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Tech : et si l’Europe construisait enfin son propre modèle gagnant ?

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Tech : et si l’Europe construisait enfin son propre modèle gagnant ?

On entend souvent dire que l’Europe n’est pas l’endroit le plus simple pour créer ou développer une startup dans la tech. Entre régulations exigeantes, financements moins accessibles qu’ailleurs et fortes différences culturelles ou juridiques d’un pays à l’autre, les entrepreneurs européens doivent relever de nombreux défis. Ces obstacles ralentissent souvent la croissance des jeunes pousses et freinent l’émergence de véritables champions européens du numérique. Pourtant, à y regarder de plus près, ces contraintes pourraient devenir les fondations d’un modèle numérique européen original, ambitieux et durable.

Une contribution de Grégory Herbert, CEO de Frisbii

 

Des contraintes réelles : fragmentation et financement en tête

 

Il serait naïf d’ignorer les difficultés bien réelles auxquelles font face les startups européennes. L’une des principales reste la fragmentation du marché : chaque pays européen possède sa langue, ses particularités commerciales, ses règles fiscales et réglementaires. Pour une jeune pousse française, cela signifie devoir très tôt investir beaucoup d’énergie et de ressources pour réussir à s’étendre ne serait-ce qu’à l’échelle du continent. À l’inverse, une startup américaine peut immédiatement viser un marché national homogène, immense, et bien plus accessible.

À cela s’ajoute un autre problème majeur : le financement. Même si les choses s’améliorent progressivement en Europe, les startups européennes continuent souvent de lever moins d’argent que leurs homologues américaines ou asiatiques. Or, moins de financement implique une croissance plus lente, moins d’opportunités de prise de risques, et donc une difficulté à conquérir rapidement des parts de marché à l’international. Résultat : l’Europe a encore du mal à faire émerger des champions numériques capables de rivaliser avec les géants déjà établis sur d’autres continents. Sur les 10 dernières années, les fonds de capital-risque américains ont levé 800 milliards de dollars de plus que leurs homologues européens.

 

Régulation : entre frein initial et potentiel atout stratégique

 

À ces difficultés s’ajoute un cadre réglementaire particulièrement exigeant. Dès leurs débuts, les startups européennes doivent composer avec des textes comme le RGPD, le Digital Markets Act ou encore l’AI Act, dont les contraintes sont loin d’être négligeables. Dans la pratique, ces règles rendent souvent le lancement des produits plus lent, plus coûteux, et complexifient la croissance rapide. Mais derrière ces contraintes, il y a aussi une opportunité réelle : en étant obligées dès le départ à miser sur la transparence, la sécurité et le respect des utilisateurs, les entreprises européennes peuvent bâtir une relation de confiance forte avec leurs clients, notamment sur des marchés sensibles comme ceux de la santé, des données personnelles ou des services financiers.

Des acteurs européens comme Alan dans l’assurance santé, Doctolib dans la prise de rendez-vous médicaux ou Lydia dans les services de paiement, démontrent chaque jour qu’il est possible de transformer ces contraintes en véritables atouts. Leur succès prouve que, loin d’être un simple frein, un cadre réglementaire rigoureux peut devenir une source durable de crédibilité et de compétitivité, aussi bien en Europe qu’à l’international.

 

Transformer les contraintes en force : un modèle européen crédible ?

 

Le défi, désormais, est donc double. D’une part, l’Europe doit améliorer l’accès au financement pour permettre à ses entreprises technologiques d’accélérer leur croissance, de s’étendre rapidement à l’échelle continentale, puis mondiale. Cela passe par des politiques ambitieuses, des fonds d’investissement plus audacieux et une coopération renforcée entre les différents écosystèmes technologiques nationaux.

D’autre part, les entreprises européennes doivent assumer pleinement la spécificité de leur environnement réglementaire. En faisant de ces contraintes une marque de fabrique – synonyme de confiance, de responsabilité et d’éthique –, elles peuvent construire un modèle numérique réellement différenciant. Aujourd’hui, face à la défiance croissante envers les grandes plateformes mondiales sur les questions de vie privée et d’éthique, ce modèle européen pourrait répondre précisément aux attentes des consommateurs.

 

Un équilibre délicat, mais nécessaire

 

Si l’Europe veut jouer un rôle majeur sur la scène numérique mondiale, elle doit donc relever ce double défi : favoriser l’accès à des financements massifs tout en continuant à porter haut ses exigences réglementaires et éthiques. Cet équilibre est fragile et complexe, mais il est aussi prometteur.

Le futur numérique de l’Europe ne se joue pas uniquement dans sa capacité à créer des startups à succès, mais bien dans sa faculté à imposer un modèle alternatif qui allie performance économique, responsabilité éthique et confiance durable. Ce défi ambitieux est peut-être sa plus belle chance : celle de bâtir enfin son propre modèle gagnant.

 


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