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Gérer les experts : l’enjeu des filières d’expertise en entreprise

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Gérer les experts : l’enjeu des filières d’expertise en entreprise

En fonction des organisations, la population des encadrants (personnes en responsabilité qui organisent et font fonctionner le système de manière performante) est composée des managers (15%), des chefs de projets (3 à 5%) et des experts (12 à 15%). Petit point d’attention, on estime à 20% de personnes en situation d’expertise non reconnues en France. Dans les études on constate une baisse d’appétence vis-vis du management et cela au profit de l’expertise. Se pose alors la question de la gestion des filières d’expertise.

 

 

Expertise : une réalité et une nécessité

 

L’expert est celui qui a le meilleur tour de main, celui qui sait le mieux faire et qui a engrangé le plus de connaissances de telle manière qu’il saura traiter toutes les situations : celles qui sont les moins connues, les plus difficiles à réaliser et celles qui sont inconnues (qui remettent en cause l’existant). Cette expertise est le résultat d’expériences multiples, répétées et comprises.

Un travail mené dans le cadre de la chaire ESSEC du changement avait montré des cycles professionnels de 3 à 5 ans. Un personne à la sortie de ses études à 20/25 ans va vivre 2 cycles dits de découverte technique professionnelle. A partir de 30 ans, la personne vit 2 ou 3 cycles d’expertise qui consistent à apprendre de manière approfondie un métier et des techniques. A 40 ans, la personne va vivre 2 ou 3 cycles de responsabilités. A 50 ans la personne entre dans les cycles politiques et du pouvoir. Certains restent dans l’expertise et d’autres n’accèdent pas volontairement ou involontairement aux cycles politiques. Selon cette approche, l’expertise se cristallise entre 30 et 45 ans (Source : Autissier D., Derumez C., Johnson K., 2024, NEO CHANGE, EMS).

Les organisations classiques (hiérarchiques et structuro-fonctionnelles) ont mis les experts dans deux catégories : les chercheurs en charge de la R&D (créer ce qui n’existe pas) et les managers (bien connaître un sujet et être en mesure d’encadrer). Mintzberg dans sa représentation schématique d’une organisation propose cinq composantes : Sommet stratégique, ligne hiérarchique, centre opérationnel, fonctions supports et la technostructure (Source : Mintzberg H., 1982, Structure et Dynamique des Organisations, Eyrolles). C’est dans cette dernière catégorie que se nichent les experts qui détiennent un savoir spécifique avec un haut niveau de maîtrise (difficilement imitable).

 

Expert, Manager et PMO : le podium de l’encadrement

 

La révolution IT et de l’agile ont poussé des modèles d’organisation Build & Run. En réponse à un environnement imprévisible et contraignant, il faut multiplier les projets (Build) et augmenter la qualité de la production (Run). Une nouvelle catégorie apparait, le PMO qui a en charge le déroulé d’un projet. L’expert devient alors un méthodologue qui pense, qui modélise et qui norme. Et le manager un technicien qui prend en charge la production et s’assure de sa réalisation de manière efficace et efficiente.

Cette trilogie a longtemps vécu avec en tête le manager qui était la voie royale aux évolutions hiérarchiques dans les organisations. On constate dans les entreprises un manque d’enthousiasme à devenir ou à rester manager et en même temps une volonté à vouloir être expert. La dynamique motivationnelle managériale a quelque peu évolué ces dernières années avec le mythe de l’expertise : Pouvoir exercer son art sans avoir tous les tracas du management, toutes les transactions qui sont épuisantes et non visibles. Aristote différenciait le travail de l’œuvre (celui qui produit des chefs-d’œuvre qui se voient et qui sont valorisants) et le travail domestique (celui qu’il faut faire mais qui n’a pas d’intérêt comme le ménage).

 

L’importance de la gestion des experts

 

L’exigence qualitative, les nouvelles attentes sociétales et l’hyper-compétence de certaines fonctions obligent les entreprises à gérer les experts comme une catégorie dédiée avec leurs spécificités. Plusieurs questions sont régulièrement posées à ce sujet.

Internalisation ou externalisation de l’expertise ? Si l’expertise n’est pas au cœur de l’activité et de son avantage concurrentiel, elle peut être externalisée. Mais très souvent, elle est internalisée avec la question de sa mutualisation.

Comment les positionner ? Faut-il créer des unités d’experts ou les laisser dans les métiers de manière éparpillée. Comme mentionné précédemment, il y a des experts non reconnus qui sont dans l’organisation sans occuper un poste d’expert en titre. Ces derniers sont dans les métiers. Dans une logique d’effet levier, il est conseillé de les regrouper avec une difficulté. Ils aiment être ensemble pour apprendre les uns des autres tout en pensant que chacun est le plus expert.

Comment les manager ? En termes de postures de leadership et de relations managériales, on distingue le DUR, le MOU et le FLOU. Le Dur désigne un mode injonctif avec une demande fermée en termes de résultats à atteindre et de méthodes à employer. Le Mou caractérise un fonctionnement où les résultats attendus sont donnés mais la méthode employée libre. Le Flou est un mode de management où les résultats et la méthode sont laissés à la libre appréciation des collaborateurs. Les experts se gèrent en MOU et FLOU. Il faut leur laisser des marges de manœuvre.

Comment les faire travailler avec les métiers ? La notion privilégiée par l’expert est le projet et le livrable. Il faut définir avec lui une attente et ensuite mettre en place un mode projet avec des étapes et des livrables. Ce qui signifie une compétence de gestion de projet de la part des experts et des métiers.

Comment les faire évoluer et les fidéliser ? Un expert ne se voit qu’en super expert ou bien en star. La définition même de sa raison d’être est l’accroissement de son expertise, sauf ceux qui souhaitent basculer dans les responsabilités et le pouvoir. Ce sont des populations qui aiment être « slasheurs ». Leur permettre de donner des cours ou avoir des actions dans des sociétés savantes est un levier de fidélisation. Leur permettre d’avoir accès à du contenu et des personnes d’expertise est également un levier motivationnel. L’évolution est à trouver dans le modèle du compagnonnage, les compagnons deviennent maîtres avec l’objectif de transmettre aux plus jeunes.

Comment gérer les experts star ? Il faut distinguer les experts et les stars, des personnes qui détiennent un talent unique, inimitable et indispensable. C’est la loi de l’offre et de la demande qui joue dans ce cas. Mais les stars réelles sont très peu nombreuses (quelques personnes) même si beaucoup pensent en être une.

 

Les filières d’expertise se mettent en place dans de nombreuses entreprises avec le souci de leur définition et de leur positionnement pour attirer des talents.

 


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