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« Des Jours Meilleurs » : Valérie Bonneton, l’humour comme instinct de survie

interview de Valérie Bonneton Film Des Jours Meilleurs
Valérie Bonneton actrice dans le Film Des Jours Meilleurs

Avec Des Jours Meilleurs, Valérie Bonneton campe une mère de famille en proie à l’alcoolisme, dans un film poignant… qui parvient pourtant à faire rire. Portée par une tonalité de comédie sociale à l’anglaise, cette chronique de la chute et de la reconstruction s’attache aussi à celles et ceux qui tendent la main : les aidants. Alors qu’elle tourne Laura, une série sur les violences faites aux femmes, l’actrice explore avec intensité les failles et les silences de ces héroïnes ordinaires. Rencontre.

 

Désirée de Lamarzelle : Des Jours Meilleurs parle d’alcoolisme, mais surtout de ce qui peut aider à s’en sortir.

Valérie Bonneton : Oui, ce n’est pas juste un portrait d’alcooliques. Le film montre aussi les aidants, les associations. C’est essentiel de le rappeler : l’alcoolisme est une maladie, une vraie. Ce n’est pas une question de volonté ou de “coup de trop”. Ce que traverse Suzanne, mon personnage, c’est une pathologie, avec tout ce que cela implique.

 

Louis-Julien Petit a coécrit le film, et on retrouve comme dans Les Invisibles, cette spontanéité et ces aidants de l’ombre.

V. B. :Absolument. L’alcoolisme reste une douleur silencieuse. Chez les femmes, c’est encore plus tabou. Elles jonglent entre enfants, boulot, quotidien. Elles tiennent le coup coûte que coûte. Personne pour leur dire « Stop, occupe-toi de toi ». Alors elles continuent. En silence.

 

Qu’est-ce qui vous a marquée dans le scénario ?

V. B. : La solitude. Cette solitude extrême qui mène à la mort parfois. Ce sont des femmes qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas. Elles ne font pas la fête, elles ne boivent pas pour s’amuser. Elles boivent seules, en cachette. Et la douleur des autres, on ne la connaît jamais assez.

 

Le film rappelle – en écho à Simone de Beauvoir –  qu’on ne naît pas alcoolique, on le devient. 

V. B. : Oui, bien sûr. Souvent, ce sont des femmes qui ont vécu des violences, des abus, des chocs profonds. Boire devient une manière de tenir debout. On le devient, c’est sûr. Et parfois, il y a aussi une prédisposition biologique, familiale. Mon personnage se bat pour garder le cap, pour ses enfants. Elle a tout perdu : son mari, sa stabilité. Et comme beaucoup de femmes seules, elle se retrouve à tout gérer. On lui enlève la garde des enfants après un accident. C’est atroce.

 

On juge plus sévèrement les femmes ?

V. B. : Oui, un homme alcoolique, c’est un écorché vif. Une femme, c’est tout de suite honteux. Une femme “ne doit pas boire”. Et pourtant, ce qui est beau dans ce film, c’est ce basculement. Elle est obligée de s’ouvrir, de rejoindre une association pour revoir ses enfants. Et c’est là qu’elle se reconstruit. Grâce aux autres, elle apprend à se regarder autrement. Ce sont ces femmes qui l’aident, qui lui tendent la main, qui l’éclairent. J’ai été très touchée par cette solidarité.

 

Peut-on parler de message féministe ?

V. B. : Oui, depuis MeToo, le regard change peu à peu. Parler de ces femmes qui sombrent en silence, c’est essentiel. Un homme qui boit, il n’a pas à gérer les enfants ou le quotidien. Une femme, si. Elle est attendue partout. Il y a une injustice structurelle.

 

Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. La consommation d’alcool chez les femmes de 35 à 55 ans est passée de 22 % à 28 % en seulement quatre ans.

V. B. : C’est énorme. Et le film résonne avec cette évolution. Il était temps d’en parler.

 

Malgré tout, le film fait rire. Il a ce ton social à l’anglaise. Comment trouver cet équilibre ?

V. B. : Mon personnage n’est pas dans l’humour, mais oui, il y a des scènes de groupe, des situations absurdes. C’est l’humour du désespoir. Celui qui surgit quand on a touché le fond. Parfois, quand il ne reste rien, il ne reste que ça. L’humour, c’est aussi une énergie de survie.

 

La scène où Michèle Laroque refuse un verre interroge notre rapport à l’alcool.

V. B. : L’alcool est partout, c’est culturel, presque sacré en France. Dire « non » est très mal perçu. On se sent obligé de se justifier. Alors que refuser un verre devrait être anodin.

 

On assiste à de nouvelles alternatives avec des spiritueux et des vins sans alcool ?

V. B. : Oui, bien sûr. Ce sont des habitudes à déconstruire. On peut très bien faire la fête sans boire. Dans d’autres cultures, c’est déjà le cas. J’ai voyagé en Inde, zéro alcool, et c’est très agréable.

 

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