Face à l’urgence climatique, des solutions comme la décarbonation ou la sobriété énergétique sonnent comme une évidence. Mais sont-elles vraiment durables ? Génèrent-elles d’autres sources de pollution ? Comment les intégrer dans l’organisation ? L’analyse du cycle de vie (ACV) offre une vision globale de l’impact environnemental d’un produit ou d’un service. Elle éclaire les choix, et s’avère essentielle pour orienter les organisations vers des approches pleinement responsables.
Une contribution de Ségolène CREN, Experte Développement Durable chez Scalian
Pour une approche globale adaptée aux réalités locales
L’analyse du cycle de vie ne consiste pas seulement à se demander : « Cette solution me permet-elle de réduire mon empreinte écologique à l’instant ? » mais plutôt : « Cette solution est-elle adaptée et durable ? ». En somme, face aux défis environnementaux, il est nécessaire de s’affranchir de tous les biais émotionnels et culturels qui peuvent déterminer nos choix de manière inefficace. L’idée que chaque initiative globale est nécessairement transposable à l’échelle locale n’a rien de trivial.
Prenons l’exemple de la voiture électrique : c’est un levier de décarbonation dans de nombreux cas, mais, ramenée à l’échelle locale, sa promotion peut devenir un non-sens écologique. Dans une région où l’électricité produite provient de sources fossiles, la demande générée par ce type de véhicules ne fait qu’augmenter les émissions de gaz à effet de serre liées notamment à l’usage du véhicule. Ici l’ACV joue un rôle crucial, en quantifiant les impacts environnementaux d’un service ou d’un produit tout au long de son cycle de vie. Cette approche multicritères et multi-étapes permettra de mettre en lumière les axes d’amélioration et d’éclairer la prise de décision. Cette vue d’ensemble permet de remettre les choses en perspective lors du passage à l’action et de se poser les bonnes questions. Par exemple : le développement de la voiture électrique ne peut être dissocié de la décarbonation de la production d’électricité.
Par ailleurs, l’Analyse du cycle de vie permet d’éviter un autre écueil trop fréquent dans les politiques écologiques, à savoir, les transferts d’impacts. En cherchant à réduire ses émissions de CO₂ dans un domaine, il est possible d’induire un impact négatif sur d’autres aspects comme l’utilisation excessive des ressources naturelles ou la pollution des eaux et des sols. La dématérialisation est un exemple marquant. Derrière ce processus se cache une réalité bien moins vertueuse, liée au recours massif aux terminaux, aux réseaux et aux serveurs, qui reposent sur l’extraction hautement polluante de matériaux rares.
En fin de compte, l’ACV rappelle une vérité cruciale : ce n’est pas parce qu’une idée paraît vertueuse sur le papier qu’elle l’est dans la pratique, elle doit être adaptée à tous les contextes et à toutes les échelles. Il faut comprendre que la solution parfaite n’existe pas, mais nous devons parvenir à un compromis où différentes approches coexistent sans pour autant sacrifier l’ambition initiale.
Intégrer l’ACV, pour structurer une démarche durable
Si l’Analyse du cycle de vie est un levier pour engager les organisations dans une transition écologique, elle ne constitue cependant qu’un pilier d’une démarche RSE. En effet, portée par les normes ISO 14040/44, elle aborde exclusivement les questions environnementales et non les questions sociales ou de gouvernance qui sont fondamentales aujourd’hui.
C’est pour cette raison qu’il est nécessaire d’équiper l’ACV d’outils complémentaires afin d’intégrer la totalité des enjeux de soutenabilité. Ces outils incluent l’ACV sociale, l’éco-conception et l’économie circulaire, qui permettent de mesurer aussi bien les impacts économiques et sociaux des décisions que leurs impacts environnementaux.
Par exemple, dans le cadre de la transition énergétique d’une entreprise, si celle-ci ne prend pas en compte les effets sociaux de l’exploitation des ressources comme les conditions de travail précaires dans les mines de lithium ou de cobalt, cela crée inévitablement des injustices sociales majeures. La combinaison de différentes approches permettrait d’anticiper ces conséquences et d’orienter la prise de décision vers plus de durabilité.
Encouragées par des consommateurs de plus en plus exigeants et des réglementations nationales et supranationales renforcées comme la directive CSRD, les entreprises font face à des exigences croissantes en matière de transparence et de durabilité.
Bien que l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) soit le pilier de l’ISO 14040 et un outil précieux pour évaluer les impacts environnementaux d’un produit ou d’un service, elle ne peut, à elle seule, répondre à toutes les problématiques. En effet, l’ACV constitue ainsi un point de départ stratégique pour se conformer à ces impératifs tout en posant les bases d’une transformation plus profonde.
Nous devons concevoir nos stratégies de transition durable en intégrant les trois piliers que sont l’environnement, le social et la gouvernance. Si l’on n’envisage qu’un seul de ces aspects, la prise de décision risque de manquer de globalité et de pertinence. L’avenir des démarches durables repose sur cette combinaison des outils et des approches, où une analyse du cycle de vie, complétée de considérations sociales et éthiques, devient un tremplin vers un modèle économique véritablement soutenable.
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