Le directeur des gestions obligataires chez Delubac Asset Management, Aurélien Buffault, revient pour Forbes France sur les conséquences de la situation géopolitique actuelle, avec les droits de douanes annoncés par Donald Trump, sur l’épargne des Français et les opportunités à suivre.
Forbes France : Avec les nouvelles décisions économiques, quelle influence exerce le contexte actuel — notamment les chutes boursières et la politique menée par Trump — sur l’épargne des Français ?
Aurélien Buffault : L’épargne des Français repose majoritairement sur le Livret A et l’assurance-vie. Pour le Livret A, son rendement est lié à l’inflation et aux taux directeurs. En période de ralentissement économique, on s’attend à ce que la Banque centrale européenne baisse ses taux (une première baisse est attendue dès la semaine prochaine), ce qui fera diminuer progressivement le rendement du Livret A. Par ailleurs, la politique de Trump pourrait aussi stimuler une hausse de l’inflation, ce qui, à terme — dans un an ou deux —, pourrait faire remonter ce rendement.
L’assurance-vie est impactée de deux manières. D’une part, les fonds en euros, investis principalement dans le marché obligataire, ne répercuteront pas immédiatement ces changements. D’autre part, la partie investie en unités de compte, essentiellement orientée vers les actions, subit directement la baisse des marchés. Les actions ont chuté de 10 à 15 % en une semaine, car les investisseurs redoutent que les mesures économiques actuelles n’entraînent une récession et une baisse des bénéfices des entreprises.
Globalement, il s’agit d’un contexte contrasté où les marchés risqués montrent une forte baisse, tandis que certains indicateurs, comme les prix des matières premières, laissent entrevoir une amélioration du pouvoir d’achat à moyen terme.
Dans ce contexte, quel conseil donnez-vous aux épargnants français pour adapter la stratégie d’investissement ?
A.B : Ce qui est certain, c’est que personne ne peut prétendre connaître la pensée de Donald Trump, qui reste très imprévisible. Les niveaux de droits de douane évoqués semblent être davantage des positions de négociation que des taux réellement tenables à long terme. D’ailleurs, la Chine, premier créancier des États-Unis, a clairement indiqué qu’elle allait réduire ses achats de dette américaine, ce qui accentue la tension sur la scène internationale.
Ces prises de position traduisent une volonté de négociation et de démonstration de force, mais elles laissent aussi entrevoir des compromis futurs (Le président américain a depuis annoncé une trêve de 90 jours sur les droits de douanes). Comme Trump l’a lui-même reconnu récemment en intégrant la Chine dans les discussions, il est probable que la situation évolue et que des opportunités se dessinent. Par exemple, la récente baisse massive sur tous les secteurs pourrait créer des occasions d’investissement, notamment dans des domaines moins vulnérables aux mesures protectionnistes. Le secteur des télécommunications, souvent dominé par des acteurs nationaux, est un exemple qui pourrait offrir des pistes intéressantes.
D’autant que certains résultats trimestriels commencent à se redresser. Nous voyons, par exemple, des entreprises qui publient de bons résultats, en augmentant leurs bénéfices, voire leurs dividendes, ce qui peut justifier une remontée de leur cours. Prenons l’exemple de JD Sport, qui affiche une progression de +10 % aujourd’hui suite à de solides publications.
Mon conseil aux épargnants serait donc de rester vigilants et de surveiller de près l’évolution du contexte international. La diversification des placements est essentielle pour pallier l’incertitude, et il convient de considérer la baisse actuelle des marchés comme une opportunité potentielle de rééquilibrage stratégique à moyen terme.
Quid des valeurs dites refuges ? On constate que le cours de l’or a récemment chuté, alors même que les obligations d’État semblent devenir des placements de plus en plus attractifs pour les épargnants. Pour l’épargnant lambda, ces investissements représentent-ils de bonnes opportunités ?
A.B : Absolument. Parlons d’abord de l’or. Même s’il a connu une baisse de 5 % récemment, il faut rappeler qu’il avait déjà enregistré une hausse significative d’environ 25 % l’année dernière. Aujourd’hui, il revient en force pour établir un nouveau record, se situant autour de 3060 dollars l’once. L’or demeure un placement refuge particulièrement efficace pour se prémunir contre l’inflation, même s’il ne verse ni dividendes ni coupons comme le font certaines actions ou obligations. Il offre ainsi une diversification intéressante, mais reste avant tout une protection patrimoniale.
Les obligations, quant à elles, séduisent dans le contexte actuel. À court terme, par exemple avec des titres à deux ans, elles bénéficient d’un effet positif de la baisse des taux monétaires, jouant pleinement leur rôle de valeur refuge. Pour les obligations à long terme, même si elles peuvent être un peu plus chahutées en raison des incertitudes du marché, elles continuent d’offrir la sécurité d’un placement d’État garanti.
Les inquiétudes actuelles – notamment autour des politiques économiques menées par Trump, qui font craindre une stagflation ou une récession avec une inflation modérée – renforcent l’attrait des dettes d’État. On observe d’ailleurs ces questions de stabilité sur la dette, que ce soit aux États-Unis ou en France. Par ailleurs, il est pertinent d’envisager aussi la dette d’entreprise, surtout dans certains secteurs ou pays ayant une perspective positive, comme certains pays européens où l’on observe une croissance modeste, par exemple autour de 3 % en Espagne.
Lire aussi : Droits de douane : top 5 des emplois les plus vulnérables à l’instabilité économique en 2025
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