Les cabinets de conseil n’échappent pas aux bouleversements induits par la transformation numérique. Les consultants doivent prendre en compte non seulement les systèmes d’information mais aussi les nouvelles technologies qui représentent d’importants leviers de transformation des organisations. Le point sur la question, avec Sébastien Renard, PDG du cabinet de conseil Enioka.
L’IT est désormais présent dans toutes les strates d’une organisation. Cela modifie-t-il le métier du conseil en entreprise ?
Effectivement, le métier du conseil change. Aujourd’hui, la partie informatique concerne tous les métiers de l’entreprise du fait de la transformation numérique en cours. Dans ce contexte, le système d’information (SI) se présente, soit comme un allié qui va ouvrir à l’entreprise de nouvelles possibilités, soit comme un caillou dans sa chaussure car il va aboutir à freiner les projets. Il est désormais impossible de conseiller de manière effective une entreprise si l’on n’est pas au fait de ces enjeux. Aujourd’hui, la transversalité est devenue le maître mot. Nous sommes obligés d’avoir des informaticiens qui comprennent les métiers (et inversement des métiers qui comprennent l’informatique) pour réduire les cycles et limiter les échanges un peu compliqués sans, toutefois, tomber dans l’excès de l’immédiateté. Une stratégie prend forcément un temps minimal pour être conçue.
Cela veut-il dire que l’on voit actuellement surgir un nouveau profil de conseiller ?
Nous sommes en présence d’un mouvement de fond dont les prémices remontent à une quinzaine d’années et qui est particulièrement présent pour les développeurs qui ont senti les premiers cette forte nécessité de se rapprocher des métiers. Toutefois, les choses avancent lentement. Tous les métiers (logistique, marketing, etc.) ont leur spécificité et leur complexité. Cela est également vrai de celui des informaticiens. Encore aujourd’hui, chacun a du mal à faire un pas vers l’autre. Les conseillers vont, dans de nombreux cas, jouer le rôle d’intermédiaire entre les uns et les autres. Mais, il n’en reste pas moins que chez les consultants, on peut encore constater une réelle sous-estimation de la nécessité de bien comprendre l’informatique, ce qui est pourtant indispensable pour apporter un conseil adéquat.
Le conseil en architecture SI est-il encore d’actualité à l’heure du Cloud ?
Un premier point : l’utilisation du Cloud public reste, encore aujourd’hui, minoritaire au sein des entreprises malgré ce qu’on peut lire ici ou là. Il y a, à cela, plusieurs raisons. En premier lieu, transférer du patrimoine ne fait pas toujours sens. De plus, la souplesse apportée par le Cloud a un prix puisqu’il est souvent plus coûteux pour l’entreprise de faire fonctionner ses applications dans le Cloud. Toutefois, vous avez raison, il existe un mouvement de fond vers le Cloud qui peut poser la question du rôle de l’architecte SI dans ce contexte. La première couche où le Cloud apporte une vraie valeur concerne la partie infrastructure. Au regard de cette problématique, le métier d’architecte ne disparaît pas. Par contre, il change profondément car l’architecte va davantage jouer un rôle d’assembleur de technologies qu’il n’en avait auparavant. Cela met toutefois en jeu une complexité assez forte, notamment dans les parties réseaux et sécurité. De plus, précisons que le Cloud ne transforme qu’en surface le métier de l’architecte sur tout ce qui concerne les couches applicatives et l’architecture fonctionnelle du SI, celles-ci restant finalement assez similaires. Donc, oui, il y aura toujours besoin d’un conseiller en architecture SI.
Existe-t-il une limite à la digitalisation ?
La limite est surtout liée à une capacité limitée à maîtriser la complexité IT dans la durée là où l’humain a plus de souplesse d’adaptation face à des problèmes nouveaux. Les systèmes informatiques nécessitent des ensembles de règles cohérentes et stables, ils tolèrent mal les exceptions. C’est là que se trouve la limite de la transformation numérique des entreprises et où l’humain se voit obligé de prendre le relais et d’intermédier l’usage des technologies.