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Quand l’intelligence artificielle redessine les contours de notre intimité numérique

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Quand l'intelligence artificielle redessine les contours de notre intimité numérique

Lors du récent Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, tenu à Paris les 10 et 11 février 2025, des décisions majeures ont été prises concernant l’avenir de l’IA en Europe. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a annoncé une mobilisation de 200 milliards d’euros pour développer une IA plus “humaine” et régulée sur le continent. Parallèlement, les États-Unis et le Royaume-Uni ont choisi de ne pas signer la déclaration finale du sommet, préférant une approche plus libérale du développement technologique. Ces divergences soulèvent des questions cruciales sur la protection de nos données personnelles à l’ère de l’IA générative.

Une contribution d’Amaury De Saint Martin, Associate Partner chez DGA Group

 

La multiplicité des innovations technologiques récentes nous impose une réflexion approfondie. La démonstration stupéfiante de Sora, dernière création d’OpenAI, capable de métamorphoser un simple texte en vidéo d’un réalisme saisissant, illustre cette nouvelle réalité.


 

Les paradoxes de la géopolitique de l’IA

 

Cette réalité prend une dimension particulière à l’heure où les États-Unis et le Royaume-Uni, ces bastions de l’innovation technologique, refusent de signer la déclaration du Sommet de Paris sur l’IA, privilégiant une approche libérale du développement technologique. Pendant ce temps, l’Union européenne mobilise 200 milliards d’euros pour façonner une intelligence artificielle plus “humaine” et régulée. Cette dichotomie dans l’approche occidentale de l’IA n’est pas sans conséquence : elle crée des zones grises dont les acteurs malveillants peuvent tirer profit.

 

L’alliance troublante du progrès et de l’autoritarisme

 

L’annonce des Émirats Arabes Unis d’investir jusqu’à 50 milliards d’euros dans un méga-campus d’IA en France soulève des questions éthiques fondamentales. Comment concilier notre ambition technologique avec nos valeurs démocratiques ? La construction du plus grand campus européen dédié à l’intelligence artificielle par un État dont le bilan en matière de droits humains reste préoccupant nous place face à nos contradictions. Ne risquons-nous pas, en acceptant ces investissements massifs, de légitimer des pratiques que nous dénonçons par ailleurs ?

Cette collaboration pose la question cruciale du contrôle des données dans un monde où les frontières entre innovation et surveillance s’estompent. Les Émirats Arabes Unis, comme d’autres régimes autoritaires, ont démontré leur capacité à utiliser les technologies de pointe pour renforcer leur emprise sur la société civile. En leur donnant accès à nos infrastructures d’IA, ne leur offrons-nous pas les clés d’un système qui pourrait se retourner contre nos propres citoyens ?

Cette évolution fulgurante dessine les contours d’une menace protéiforme. Lorsque Google dévoile son MedLM, capable d’analyser avec une précision chirurgicale des données médicales, nous ne pouvons ignorer le revers de la médaille : ces mêmes capacités d’analyse, détournées de leur usage premier, peuvent disséquer la moindre parcelle de nos vies numériques. Les données extraites d’un simple téléphone portable deviennent alors les pièces d’un puzzle révélant bien plus que son propriétaire n’aurait jamais imaginé partager.

Le voyageur d’affaires se trouve particulièrement exposé dans ce nouveau paradigme. Chaque email, chaque document, chaque métadonnée peut, sous le prisme de ces intelligences artificielles, révéler des stratégies d’entreprise ou des informations confidentielles avec une acuité sans précédent. La frontière entre donnée anodine et information critique s’estompe à mesure que progressent les capacités d’analyse contextuelle des IA.

 

Face à cette réalité mouvante, trois impératifs s’imposent à l’Europe

 

D’abord, repenser fondamentalement notre approche de l’information aux voyageurs. Il ne s’agit plus simplement de conseils techniques, mais d’une véritable éducation à la conscience numérique. Les récentes avancées en matière d’IA générative nous obligent à considérer chaque donnée comme potentiellement sensible.

Ensuite, développer une réponse technologique à la hauteur de ces nouveaux défis. Les solutions traditionnelles de cybersécurité, aussi sophistiquées soient-elles, doivent évoluer vers des approches plus holistiques, intégrant la dimension prédictive et comportementale de l’IA.

Enfin, construire un cadre juridique international qui prenne en compte cette nouvelle donne technologique. L’Europe, à travers son AI Act, pose les premiers jalons, mais la protection des données des voyageurs exige une approche plus spécifique et contraignante.

 

L’enjeu n’est plus simplement technique ou juridique, il est civilisationnel. Il nous appartient, collectivement, de définir les garde-fous qui permettront de préserver notre intimité numérique, sans pour autant renoncer aux promesses de l’innovation technologique. C’est dans cet équilibre subtil que se joue l’avenir de notre liberté de voyager.

 


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