Principalement connue comme entreprise de création de contenus, Adobe se positionne comme acteur incontournable dans le domaine de l’expérience client. Rencontre avec Luc Dammann, vice-président EMEA de l’Europe de l’Ouest.
Une transformation numérique réussie n’est-elle pas moins tributaire des outils utilisés que de la façon dont l’entreprise s’organise pour répondre à ce défi ?
Luc Dammann : Effectivement, la question organisationnelle est essentielle. Un des facteurs clés de succès réside dans l’engagement et la vision d’un leader, et de son implication dans la conduite du changement. Nous avons mené une récente étude qui nous a permis d’identifier les archétypes d’entreprises et les traits de leadership nécessaires pour prospérer dans le paysage économique post-pandémique. Parmi les enseignements clés, seulement 25 % des organisations étaient armées pour réussir cette transformation numérique ; creusant ainsi l’écart avec leurs concurrentes. Ces dernières disposent d’un leader visionnaire, impliqué intrinsèquement dans la conduite du changement avec une forte culture de dynamisation et de responsabilisation des équipes (« empowerment » vs culture pyramidale). Sans oublier que ces entreprises possèdent une longueur d’avance en termes de maîtrise de la donnée, devenue un atout incontestable dans cette économie du tout numérique. Enfin, elles portent un message à l’égard de leurs clients cohérent avec leur ADN, leurs valeurs et leur culture. L’authenticité, qui implique un fort degré de transparence, a nettement payé.
Les consommateurs sont aujourd’hui en recherche de produits et solutions de plus en plus personnalisés alors que dans le même temps, les entreprises doivent adresser un marché de masse. N’est-ce pas, finalement, une mission quasi-impossible ?
Luc Dammann : Je ne dirais pas impossible, mais complexe certainement. Alors que nous sommes entrés de plain-pied dans l’ère du « digital-first », les entreprises doivent aujourd’hui dépasser l’étape de domination du marché à travers un produit : il reste avantageux et de conséquence, mais n’est plus le seul facteur clé de différenciation. Les consommateurs sont désormais à la recherche d’une expérience qui soit contextualisée et personnalisée. Il y a donc une prime forte aux entreprises qui parviennent à créer un lien pertinent avec leurs clients. Par exemple, un constructeur automobile développe actuellement, sur la base de nos solutions, une stratégie qui devrait lui permettre de proposer une offre réellement personnalisée et laisser place à une approche segmentée, relativement macro. Pour y parvenir, il est nécessaire de se baser sur la connaissance intime des besoins de chaque client. C’est avant tout un défi technique, organisationnel mais aussi humain. Les entreprises qui vont réussir dans ce domaine auront la capacité de créer des barrières à l’entrée par rapport à la concurrence.
Comment, concrètement, les aidez-vous ?
Luc Dammann : Notre activité repose sur trois piliers : Creative Cloud (outils créatifs, dont nos blockbusters historiques), destiné tant aux entreprises qu’aux particuliers et qui pèse aujourd’hui 10 milliards de dollars sur les 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires que nous devrions atteindre cette année. Nos deux autres piliers sont uniquement orientés BtoB. Il s’agit, tout d’abord, de Document Cloud, qui nous permet d’assurer la continuité d’activité de nos clients (digitalisation des workflows), segment sur lequel nous sommes leaders en matière de signature électronique. De grands groupes comme Sanofi ou Publicis utilisent nos solutions dans le domaine. Enfin, Experience Cloud, qui adresse le marché de l’expérience client ; un marché qui pèse 85 milliards de dollars. Sur cette activité, nous sommes en phase d’accélération. Nous proposons une plateforme de bout-en-bout, qui bénéficie de notre expérience en matière de création de contenus et de nos solutions relatives à la maîtrise de la donnée, un domaine dans lequel nous investissons depuis plus de 10 ans. En convergeant ces deux expertises, nous offrons aux entreprises la possibilité de devenir de véritables créateurs d’expériences et d’atteindre leurs objectifs de personnalisation et de fidélisation.
Vous parliez tout à l’heure d’authenticité de la démarche des entreprises. Elle est d’autant plus importante que les consommateurs désirent désormais tisser des liens avec des sociétés qui portent des valeurs fortes, notamment en termes d’écoresponsabilité. Comment ce sujet est-il abordé chez Adobe ?
Luc Dammann : Je suis convaincu que la réussite des entreprises réside également dans le rôle citoyen qu’elles endossent. Pour se faire, nous accompagnons de nombreuses marques, et notamment des marques de luxe pour qui ce sujet est devenu primordial. Nous avons récemment acquis Substance, une entreprise française, leader mondial de la texturisation en 3D – qui s’avère être un levier technologique incontournable pour répondre à la question du développement durable (shootings photos, prototypes, échantillons,…). Par exemple, dans le cadre de sa campagne Food Pairings lancée en plein cœur de la pandémie, Ben & Jerry’s, un de nos clients, a rencontré de nombreux défis en termes de création d’assets (38 marchés, plus de 150 saveurs), sans pouvoir organiser de shooting photo. Via nos technologies, Ben & Jerry’s a largement su y répondre via cette technologie, dont l’impact est à la fois économique et responsable.