Les activités politiques d’Elon Musk et ses intérêts commerciaux à l’étranger sont désormais profondément liés alors que l’homme le plus riche au monde occupe le devant de la scène au sein du gouvernement de Donald Trump.
Depuis Washington, Elon Musk a assisté au Sommet mondial des gouvernements de Dubaï pour présenter son projet de Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE) à une assemblée de dirigeants mondiaux. « Nous devons supprimer des agences entières », a déclaré l’homme le plus riche au monde, vêtu d’un t-shirt portant l’inscription « Tech Support ».
Avant la fin de l’événement, Elon Musk et Omar Al Olama, le ministre de l’Intelligence artificielle des Émirats arabes unis, ont annoncé que The Boring Company, la start-up du milliardaire spécialisée dans les tunnels, construirait l’une de ses boucles souterraines à Dubaï pour un montant non divulgué. « [Il] va couvrir la zone la plus densément peuplée de Dubaï pour que les gens puissent aller d’un point à un autre de manière fluide », a déclaré Omar Al Olama, malgré le fait que le seul tunnel existant de The Boring Company, dans lequel des Tesla transportent des personnes autour d’un centre de conférence à Las Vegas, est assailli par des intrus et un trafic très réduit.
Plus tard ce jour-là, Elon Musk s’est entretenu en tête-à-tête à Washington avec le Premier ministre indien Narendra Modi. Une fois de plus, la discussion a porté sur la réduction des coûts du gouvernement et sur des sujets (l’espace, la mobilité et la technologie) qui recoupent l’empire commercial d’Elon Musk, comme Narendra Modi l’a déclaré plus tard sur X. Starlink, la société de satellites du milliardaire, cherche à obtenir l’autorisation de fournir un accès à internet sans fil aux 1,4 milliard d’habitants de l’Inde.
Elon Musk occupe un rôle sans précédent : il est la personnalité la plus riche au monde et possède de vastes intérêts commerciaux dans le monde entier, tout en étant de facto le numéro deux du gouvernement de Donald Trump, avec le pouvoir de façonner les questions budgétaires et la politique étrangère des États-Unis. Les possibilités pour Elon Musk d’utiliser sa position au profit de ses entreprises et de s’enrichir sont infinies, que ce soit au sein du gouvernement américain ou avec des dirigeants étrangers, dont il dépend pour l’obtention d’autorisations réglementaires et de contrats. Aujourd’hui, ces dirigeants ont un autre moyen de s’attirer les faveurs du président américain : aider Elon Musk et ses entreprises.
« Il semble qu’il considère son poste à la tête du DOGE comme une grande opportunité de développement commercial », déclare Don Fox, ancien directeur par intérim du Bureau américain de l’Éthique gouvernementale sous la présidence de Barack Obama. « S’il était vraiment déterminé à être un fonctionnaire, il ne participerait pas à ce genre de réunions. En quoi l’efficacité du gouvernement et les rencontres avec les chefs de gouvernement peuvent-elles l’intéresser ? »
La portée de l’empire commercial d’Elon Musk est mondiale. Il y a aujourd’hui quelque cinq millions de voitures Tesla sur les routes, et Tesla contrôle plus de 60 000 stations de recharge dans 51 pays. La société possède des gigafactories à Shanghai et à Berlin, ainsi qu’un projet d’usine au Mexique. Starlink, la société de satellites exploitée par son lanceur de fusées SpaceX, fournit un accès à internet dans plus de 100 pays et territoires du monde entier grâce à son réseau de 7 000 satellites en orbite basse.
D’autres pays, dont l’Ukraine, ont conclu des contrats avec Starlink pour la fourniture d’internet, ou sont en pourparlers avec Starlink pour de futurs accords. Sur son réseau social X, qui compte environ 415 millions d’utilisateurs dans le monde (selon Statista), Elon Musk critique et loue alternativement les dirigeants étrangers et les partis politiques, tout en contrôlant l’algorithme qui privilégie certaines voix par rapport à d’autres.
« Elon Musk est responsable du plus grand scandale de corruption publique en cours, en temps réel, sous nos yeux, en tenant des réunions d’affaires personnelles avec des dirigeants mondiaux depuis la Maison-Blanche, en contrôlant des agences gouvernementales qui fournissent des contrats à ses entreprises et en s’emparant de données gouvernementales qui peuvent lui donner une longueur d’avance sur ses concurrents », a déclaré le sénateur Richard Blumenthal (représentant démocrate du Connecticut) dans une déclaration envoyée par courriel à Forbes. « L’exploitation claire par Elon Musk de sa position dans la fonction publique à des fins d’enrichissement personnel ne peut pas être tolérée. »
Elon Musk pourrait avoir d’autres investissements à l’étranger qui restent un mystère. Il dispose d’environ 9,5 milliards de dollars en liquidités et autres investissements provenant de ventes antérieures de ses actions Tesla. Une partie de cet argent pourrait maintenant se trouver dans des actions ou des parts d’entreprises privées étrangères. En tant qu’employé spécial du gouvernement américain, l’homme le plus riche au monde n’a qu’à remplir un formulaire confidentiel de déclaration financière auprès de la Maison-Blanche, qui ne sera probablement pas rendu public. En réponse à une question sur les conflits d’intérêts, Elon Musk, qui s’exprimait depuis le bureau ovale, a déclaré qu’il se contrôlerait lui-même.
« Compte tenu de l’ampleur de votre pouvoir de mettre en œuvre des politiques administratives radicales et de vos vastes intérêts financiers personnels, le peuple américain mérite de savoir comment vous comptez tirer profit de votre rôle au sein du gouvernement Trump », a écrit un groupe de législateurs démocrates dans une lettre publique.
Rencontrer des dirigeants étrangers n’est pas nouveau pour Elon Musk, et certaines de ces rencontres ne sont pas inhabituelles pour un homme d’affaires qui opère à son échelle. Pendant des années, il a rencontré des responsables chinois, dont le futur Premier ministre chinois Li Qiang, alors qu’il s’efforçait d’obtenir l’autorisation pour Tesla de construire une gigafactory à Shanghai. Le magnat a rencontré des hommes politiques d’au moins 13 pays différents au cours des trois années qui ont précédé la victoire de Donald Trump, a rapporté CNN.
Cependant, certaines rencontres sont moins courantes. Depuis 2022, Elon Musk est en contact semi-régulier avec le président russe Vladimir Poutine, a rapporté le Wall Street Journal en octobre. Il a également joué un rôle important dans la guerre entre l’Ukraine et la Russie en fournissant des terminaux Starlink à l’Ukraine (et en prenant la décision controversée de couper l’accès lorsqu’il a estimé qu’une attaque de drones sous-marins prévue aggraverait inutilement la guerre).
Depuis qu’Elon Musk a soutenu Donald Trump en juillet, il a rempli son agenda de réunions et d’appels avec des dirigeants étrangers. Le 8 novembre, le lendemain de l’élection, il a participé à un appel entre le président ukrainien Volodymyr Zelensky et Donald Trump, comme l’a rapporté Axios. Au cours de cet appel, Elon Musk aurait promis au président ukrainien que ses satellites Starlink continueraient à soutenir l’Ukraine dans son effort de guerre.
Avant l’investiture de Donald Trump en janvier, Elon Musk a rencontré le vice-président chinois Han Zheng. Selon l’agence de presse étatique Xinhua, Han Zheng a affirmé à l’homme d’affaires que la Chine « accueillait favorablement » les entreprises américaines, y compris Tesla, pour « saisir les opportunités et partager les fruits du développement de la Chine ». De son côté, Elon Musk a déclaré à Han Zheng que Tesla était prêt à « approfondir les investissements et la coopération avec la Chine » et à jouer un rôle positif dans « la promotion des interactions économiques et commerciales entre les États-Unis et la Chine ».
La Chine est cruciale pour les activités de Tesla. Les ventes du fabricant de véhicules électriques en Chine ont été multipliées par plus de sept depuis décembre 2019, date à laquelle Tesla a ouvert son usine de Shanghai. En 2024, les clients chinois ont acheté 36,7 % de l’ensemble des voitures Tesla, ce qui fait de la Chine le plus grand marché de l’entreprise, devant même les États-Unis.
L’usine, qui exporte également des voitures vers d’autres pays, produit plus de la moitié des véhicules Tesla. Les coûts moins élevés de la main-d’œuvre et des intrants en Chine ont également stimulé les marges d’exploitation de Tesla, propulsant son action (et la fortune d’Elon Musk) vers de nouveaux sommets. Cependant, la capacité de Tesla à opérer en Chine dépend des relations d’Elon Musk avec les dirigeants chinois.
En novembre, à Mar-a-Lago, le magnat a rencontré le président argentin Javier Milei, un libertaire dont Elon Musk a fait l’éloge à plusieurs reprises. « Mes entreprises cherchent activement des moyens d’investir et de soutenir l’Argentine », a déclaré Elon Musk sur X en septembre. De son côté, car Javier Milei a fait à plusieurs reprises l’éloge du milliardaire, le qualifiant de « visionnaire ».
Lorsque la France et son président Emmanuel Macron ont accueilli des dirigeants du monde entier, dont le président américain élu Donald Trump, pour assister à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame en décembre, Elon Musk était également présent. Lors de son séjour en France, le magnat a rencontré la Première ministre italienne Giorgia Meloni, avec laquelle il cultive une relation étroite. L’Italie serait en pourparlers avec SpaceX au sujet d’un accord de télécommunications de 1,6 milliard de dollars dans lequel Starlink fournirait un service de télécommunications cryptées au gouvernement italien.
Elon Musk s’intéresse également de près à l’Allemagne, où Tesla possède l’une de ses gigafactories. Il a critiqué à plusieurs reprises le chancelier allemand Olaf Scholz tout en renforçant son soutien au parti d’extrême droite AfD. Début janvier, il a accueilli la dirigeante du parti, Alice Weidel, dans une conversation sur X Spaces. Plus tard dans le mois, il a participé à une réunion publique de l’AfD par vidéoconférence. Jusqu’à présent, l’ingérence d’Elon Musk en Allemagne s’est retournée contre lui d’un point de vue commercial : les ventes de Tesla dans ce pays ont chuté de 60 % en janvier par rapport à l’année précédente.
Selon Fox, Elon Musk « n’a pas accepté qu’en devenant un employé du gouvernement, il ne puisse plus opérer comme s’il était dans le secteur privé ». Cependant, jusqu’à présent, il semble que le milliardaire puisse faire ce qu’il veut.
Article de John Hyatt pour Forbes US, traduit par Flora Lucas
À lire également : Les liens entre Elon Musk et la Chine : le plus grand conflit d’intérêts pour le DOGE
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