Une conférence contre le tabac et pour l’innovation
Le Mois sans tabac 2024 a été l’occasion de faire un point sur les défis actuels de santé publique et de réfléchir à de nouvelles solutions pour lutter contre le tabagisme. Un événement marquant a eu lieu en France, où le réseau We Are Innovation a présenté le documentaire « Comment la Suède a cessé de fumer », un film qui explore l’expérience unique de la Suède, le premier pays au monde à atteindre un taux de tabagisme inférieur à 5 %. Ce documentaire a ouvert la voie à un débat passionnant entre experts, professionnels de la santé, anciens fumeurs et acteurs de terrain, dans l’objectif de comprendre comment ce pays a réussi à transformer ses habitudes et à devenir un modèle de société sans fumée.
Une réussite remarquable : la Suède, un modèle à suivre
La Suède se distingue par son taux exceptionnellement bas de fumeurs, bien inférieur à 5 % de sa population adulte. Cette statistique en fait un leader mondial en matière de réduction du tabagisme. Les bénéfices de cette évolution sont évidents : le pays affiche également le taux le plus bas de cancers liés au tabac en Europe. En comparaison, la France, où 12,5 millions d’adultes continuent de fumer (soit 15,3 % de la population), est confrontée à des défis de santé publique considérables. Le documentaire invite donc à une réflexion sur la possibilité d’adopter les stratégies mises en place en Suède pour amorcer un changement similaire dans l’Hexagone.
La question qui sous-tend ce débat est simple : comment la Suède est-elle parvenue à ce résultat ? Ǫuel est le secret de cette transformation, qui a permis de réduire considérablement le nombre de fumeurs tout en prévenant les risques sanitaires associés à la consommation de tabac ?
Le secret de la réussite : une approche multidimensionnelle
Le parcours de la Suède vers une société sans fumée repose sur plusieurs piliers, chacun ayant joué un rôle clé dans cette transformation. Au cœur de la stratégie suédoise se trouve l’introduction d’alternatives à moindre risque, un facteur souvent négligé dans les politiques antitabac traditionnelles.
L’une des solutions phares a été l’introduction du snus, un tabac sans fumée qui se consomme sous forme de sachets placés sous la lèvre. Utilisé depuis des siècles en Suède, le snus a évolué pour devenir une alternative largement adoptée par la
population, en particulier chez les hommes. Aujourd’hui, cette pratique a été modernisée par l’introduction de sachets de nicotine, un produit sans tabac qui reproduit les effets du snus sans les dangers liés à la combustion du tabac. Ces sachets sont particulièrement populaires auprès des jeunes et des femmes, une cible souvent plus difficile à atteindre avec les méthodes traditionnelles de sevrage tabagique.
Cette innovation a permis d’offrir une alternative plus sûre au tabac traditionnel, réduisant ainsi les risques de maladies liées au tabagisme. Ce type d’approche, qui repose sur la réduction des risques plutôt que sur l’interdiction pure et simple, est un élément clé de la réussite suédoise. Dans ce modèle, l’objectif n’est pas seulement de réduire la consommation de tabac, mais de proposer des solutions qui permettent aux fumeurs de réduire progressivement leur dépendance tout en minimisant les risques pour leur santé.
L’importance de l’éducation et de l’information
Mais l’innovation ne s’arrête pas à l’introduction de nouveaux produits. La Suède a également mis en place une campagne d’information et de sensibilisation d’envergure, soulignant l’importance de l’éducation dans la lutte contre le tabac. Selon les experts présents lors de la conférence, il existe une responsabilité sociale importante pour les gouvernements, les professionnels de santé et les entreprises de diffuser des informations sur les risques du tabac et les alternatives disponibles.
L’un des points abordés par les intervenants a été la nécessité de ne pas stigmatiser les fumeurs, mais plutôt de les informer sur les options moins risquées. En France, des initiatives similaires commencent à émerger, notamment à travers des campagnes de sensibilisation sur les alternatives à la cigarette, comme les produits à base de nicotine. Cependant, la France peine encore à intégrer pleinement ces solutions dans ses stratégies de santé publique.
« En France, on analyse le problème de la cigarette par la dépendance que crée la nicotine et on se dit qu’il ne faut pas rendre dépendante notre population. Mais le vrai problème lié à la cigarette n’est pas d’être addict à une substance inoffensive pour l’homme ou presque, mais tous les composants extrêmement toxiques pour l’organisme comme le goudron contenu dans les cigarettes. On ne prend pas le problème dans le bon sens. » déplore Dr. Jean-Baptiste Perney, Médecin et entrepreneur.
Une démarche inclusive et adaptative
Ce qui distingue l’approche suédoise, c’est sa capacité à s’adapter aux besoins de chacun. Plutôt que de se concentrer exclusivement sur la réduction du nombre de fumeurs par des politiques restrictives, la Suède a adopté une démarche inclusive, qui propose des alternatives accessibles et variées. Le snus et les sachets de nicotine sont ainsi devenus des outils de sevrage pour de nombreux fumeurs, tout en contribuant à l’objectif global d’une société sans fumée.
La conférence a également mis en lumière les enjeux sociaux liés à la lutte contre le tabac. Il ne s’agit pas uniquement de santé publique, mais aussi de la manière dont les politiques peuvent affecter différents segments de la population. Les alternatives proposées en Suède ont été particulièrement efficaces auprès des jeunes, un groupe démographique clé dans la lutte contre le tabagisme. En France, il est nécessaire de déployer des stratégies similaires, qui ne se limitent pas à interdire ou à pénaliser, mais qui offrent des solutions adaptées à tous les profils de fumeurs.
Conclusion : un modèle inspirant pour la France ?
Le documentaire et le débat qui l’a suivi ont révélé une réalité frappante : le succès de la Suède dans sa lutte contre le tabagisme n’est pas le fruit du hasard, mais d’une combinaison d’innovation, d’éducation et d’alternatives plus sûres. L’adoption de stratégies similaires en France pourrait bien constituer un levier efficace pour réduire le nombre de fumeurs et améliorer la santé publique dans le pays.
« Aujourd’hui, en Europe, les options sont souvent limitées : arrêter de fumer ou mourir. La Suède prouve, grâce à l’expérience et la Recherche, qu’il existe une troisième voie basée sur la réduction des risques. Et ce sont de nouvelles entreprises qui ouvrent cette voie, grâce à l’innovation. » a expliqué Federico N. Fernandez.
À l’heure où la lutte contre le tabac reste un enjeu majeur, il semble crucial d’explorer de nouvelles voies, de s’inspirer des exemples étrangers et de mettre en place des politiques publiques innovantes. Le modèle suédois, avec son approche multidimensionnelle et inclusive, offre un éclairage précieux sur la manière de concilier innovation, réduction des risques et santé publique. La France pourrait bien, à son tour, trouver dans cette expérience une source d’inspiration pour un avenir sans fumée.