D’après l’entreprise bruxelloise Shayp, 95 % des fuites d’eau sont non visibles, et donc non détectées. Il peut s’écouler en moyenne 100 jours avant qu’une réparation ne soit réalisée par l’équipe de maintenance du bâtiment. Shayp a mis au point une solution de détection automatique des fuites d’eau, et un monitoring de la consommation d’eau des bâtiments, le tout en temps réel. Cette technologie, basée sur le machine learning, s’adresse à l’immobilier public ou privé, aux municipalités et aux facilitateurs de maintenance des bâtiments. Shayp était d’ailleurs présente au salon Innopolis Expo et à l’EnerJ-meeting à Paris. Ingrid Nolet, Impact & Sustainability Manager de Shayp nous explique les enjeux et le fonctionnement de cette solution de suivi des consommations énergétiques dans les bâtiments.
Quelles sont vos ambitions pour la France ?
Ingrid Nolet : Nous souhaitons nous y déployer, et la solution proposée par Shayp répond aux exigences du décret tertiaire, entré en vigueur en France en juillet 2019. Il oblige les bâtiments de plus de 1 000 m² à monitorer leur énergie. Cela concerne les bureaux, commerces, lieux d’enseignement et de formation, administrations, établissements de santé et médico-sociaux, etc. Nous saluons cette réglementation pour la rénovation énergétique des bâtiments ! Connaître sa consommation permet de prendre des décisions positives pour l’environnement.
Shayp se place donc aux côtés des entreprises et municipalités françaises pour les aider à s’aligner sur ce décret tertiaire, puisque le facteur eau peut être ajouté à l’obligation du monitoring énergétique. Fin juin 2021, la première échéance pour communiquer ses données de consommation énergétique a été repoussée d’un an en raison de la crise sanitaire. La date butoir est désormais fixée au 30 septembre 2022. Les gestionnaires de bâtiments tertiaires ont donc assez de temps pour peaufiner et approfondir leur stratégie de collecte de données sur leur parc immobilier, notamment en intégrant dès maintenant des données de consommation d’eau. Ils peuvent ainsi anticiper les législations à venir et rendre les bâtiments durables.
Attention toutefois, il ne s’agit pas de la seule échéance, car la GTB (Gestion technique de bâtiment) deviendra obligatoire pour tout le tertiaire en 2025. Ce décret aussi appelé BACS est paru en juillet 2020. Les bâtiments tertiaires neufs et existants doivent ainsi installer des systèmes d’automatisation et de contrôle (sur les produits, logiciels et systèmes d’ingénierie œuvrant pour le bon fonctionnement du bâtiment). Tous les bâtiments tertiaires dont le permis de construire a été déposé un an après la parution du décret (donc à compter du 21 juillet 2021) sont dès à présent soumis à cette obligation. Là encore, Shayp se tient aux côtés des propriétaires pour les aider à se plier à cette obligation.
Comment fonctionne votre technologie ?
Ingrid Nolet : Le premier composant est un hardware, c’est-à-dire un petit boîtier qui se connecte au compteur d’eau existant. Plus de 90 % des compteurs sont d’ailleurs compatibles avec notre système. Nul besoin de WiFi, d’électricité ou d’alimentation spécifique ! Il s’installe très facilement en quelques minutes, et il fonctionne sur une batterie qui dure au minimum 10 ans. Ce boîtier analyse la consommation d’eau, et les données sont ensuite envoyées par radiofréquence sur un second composant software. Il s’agit d’une application web développée par Shayp, consultable sur téléphone et ordinateur. Elle donne accès à une interface intuitive pour le technicien et les équipes de maintenance. Ils bénéficient ainsi d’une vue complète sur les litres d’eau consommés et leur montant à la fin de l’année, mais aussi sur les fuites, leur coût et leur durée, etc. Autant d’informations utiles pour prendre facilement des décisions en cas de réparation, ou pour mieux comprendre la sensibilité des plus vieux bâtiments, qui sont plus susceptibles d’engendrer des fuites d’eau.
Quels en sont les avantages ?
Ingrid Nolet : Notre interface dispose d’une API ouverte ! Si un gestionnaire de bâtiments possède déjà une plateforme de suivi énergétique, alors toutes les données peuvent être transférées sur son outil. Il peut aussi utiliser notre interface pour y insérer d’autres données. Shayp facilite le travail des techniciens, responsables parfois de plusieurs bâtiments, puisqu’ils ne peuvent pas vérifier quotidiennement chaque point d’eau. De même, la relève des index se fait automatiquement via notre application.
Dans quels contextes y a-t-on recours ?
Ingrid Nolet : Shayp répond à une prise de conscience écologique, défendue par les élus locaux. D’où l’intérêt d’installer notre technologie dans les bâtiments publics (écoles, universités, Hôtel de Ville, etc.), afin de sensibiliser les citoyens à la préservation de l’eau. Shayp apporte une visibilité intéressante aux choix du décisionnaire, et a un impact positif sur l’environnement. À cet aspect écologique s’ajoute un aspect financier. Qui dit économie d’eau dit économie de quelques milliers d’euros à la fin de l’année. Shayp évite donc une surfacturation. Le détecteur de fuites d’eau peut bien sûr être placé là où des dégâts des eaux ont déjà eu lieu. Lorsqu’un tel événement se produit, la facture explose, et personne n’a envie de revivre cela. Notre solution est satisfaisante sur tous les plans, car elle allie technologie innovante et analyse de données.
Pouvez-vous illustrer vos propos avec un exemple ?
Ingrid Nolet : Prenons Bruxelles, l’un de nos premiers clients ! Sur une facture d’eau atteignant près d’un million d’euros par an, 400 000 euros étaient uniquement dus à des fuites d’eau. Elles peuvent en effet représenter 10 % à 60 % de la facture totale d’une organisation. En moyenne, Shayp permet de réduire 22 % des factures d’eau des bâtiments. Depuis que la solution Shayp est installée sur environ 60 % du parc immobilier bruxellois, la somme due aux fuites d’eau a été réduite à environ 250 000 euros. Il est important de noter que l’installation est rapide et déployable à grande échelle. Par exemple, sur le parc immobilier d’une ville comptant plus de 50 compteurs d’eau à équiper, l’installation peut être réalisée en 5 à 10 jours ouvrables.
Quel est votre engagement environnemental ?
Ingrid Nolet : Certaines écoles françaises ont été équipées dans la région Grand Est grâce à un partenariat avec la fondation Solar Impulse. Nous sommes aussi très attentifs aux Objectifs de développement durable des Nations Unies, dont le n°6, qui est la préservation de l’eau. De plus, nous nous engageons à économiser 100 milliards de litres d’eau d’ici 2023. Pour le moment, nous avons économisé près d’un milliard de litres. Enfin, Shayp est dans le processus de certification « B Corp », qui est un label de confiance et un gage de crédibilité dans la gouvernance de l’entreprise et dans ses engagements.
Une conclusion ?
Ingrid Nolet : Outre le décret tertiaire et BACS, Shayp fait sens en France, où 20 % de l’eau potable disparaît dans la nature à cause de fuites. Cela représente un milliard de litres d’eau sur les 5,1 milliards de m3 d’eau mis en distribution en 2017, d’après une étude de l’Observatoire des services publics d’eau et d’assainissement. Chaque année, plus de 80 départements français font l’objet de restrictions d’eau afin de préserver cette ressource lors des fortes chaleurs. Cette statistique est tombée en 2020, et la Fédération des entreprises de l’eau appelle à un doublement urgent du taux de renouvellement des réseaux dans le plan de relance vert. Par ailleurs, Shayp se distingue en Belgique, puisque nous avons remporté le marché public de la Société wallonne des eaux, dans le cadre de son nouveau projet EasyConso. Cet outil clé en main permettra aux communes, aux collectivités et à tout gestionnaire d’immeubles de visualiser en temps réel et de maîtriser leurs consommations, mais aussi de faciliter leur gestion administrative. La technologie qui permet d’éviter les surfacturations est la technologie développée par Shayp. Nous nous positionnons ainsi comme partenaire technique pour les compagnies des eaux en France également.