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Reportage chez Underdog : l’usine nantaise qui veut industrialiser le reconditionnement d’électroménager

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Reportage chez Underdog : l'usine nantaise qui veut faire passer le reconditionnement d’électroménager à l'échelle industrielle

À Nantes, la start-up Underdog reconditionne lave-linges, sèche-linge, lave-vaisselle, frigos, congélateurs, cave à vin, four et bientôt téléviseurs, en produits prêts à l’emploi — et son modèle industriel séduit investisseurs et distributeurs. Grâce à une nouvelle levée de fonds, elle s’apprête à dupliquer son usine pionnière, avec l’objectif de réparer 6 000 appareils par mois d’ici 2027. Reportage au cœur d’un chantier industriel et écologique ambitieux.

 

Il est arrivé cabossé, défraîchi, flanqué d’un code-barres triste. Un frigo, abîmé lors du transport entre un entrepôt logistique et un magasin, désormais jugé impropre à la vente. Autrefois, sa destinée aurait été simple : direction la benne. Mais depuis quelque temps, un autre scénario est possible : celui du reconditionnement chez Underdog.

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Implantée sur un ancien site industriel nantais – autrefois occupé par un fabricant de canons à neige – Underdog est aujourd’hui un fleuron émergent de l’économie circulaire appliquée au gros électroménager. Chaque jour, deux poids lourds déversent leur cargaison de lave-linges, sèche-linges, lave-vaisselle, congélateurs, cave à vin, fours et frigos comme celui-ci. Tous en litige ou ayant eu une première vie, et tous potentiellement reconditionnables.

 

Une chaîne de production du “re-made”

 

Le parcours de notre frigo cabossé est une parfaite illustration du modèle Underdog. D’abord, le “prédiagnostic” : une équipe de techniciens évalue la réparabilité de chaque appareil. Un tiers des machines sont recalées pour cause de vétusté, de consommation énergétique excessive ou encore de manque de pièces détachées. « Au-delà de 10 ans, on ne prend pas le risque de remettre sur le marché », explique Claire Bretton, cofondatrice de l’entreprise.

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Les autres, comme notre frigo, filent vers les “working stations” pour être démontés, rafistolés et enfin réparés et nettoyés. De 50 postes de travail en janvier, Underdog est passé à 150 aujourd’hui. En moyenne, chaque technicien répare quatre machines par jour, soit environ 700 reconditionnements par mois.

Mais ici, pas de place pour l’à-peu-près. Après réparation, chaque appareil passe un contrôle qualité poussé : tests de cycles, vérification des joints, consommation électrique… « Le moindre défaut visible, le client peut le tolérer, mais un appareil sale ou mal testé, c’est non », assure Claire Bretton.

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Vient ensuite l’étape du nettoyage puis celle du shooting photo, sous trois angles, avec mention explicite des éventuelles rayures ou marques. Le tout est mis en ligne sur le site d’Underdog ou chez des partenaires comme Darty ou Boulanger. Un produit reconditionné s’y vend en moyenne en moins de 7 jours.

 

Une vision industrielle de la seconde main

 

Depuis sa création, Underdog avance avec une vision claire : industrialiser le reconditionné. Et ça marche. Le chiffre d’affaires a été multiplié par cinq entre 2023 et 2024, et les ventes mensuelles dépassent les 600 unités. Objectif fin 2025 : franchir le cap des 1 500 ventes par mois.

Une levée de fonds de 7 millions d’euros annoncée début avril va permettre d’accélérer encore : recrutement de 200 personnes en France, ouverture de nouveaux centres sur le modèle nantais, avec en ligne de mire 6 000 réparations mensuelles d’ici 2027.

Pour accompagner cette montée en puissance, Underdog a lancé depuis un an et demi sa propre formation interne. Elle permet de former entre deux et trois techniciens spécialistes du reconditionnement par mois, avec pour ambition de créer une nouvelle génération de réparateurs “made in France”. Une réponse directe à la raréfaction des compétences dans un secteur en tension.

 

 

Une réponse à l’urgence écologique (et économique)

 

Le potentiel est colossal. Chaque année, 10 millions d’appareils électroménagers sont jetés en France, alors que 40% d’entre eux pourraient être reconditionnés. Et pourtant, seuls 3% le sont effectivement. Le principal frein ? La perception client.

« Il faut convaincre que le reconditionné peut avoir une durée de vie équivalente, avec les mêmes garanties — deux ans chez nous comme pour le neuf — et une économie à la clé, souvent jusqu’à 50% », souligne Claire Bretton. Comptez par exemple 300 à 500 euros d’économie sur un frigo haut de gamme.

Au-delà du prix, c’est aussi l’impact qui séduit une nouvelle génération d’acheteurs. Chaque appareil reconditionné permet de diviser par 16 les émissions de CO2 par rapport à un achat neuf. Un alignement aussi bienvenu avec les politiques publiques : dans le sillage de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) et de l’indice de réparabilité obligatoire depuis 2021, Underdog s’impose comme un acteur clé de cette réindustrialisation “verte”.

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« On est aussi sur du remade in France, ce qui devient un vrai critère dans le contexte actuel d’incertitudes géopolitiques et économiques », ajoute Claire. Sans oublier un levier de plus en plus tangible : l’inflation. Dans un climat où le pouvoir d’achat est sous pression, le reconditionnement prend un tout autre sens. Ce n’est plus juste une option éthique, c’est une décision rationnelle.

Mais revenons enfin à notre frigo cabossé. Il a été réparé, nettoyé, photographié, et il trône maintenant dans l’espace “froid” du site. Dans les prochaines heures, il entamera sans doute sa seconde vie, quelque part en France. Installé dans une cuisine, prêt à accueillir tomates et restes de gratin. Et lui, comme les autres, porte la promesse d’Underdog : « On veut faire du reconditionnement la norme, pas l’exception », résume Claire Bretton. « Et prouver qu’un modèle industriel circulaire peut exister, ici, en France. »

 

De l’e-commerce à l’économie circulaire : la trajectoire singulière de Claire Bretton

 

Le succès d’Underdog est aussi lié à celui de sa fondatrice. Claire Bretton, fille d’agriculteurs, passée par l’ESCP, a navigué entre start-up IA (co-fondatrice de Daco.io) et géants du e-commerce (Veepee). Puis une crise existentielle l’a frappée pendant le Covid : confinée à Noirmoutier, elle décide de co-créer une plateforme pour aider les commerçants à vendre en ligne, avant de se former à l’économie circulaire à Cambridge.

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Avec Jacques-Antoine Granjon, elle cofonde d’abord une structure chez Veepee dans le textile reconditionné (Re-cycle), avant de passer au gros électroménager avec Underdog. « Je n’y connaissais rien en électroménager mais j’ai appris les bonnes pratiques de la seconde main chez Veepee. Ce qui compte, c’est la vision et la rigueur », partage-t-elle.

 


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