Le début de l’année 2025 marque un tournant décisif dans la manière dont les entreprises vont intégrer les principes du développement durable. D’un côté, l’Europe amorce un assouplissement réglementaire avec le paquet « Omnibus », revisitant les ambitions du Green Deal. De l’autre, l’horizon américain s’assombrit avec la réémergence du trumpisme, où le mot « durable » disparaît du lexique gouvernemental. Faut-il y voir les prémices d’un désengagement généralisé ou, au contraire, les signes d’une nouvelle maturité ?
Une contribution de Pierre Maugery-Pons, Vice-Président, EFESO Management Consultants
L’incertitude géopolitique comme accélérateur stratégique
Le contexte géopolitique mondial se complexifie. L’accès aux ressources naturelles fait l’objet d’une compétition de plus en plus forte. La guerre commerciale pèse sur les échanges internationaux et les chaines d’approvisionnement. Elle met en lumière les dépendances de la plus grande zone économique du monde. Les entreprises sont désormais confrontées à une réalité qui dépasse les simples considérations sur le changement climatique. Face à ces nouveaux enjeux, la simplification réglementaire portée par le paquet « Omnibus » et la révision des textes CSRD/CS3D n’indiquent pas un recul, mais bien une phase de consolidation.
L’Europe tente de rendre les exigences plus cohérentes et lisibles, sans en affaiblir la portée. Il ne s’agit pas de relâcher l’effort, mais de sortir d’une logique d’empilement pour permettre aux entreprises de recentrer leur action sur les leviers réellement structurants. Le développement durable est voué à n’être plus porté uniquement par les États, mais par les chaînes de valeur elles-mêmes. Dans ce nouveau paradigme, ce sont les marchés, les clients et les citoyens qui impriment la direction.
De la conformité à la résilience : une bascule structurelle
Les entreprises les plus avancées ne seront dès lors pas celles qui se contenteront d’atteindre des seuils réglementaires. Ce seront celles qui intègreront des enjeux environnementaux et d’économie circulaire dans leurs décisions. Cela suppose un changement de paradigme ou la résilience devient la valeur clé. Les entreprises sont désormais « contraintes » d’engager la refonte des chaînes d’approvisionnement, d’anticiper des risques physiques liés au climat, mais aussi d’intégrer une nouvelle gestion de la rareté croissante des ressources naturelles.
La transition écologique cesse dès lors d’être une externalité. Elle devient une réponse directe aux défis opérationnels, un levier de performance, une composante du risque industriel. Et paradoxalement, plus l’environnement global devient instable, plus ce changement de posture devient nécessaire.
Repenser la performance : le retour en grâce de l’écologie industrielle ?
Il serait illusoire de croire que la transition environnementale est en voie d’extinction. Elle se redéfinit. Elle se réorganise autour de principes plus opérationnels, plus ajustés aux réalités économiques. Dans ce nouveau cadre, des leviers longtemps secondaires reviennent au premier plan. L’écologie industrielle, qui favorise une approche territoriale et vertueuse des cadres de production industriels, est une pratique efficace pour réconcilier performance économique et sobriété des ressources.
En permettant une optimisation systémique des flux de matières, d’énergie, d’eau ou de déchets entre unités de production, cette approche offre un levier puissant de performance durable. Autrefois cantonnée à quelques expérimentations, elle devient aujourd’hui une réponse concrète aux tensions sur les ressources, à la nécessité de relocaliser certaines étapes de production, et à l’exigence de réduction des émissions. Elle permet aux entreprises de transformer une conjoncture incertaine en un catalyseur d’innovation organisationnelle et technique. Il est fort à parier que cette pratique devienne, sans se nommer, le moteur futur de l’action environnementale des entreprises françaises et européennes.
Vers un nouveau pacte de responsabilité
La question n’est plus de savoir si les entreprises doivent s’engager dans la transition, mais comment elles s’y prennent dans un monde fragmenté. Le changement climatique, l’épuisement des ressources et la pression sur les écosystèmes resteront des contraintes incontournables. Mais leur traitement ne pourra plus reposer uniquement sur les États. Les entreprises devront assumer leur rôle, non pas par contrainte, mais parce qu’il en va de leur pérennité. Et si cette ère d’instabilité n’était pas une menace, mais le déclencheur d’un nouveau pacte, plus réaliste, plus stratégique, plus industriel ?
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