Alexis Jubert, ingénieur de formation, est à la tête de Seiven, un groupe basé à Rennes qu’il vient de fonder et qui regroupe sept marques spécialisées dans le post-mortem. Entrepreneur dans l’âme, il a patiemment construit son apprentissage avant d’en arriver là, soucieux de prendre le temps de bien faire. Aujourd’hui, la mort est son métier et, en proposant des solutions complètes pour les professionnels du funéraire, il fait ce qu’il a toujours voulu : créer de la valeur tout en étant utile.
Dans les diners en ville, lorsqu’on lui demande quelle est son activité professionnelle, il arrive à Alexis Jubert de répondre « Croque-mort ». Une boutade destinée à détendre l’atmosphère, sans doute parce que le sujet de la mort et de toutes ses incidences concrètes, qu’elles soient émotionnelles, économiques ou culturelles, continue de faire peur à ceux qui souhaitent retarder au maximum le moment de la confrontation finale. Et une plaisanterie qui, beaucoup plus prosaïquement, lui permet aussi d’éluder rapidement la question, car en réalité, cet homme d’affaires a bien des casquettes, pas évidentes à résumer. Il vient d’y parvenir cependant, en rassemblant ses sept marques sous un seul et même groupe : Seiven, une offre complète pour les professionnels du post-mortem, qui va de la conservation des corps jusqu’à l’acheminement des monuments funéraires.
L’aboutissement de 20 ans d’expériences et d’observation
Pour à Alexis Jubert, la création de Seiven, en octobre 2024, est le résultat d’un long cheminement, le début d’une nouvelle aventure amorcée il y a plus de 20 ans. Ce diplômé de l’école d’ingénieur des arts et métiers de l’Ecam à Lyon (en 2000), a toujours voulu être chef d’entreprise, mais il a construit son projet patiemment, conscient qu’il lui faudrait accumuler de l’expérience et des moyens financiers pour arriver là où il le souhaitait. « J’ai toujours voulu arriver là, avec ce groupe. Seiven, c’est l’aboutissement de ce que je voulais pour mon entreprise, en termes d’image, de valeurs, de ce qu’elle représente. C’est le fruit de 20 ans d’apprentissage », confie-t-il. Fraichement diplômé, il ne choisit pas la voie « classique » de l’automobile ou de l’aéronautique, mais se lance dans une carrière internationale durant cinq ans. Puis, il rejoint un grand groupe pendant 12 ans au sein duquel il grandit, jusqu’à rentrer dans le comité de direction et participer à l’actionnariat. « Pour entreprendre, il ne suffit pas d’avoir envie, il faut aussi avoir des moyens financiers, être capable d’investir ».
GPG Granit, 30 millions d’euros de chiffre d’affaires
En 2017, il intègre GPG Granit, une société qui fabrique des pierres tombales. Une simple opportunité : Alexis Jubert ne connait rien au marché du funéraire, mais le dirigeant de l’époque souhaite céder son affaire à horizon trois ans, ce qui correspond aux objectifs du chef d’entreprise en devenir. Au-delà de la réalisation professionnelle et du fait de pouvoir, enfin, prendre à 100% les rênes d’une société et lui donner sa propre direction, celui qui se définit comme « hyper opérationnel », y trouve aussi un sentiment d’accomplissement : « Dans ma carrière jusque-là, j’avais vécu des expériences passionnantes, mais je n’avais pas toujours l’impression de savoir exactement si ça servait à quelque chose. Là, les métiers du funéraire, c’est très concret, très utile. Pour moi, placer l’humain au cœur de mes préoccupations était crucial, qu’il s’agisse des familles, de nos partenaires commerciaux ou de nos collaborateurs ». Depuis 2022, ce marathonien a atteint l’une des étapes de long terme qu’il s’était fixé : être Président Directeur Généralde son entreprise, qui pèse 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mais la course ne s’arrête pas là, au contraire.
Construire un projet durable
Alexis Jubert a poursuivi son développement en s’étendant sur d’autres marchés. En juillet 2024, il rachète Isofroid, fabricant et fournisseur de matériel pour les morgues et les instituts médicaux légaux (tables d’autopsie, matériel frigorifique…), 5M€ de chiffre d’affaires en 2023, 45% des activités d’embaumement du marché français, et une présence en Europe, en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. Avec cet acteur majeur de son secteur, celui du médical post mortem, dans son portefeuille, Alexis Jubert peut désormais proposer une offre complète pour les professionnels du post-mortem, qui va de la conservation des corps jusqu’à l’acheminement des monuments funéraires. Là encore, il s’agit d’un choix mûrement réfléchi, et d’une stratégie élaborée au fil du temps. « J’ai toujours souhaité construire un projet durable, explique-t-il. Quand vous êtes entrepreneur, vous devez anticiper les aléas de l’économie. Il peut y avoir des retournements, comme, dernièrement, le Covid. Aujourd’hui, 100 collaborateurs dépendent de moi, je me dois d’anticiper, me diversifier, pour avoir un groupe robuste et résilient. Henri Bergson disait que l’avenir, ce n’est pas ce qui va nous arriver, mais ce que nous allons en faire. Cette citation est une grande source d’inspiration à mes yeux ».
Un million d’euros investis en recherche et développement
Seiven – le nom est un logatome, c’est-à-dire, un « pseudo-mot » ressemblant à un mot réel, mais n’ayant aucun sens, même s’il désigne bien un ensemble regroupant sept (seven en anglais) marques – propose donc une offre complète pour les professionnels du post-mortem. Basé à Rennes, en Bretagne, le groupe intervient à l’échelle mondiale et n’est vraisemblablement qu’au début de sa croissance. Son directeur le confie : dans les cinq prochaines années, il va soit créer d’autres marques, soit procéder à de nouvelles acquisitions. « Je me demande toujours : à quels besoins des professionnels pouvons-nous répondre ? Du côté de la médecine légale, il y a encore beaucoup d’attentes ». Pour y répondre, Seiven investit chaque année plus d’un million d’euros en recherche et développement et pour pouvoir continuer d’innover. Parmi les terrains d’exploration, on trouve la digitalisation : l’entreprise a été pionnière en mettant à disposition des assistants funéraires un configurateur pour la création de monuments, une première dans le secteur, qui permet aux clients de personnaliser les monuments de manière interactive. Des innovations ont aussi été apportées dans la conception de tables d’autopsie et de salles d’autopsie. Enfin, Seiven explore l’intégration de l’intelligence artificielle dans ses outils pour améliorer l’analyse des données et la réactivité face aux demandes des clients.
« Toujours plus loin », ce pourrait être le credo de cet entrepreneur pragmatique et engagé, qui n’a pas peur de dire les choses comme elles le sont et préférera toujours commettre une erreur, mais avoir tenté, plutôt que d’être resté avec des doutes. « On me dit souvent que je suis exigeant, oui, c’est vrai et je souhaite que toute l’équipe le soit. En étant exigeant, on va chercher la perfection. Cela ne veut pas dire qu’on y arrive, mais on va se montrer ambitieux, curieux, perfectionniste. Et c’est cela qui va nous différencier de nos concurrents ». Seiven elle, vient à peine de naître et est encore au tout début de son existence. Nul doute qu’elle a une très longue vie devant elle.