Le marché français des solutions de Cloud computing et des services associés est estimé à plus de 11 milliards d’euros en 2019 par MARKESS by exægis, ce qui représente plus de 19 % du marché des logiciels et services IT en France. Il devrait continuer à se maintenir à près de 20 % par an jusqu’à fin 2021. Dans cet ensemble Scaleway, joue un rôle de premier plan. L’entreprise possède ses propres datacenters pour lesquels elle a mis en place une politique énergétique responsable innovante. Rencontre Avec Arnaud de Bermingham et Yann Lechelle, respectivement président-fondateur, et directeur général de Scaleway.
Le Cloud est-il en train de s’imposer comme la nouvelle norme pour les entreprises ?
Arnaud de Bermingham : Oui, c’est incontestable. Nous sommes sur un marché qui a connu des modifications profondes ces vingt dernières années. Poussé par la transformation numérique des entreprises (des start-up aux grands groupes en passant par les PME et les ETI), le Cloud est devenue la norme. Aux Etats-Unis, qui reste la référence, le marché est arrivé à maturité et tout nouveau business se fait dans le Cloud. En France, nous n’en sommes pas encore à ce stade, mais cela s’accélère fortement depuis trois ans. Il faut comprendre que pour les entreprises l’informatique est une commodité. Elles achètent du Cloud comme elles s’approvisionnent en eau ou en électricité. Le modèle de facturation à l’usage, le time to market que permet le Cloud, est une vraie réponse aux enjeux auxquels les entreprises sont confrontées aujourd’hui.
Ne va-t-on pas, toutefois, aller vers des solutions « hybrides » ou certaines data seront conservées au sein du SI de l’entreprise tandis que d’autres seront stockées dans le Cloud ?
A.d.B. : Là encore, la réponse est oui comme l’ont montré différentes études. C’est l’une des grandes tendances que l’on pourra constater à partir de l’année 2023. Il y a un certain nombre de workflow que les entreprises ne vont pas pouvoir passer dans le Cloud. Cela va, par exemple, dépendre des certifications d’entreprise, des contraintes de la société vis-à-vis de ces propres clients, de la sensibilité des informations gérées, etc. En conséquence, il y a une vraie nécessité pour de nombreux grands comptes de procéder à cette hybridation avec une partie « à l’ancienne » et une autre dans le Cloud.
Aujourd’hui, il y a de réels enjeux de souveraineté en matière de Cloud, le marché étant dominé par les acteurs américains et chinois. Dans ce contexte, comment les entreprises françaises et européennes du secteur se positionnent-elles ?
Yann Lechelle : Initialement, chacun possédait ses propres serveurs, puis les ont déportés, puis les ont loués. Aujourd’hui, le Cloud public consiste à louer à l’unité. Les acteurs qui ont poussé à cette évolution sont les grands acteurs technologiques qu’il n’est pas nécessaire de nommer. Ce sont les leaders en part de marché et ils sont les locomotives qui tirent la totalité de ce dernier vers cette modernisation. Scaleway est certes un plus petit acteur, mais c’est un acteur local, français et européen qui possède une position particulière, que l’on ne retrouve nulle part ailleurs. En effet, depuis une vingtaine d’années, nous déployons trois activités en parallèle. Nous sommes hébergeurs par l’intermédiaire de nos propres datacenters que nous louons, nous proposons une offre de serveurs dédiés, et nous fournissons des services logiciels accompagnés de toute l’infrastructure nécessaire pour permettre aux développeurs de travailler beaucoup plus vite. Certes, les GAFAM ont une part de marché conséquente. Mais une véritable prise de conscience dont l’origine remonte au début de la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine (et renforcée par la crise du Covid-19) s’est faite jour en France comme en Europe où l’on a compris que nous n’avons pas de souveraineté, les achats se dirigeant trop fortement vers les acteurs dominants. Dans ce contexte, Scaleway fait partie des rares acteurs qui se positionnent comme une réelle alternative. Nous possédons des datacenters en France (Paris), en Hollande (Amsterdam) et en Pologne (Varsovie). Ce positionnement géographique nous permet de proposer une offre locale. Et la prise de conscience actuellement en cours va contribuer à rediriger les achats vers des acteurs comme Scaleway. Il ne s’agit pas de militer pour une solution franco-française, mais bel et bien pour une réponse européenne. Rappelons que 60 % de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’export. Nous participons d’ailleurs activement à l’initiative européenne de Cloud souverain Gaia-X, basée sur un rassemblement des acteurs Cloud du continent.
Un datacenter consomme beaucoup d’énergie. Quel est votre politique en matière de responsabilité environnementale ?
A.d.B : Ce sont des enjeux fondamentaux sur lesquels nous innovons massivement depuis une dizaine d’années et pour lesquels nous avons déposé des brevets internationaux. Quand on consomme l’équivalent d’une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, l’empreinte énergétique de notre activité devient un sujet de préoccupation central. Nous estimons que la réduction et la performance de l’usage sont des axes bien plus effectifs que de décider de planter des arbres pour se faire, en quelque sorte, pardonner d’une empreinte énergétique trop importante. C’est pourquoi, notre politique est entièrement basée sur l’achat d’énergie renouvelable à 100 % depuis plus de quatre ans. Nous avons, de plus, totalement supprimé la climatisation qui représente 20 à 30 % (voire plus) de la consommation énergétique globale de nos datacenters. En lieu et place, nous avons développé des systèmes innovants. Nos sites sont, en conséquence, beaucoup plus performants et consomment donc jusqu’à 40 % de moins qu’un datacenter traditionnel, tout en étant alimentés par des énergies renouvelables. Scaleway, c’est véritablement « le Cloud qui donne et fait du sens ».