisissent non plus seulement une localisation, mais aussi une offre de services en lien avec le confort et le bien-être, une bonne connectivité aux transports. Pour cela, l’innovation est un formidable accélérateur qui permet de mieux concevoir les bâtiments, d’augmenter leur confort ou de réduire les besoins en énergie par exemple. A ce titre nous sommes très actifs dans le secteur des Proptech, à la croisée de l’immobilier et de l’innovation.

On pense également à l’impact de la crise sur les inégalités sociales dans le domaine du logement, et à des considérations accrues sur l’abordabilité de l’habitat dans les grandes villes. Le contexte de la crise est venu accélérer la prise en compte de ces sujets-là. Nous avons pour objectif de favoriser des environnements avec une mixité sociale, qui selon nous est propice au dynamisme économique.