Aujourd’hui sorti du circuit strictement opérationnel de l’aérien, Bertrand Vilmer reste hyper présent sur la scène de l’espace, que ce soit l’espace aérien en général ou l’espace des spationautes, celui qui fait rêver les terriens en mal d’aventure… Il est aujourd’hui le patron du cabinet d’expertise aéronautique Icare et à ce titre, prend la parole régulièrement sur des sujets fondamentaux, des sujets qui mettent en jeu la vie des citoyens du transport commercial ou des acteurs de la vie militaire. Grâce à ses connaissances approfondies du milieu et ses expériences très variées, l’homme a une vision à 360° de toutes les problématiques possibles.
Sa personnalité pragmatique, orientée vers l’efficacité, fait de lui un orateur parfois bref et au langage direct. Cela ne plaît pas à tout le monde, mais c’est sa manière à lui d’asséner des vérités ; car, quand les conséquences de ce qu’elles recouvrent sont des enjeux de vie ou de mort, les vérités sont toujours bonnes à dire …
Alors, pourquoi Bertrand Vilmer est-il un « expert » ?
Petit survol d’un CV à 800 à l’heure !
D’abord Ingénieur aéronautique et spatial (Ecole de l’Air 1979), puis breveté pilote d’essais expérimental en France (EPNER) et en Angleterre (ETPS), Bertrand Vilmer devient aussi pilote de chasse et pilote de ligne, sur hélicoptère et sur avion, totalisant ainsi au final 5500 heures de vol réalisées sur plus de 85 types d’avions et d’hélicoptères.
Ses compétences de pilote de chasse lui permettent de devenir pilote en unité de recherche et de sauvetage dans l’armée de l’air. Une expérience qui ne sera pas toujours une promenade de santé mais qui aguerrit le « casse-cou » et le prépare à tenter des premières en se consacrant à des essais expérimentaux au Centre d’essais en vol, pour les services officiels de l’Etat.
Les années passent et l’expérience s’affine. Le pilote devient responsable d’une promotion de l’Ecole Polytechnique et prend divers postes de commandement en France (commandant en second de l’école de l’air à Salon-de-Provence, puis directeur d’aérodrome et commandant de la base aérienne 107 de Villacoublay). Il va également œuvrer à l’étranger et notamment au Sénégal où il est nommé Chef d’État Major des forces françaises.
Les responsabilités dans l’administration se succèdent : administration centrale de l’état-major des armées, inspection générale des armées, direction du renseignement militaire et attaché au cabinet du ministre de la Défense… Bertrand Vilmer n’est plus seulement un pilote aux fines compétences, il est passé dans la cour des dirigeants, un gestionnaire et un administrateur dont les décisions comptent.
A ce moment-là, sa carrière prend une nouvelle orientation et le secteur privé s’invite dans les structures qu’il dirige. Nommé vice-président d’Arianespace en 2007, il passe 10 ans dans cette entreprise où il participe à la mise en place du site de lancement Soyouz en Guyane et à plus de 100 lancements d’Ariane 5, de Soyouz et de Vega à Kourou et de Soyouz à Baïkonour. Il est appelé alors par l’actionnaire majoritaire (Euromédia) au Conseil d’Administration de la compagnie d’hélicoptères « Hélicoptères de France » HdF, il prend peu après sa direction générale puis en devient président.
Parallèlement à son activité chez HdF, Bertrand Vilmer crée ICARE en 2011 : la motivation pour lancer cette structure est le ressenti qu’il y a un vide à combler dans le domaine de l’expertise aéronautique et spatiale. Ce sera donc l’objet de ce cabinet indépendant, spécialisé dans l’ingénierie de services dans le domaine aéronautique et proposant l’expertise relative aux métiers du secteur. Une branche de l’activité est consacrée au courtage aérien. Icare devient d’ailleurs rapidement la référence en matière de ventes d’heures de vol clefs en mains aux Etats. Le cabinet s’impose donc dans ce paysage souvent complexe pour apporter des réponses et des explications sur des sujets difficiles à comprendre par les non-initiés.
L’ampleur de la tâche pousse Bertrand Vilmer à se dédier uniquement au développement d’ICARE, il quitte alors HdF (2016). L’entreprise se transforme en un groupe d’entreprises, sous le nom d’Icare group, avec la prise de participation dans plusieurs sociétés dans différents secteurs de l’aéronautique notamment dans les drones et dans la maintenance et l’assistance technique sous agrément européens. Bertrand Vilmer se lance ensuite dans une entreprise industrielle de fabrication et de distribution de drones lourds verts et biomimétiques en s’appuyant sur une « technologie de rupture » (on appelle Technologie de rupture une innovation technologique portant sur un produit qui finit par remplacer une technologie dominante sur un marché) en partenariat avec des laboratoires français de niveau mondial.
Avec un panel de produits et services spécifiques du domaine aérien et de l’industrie aéronautique, le groupe et son créateur sont prêts à faire face à de nombreux défis. Cela permet la mise en place de nombreux partenariats avec des entreprises privées et publiques leaders dans leur secteur telles que EDF, ENGIE, International SOS, Capgemini, etc.
Que manque-t ’il maintenant à Bertrand Vilmer ? Il a l’expérience du terrain, la compétence du métier, les moyens technologiques de faire face à toutes les problématiques du domaine. La reconnaissance vient de la justice avec une nomination d’expert de justice près la Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation et la présidence de la compagnie nationale des experts judiciaires en aéronautique et espace français. Un pilote restant toutefois un pilote, le fait d’être membre de l’académie de l’air est une fierté qu’il arbore au même titre que la réussite de sa nouvelle carrière professionnelle…
Quel est le champ d’application de l’expertise de Bertrand Vilmer et qu’en voit-on ?
Bertrand Vilmer est devenu l’expert incontournable des médias en cas d’accident aérien, en effet il fait preuve de pédagogie et de vulgarisation sans tomber dans des assertions sans fondements . Il s’est notamment beaucoup exprimé sur les problèmes survenus au sein du fabricant BOEING, avec plusieurs crashs à peu de temps d’intervalle.
En 2019, l’émotion était forte lorsqu’un Boeing 737 d’Ethiopian Airlines s’est écrasé en Éthiopie quasiment au décollage. Les accidents au décollage sont les « pires », puisque l’avion a le plein de carburant et est proche du sol a une vitesse faible . 157 morts, c’est le genre d’événement qui ne laisse personne indifférent. Les médias du monde entier se sont mobilisés autour de de cet accident, en tentant de comprendre ce qui s’est passé…
En France la presse s’est tournée vers Bertrand Vilmer pour obtenir des indices et analyser la situation. Le journal Midi Libre lui demandait s’il fallait interdire (comme l’avait fait la Chine à ce moment) la circulation aérienne au modèle qui a subi l’accident, le 737-Max 8.
La réponse de Bertrand Vilmer était sans équivoque : « Si ça ne tenait qu’à moi, je clouerais au sol tous les Boeing 737-Max. Je pense qu’étant donné ce qui s’est passé, il faut le faire ». L’avenir lui a donné amplement raison : l’appareil ayant été arrêté de vol -trop longtemps après- pendant 18 mois … après un deuxième accident survenu pour les mêmes causes. Pour lui, les questionnements sur la sécurité du Boeing 737 Max sont essentiels. Une nécessité à laquelle devraient se soumettre les agences de régulation qui n’ont pas joué leurs rôles .
Bertrand Vilmer s’interroge sans concession sur la technologie de l’appareil, sur sa conception, sur sa certification et sur les procédures de traitement des pannes. Là encore la suite lui a donné raison avec la mise en cause de Boeing mais aussi de l’agence fédérale aéronautique américaine ( FAA) par la justice de ce pays.
Dans l’affaire Boeing, l’entreprise est clairement en cause, de même que l’Administration Fédérale de l’Aviation est en cause : pourquoi ?
Nous allons développer un peu le sujet, mais globalement il y a une cause liée à la compétition commerciale entre Airbus et Boeing, ce dernier ayant pris un important retard technologique.
Pour le rattraper Boeing et la FAA font des impasses tant dans le design que dans les process de certifications de son 737 Max…. Philosophiquement, il est toujours très ennuyeux de constater que des vies humaines sont mises en danger « pour quelques dollars de plus… », ce mauvais jeu de mots évoquant une situation qui n’est même pas avérée puisqu’au final, (et au-delà de la tragédie des pertes humaines) il y aura des dommages et intérêts à verser. Le bénéfice ne trouve plus vraiment sa place et on se trouve face à une problématique d’enchaînement d’actions ratées et de non professionnalisme. Ce qui n’incite pas la clientèle à faire confiance aux compagnies aériennes utilisant ses avions.
Bertrand Vilmer pointe d’ailleurs « l’intensité de la compétition à laquelle se livrent Boeing et Airbus entre le 737 et l’A320neo », avec, en sous-titre, une mention particulière aux enjeux commerciaux, énormes. Il faut aussi savoir que le parc aérien en Boeing 737 (quel que soit le modèle de 737) s’élève à 10 000 appareils en cours d’exploitation ou de livraison. Et là les chiffres sont gros, très gros. Ce sont des milliers de milliards de dollars qui sont en jeu et on peut même se demander si les dommages et intérêts pour les vies humaines perdues lors des accidents comptent réellement dans la balance… Comme dans d’autres situations où les acteurs naviguent dans des sphères impensables pour le commun des mortels, peut-être que les personnes décédées dans des accidents d’avion ne sont que des pertes collatérales… On se positionne ici uniquement sur l’aspect financier et le côté dérisoire des sommes à verser contre l’énormité des sommes à encaisser…
Quid de la compétition avec Airbus ?
C’est en 2014 qu’Airbus lance son A320 NEO, un avion innovant et économique en carburant, qui s’inscrit dans une nouvelle génération d’avions de ligne ; une belle réussite qui caractérise la puissance d’Airbus et son positionnement parmi les meilleurs. En effet cet avion est le digne descendant de l’A320 né en 1987, un avion qui déjà avait permis à Airbus de prendre des parts de marché à Boeing et plus encore le précurseur de l’A 321 LR et XLR qui vont créer un segment d’exploitation inédit.
L’A320neo est donc venu challenger le 737 au point qu’il a rempli les carnets de commandes de son constructeur au détriment du géant américain… Le départ du sprint était lancé. Boeing a dû faire évoluer son 737 rapidement, notamment pour consommer moins de carburant. Pour cela il a fallu adapter les moteurs, en changer la place sur l’avion et modifier ainsi l’appareil, en particulier en montant des moteurs qui consomment moins de carburant. Or il se trouve que pour les adapter, il a fallu aussi changer leur place, ce qui donne à l’avion une aérodynamique différente des anciens modèles. La somme de ces modifications a eu des conséquences qui ont été largement sous estimées. Notamment le changement de place du moteur rend l’avion instable à basse vitesse, ce qui entraîne une propension à piquer. Il a donc été décidé de modifier le logiciel des commandes de vol électriques. Ce logiciel aurait dû être réécrit, au lieu d’être simplement amendé pour s’adapter à cet avion qui avait peu de points communs avec l’ancien 737. Le logiciel a été modifié, au moyen d’un “patch” (un patch est une application de code informatique qui modifie un programme pour le corriger ou le compléter, sans changer fondamentalement le programme). De son côté, le manuel de vol, – qui apporte des informations au pilote – a été également légèrement modifié sans prise en compte d’une véritable analyse de pannes.
Défaillances multiples, loi des séries, Boeing est jugé
C’est en cela que l’Administration fédérale de l’aviation américaine aurait dû effectuer un contrôle serré et donner des recommandations au constructeur. Mais là encore, on parle d’argent. En effet, quand il s’agit de lancer un nouveau produit, ce qui était le cas du 737-Max, il faut passer par une procédure de certification ; or cette procédure est coûteuse et longue avec un calendrier incertain. Cette étape a été survolée, les informaticiens ont adapté le logiciel de contrôle en y intégrant un simple « patch” et surtout sans reprendre le processus de certification en totalité.
Concernant l’entraînement des pilotes il y a eu de graves lacunes, en effet le traitement de certaines pannes n’était pas initialement documenté dans la documentation mis à disposition des pilotes. Ce sont les syndicats de pilotes d’Amérique du nord qui se sont interrogés sur les échappées à piquer de l’appareil et qui ont alerté et contraint Boeing à modifier la documentation avec un ajout adapté. Malgré une application stricte de cette procédure l’équipage n’a pas réussi à contrôler l’ appareil lors du deuxième accident. Donc non seulement la procédure de traitement de la panne n’a pas été écrite au départ mais en plus elle était inefficace une fois rédigée.
Tellement inefficace que les équipages d’essais n’avaient pas réussi à contrôler le … simulateur.
On peut donc faire état de nombreuses défaillances à de nombreux niveaux du processus de certification, l’entreprise est en cause et ceux dont le travail est de vérifier la conformité des nouveaux appareils l’est également, à savoir l’administration fédérale.
Car, comme le dit Bertrand Vilmer : « Les enquêtes ont montré que les deux organismes avaient failli, l’un dans son rôle de fabricant, l’autre dans son rôle de surveillant« .
Pour aller plus loin dans l’histoire jusqu’ici désastreuse du 737 MAX, des rebondissements ont été restitués par la presse en juillet 2021. A ce sujet, le spécialiste aéronautique Ken Herbert donne un avis très simple et édifiant qui va dans le sens des positions prises par Bertrand Vilmer : « Boeing est actuellement passé à la loupe, et c’est justifié »
On ne peut pas passer sous silence deux accidents, très proches l’un de l’autre (un an d’intervalle en 2018 et 2019), impliquant le même modèle d’avion et qui ont causé la mort de 346 personnes. Plusieurs enquêtes ont été diligentées et parallèlement à cela, un autre avion du constructeur est à son tour pointé du doigt : le 787 Dreamline, cet avion long-courrier, présente des défauts dont la mise en évidence à entraîné la réduction de la production et un moment son arrêt. Une série noire qui devra pousser cette entreprise mais aussi son administration de tutelle à se réformer en profondeur afin de regagner la confiance des compagnies, des équipages et des passagers.