Les 3e Rencontres Internationales de la Supply Chain (RISC), organisées le 5 décembre, suivies de la Journée mondiale du climat le 8 décembre, nous rappellent l’urgence de décarboner les chaînes d’approvisionnement. Devenue un enjeu sociétal et économique majeur, cette évolution repose sur une gestion rigoureuse des données et une transparence accrue. En adoptant ces pratiques, les entreprises posent les fondations d’un modèle durable.
Une contribution de Yann De Feraudy, Président de France Supply Chain
Dans les secteurs de la logistique et du transport en particulier, la demande pour des chaînes d’approvisionnement responsables ne cesse de croître. Consommateurs et investisseurs exigent des engagements concrets. Une étude de l’Institut CSA révèle que 78% des salariés privilégieraient une entreprise engagée dans la transition écologique, et 42% aspirent à un poste davantage tourné vers l’environnement.
Pour répondre à ces attentes et aux objectifs de l’Accord de Paris, les entreprises doivent réduire leurs émissions de 45% d’ici 2030 et atteindre la neutralité carbone à horizon 2050. Cette transformation requiert une approche méthodique, fondée sur des données fiables et actualisées. Or, moins de la moitié des entreprises disposent aujourd’hui des outils nécessaires pour mesurer et suivre leur performance environnementale. Comment décarboner les chaînes d’approvisionnement de manière efficace et durable ?
La data : le pilier de la décarbonation
La data est au cœur d’une Supply Chain plus respectueuse de l’environnement. Que ce soit pour mesurer les émissions des transports, de la production, des entrepôts ou des bâtiments, chaque étape de la chaîne d’approvisionnement génère des émissions qu’il est possible de quantifier, de réduire, voire d’éliminer. Cependant, la précision de ces mesures dépend de la qualité des données et de leur mise à jour continue.
Les entreprises s’appuient notamment sur le GHG Protocol, cadre de référence pour l’évaluation des émissions de GES, utilisé par l’ADEME pour le bilan carbone en France. Ce protocole distingue trois catégories d’émissions :
• Scope 1 : émissions directes provenant des sources contrôlées par l’entreprise, telles que la combustion de carburant.
• Scope 2 : émissions indirectes liées à la consommation énergétique (électricité, chaleur, vapeur).
• Scope 3 : autres émissions indirectes, notamment celles générées par les fournisseurs et les partenaires logistiques. Ces émissions sont en moyenne 11,4 fois plus élevées que les émissions opérationnelles (Scopes 1 et 2).
Cette classification, reconnue à l’international, est essentielle pour mesurer l’impact de GES. Le Scope 3 est nettement plus difficile à évaluer car il englobe les émissions des sous-traitants et des fournisseurs. L’utilisation de données concrètes, telles que le kilométrage des camions, le taux de chargement ou la consommation énergétique des entrepôts, permet aux entreprises de mesurer leur impact environnemental avec une grande précision. Selon une étude récente du Boston Consulting Group (BCG) et de son entité CO2 AI, seules 10 % des entreprises étaient capables de connaître de façon exhaustive leurs émissions (directes et indirectes) en 2023. Le BCG tire la sonnette d’alarme : 86 % des entreprises ne mesurent pas leurs GES avec précision !
La donnée : le casse-tête de la collecte
La collecte de données fiables est un défi majeur pour les entreprises. Le niveau de maturité numérique varie d’une organisation à l’autre, et l’implication des fournisseurs est souvent inégale. De plus, la diversité des méthodes de calcul, entre données agrégées ou spécifiques et protocoles de transport variés complique encore la tâche. Cette absence de standardisation fragmente le calcul des émissions, ralentissant la prise de décision et la mise en œuvre de stratégies de décarbonation.
Pour relever ce défi, la standardisation et l’automatisation sont essentielles. En intégrant des outils numériques dédiés au bilan carbone à leur ERP, les entreprises optimisent la collecte et l’analyse de leurs données environnementales. Ces solutions peuvent intégrer des informations diverses, comme le type d’énergie utilisé pour le transport, le poids des produits, le taux de retour à vide et la densité des chargements. Les entreprises ayant adopté des solutions numériques automatisées pour mesurer leurs émissions sont 2,5 fois plus susceptibles de le faire de manière exhaustive.
La data : un outil décisionnel essentiel
Disposer de données précises est primordial pour permettre aux entreprises de prendre des décisions éclairées en matière de réduction des émissions. En collaborant avec leurs fournisseurs, il devient possible de mettre en place des solutions à faible impact environnemental, telles que l’optimisation des emballages, la mutualisation des transports et la réduction des espaces vides dans les entrepôts. Intégrer les spécificités du secteur manufacturier dans la stratégie de réduction des émissions rend chaque action plus efficace et mieux adaptée aux besoins opérationnels de l’entreprise. Selon une étude du BCG, 30% des entreprises envisagent de développer l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle dans les prochaines années pour améliorer la précision, l’efficacité et la prise de décision en matière de gestion des émissions.
En France, une mesure encourageante a été mise en place : les transporteurs sont tenus d’indiquer les émissions de CO₂ sur leurs factures. Cette transparence incite à la réduction de l’empreinte carbone. Par exemple, dans le secteur du transport, le chargeur calcule un montant d’émission de CO₂ par expédition en se basant sur plusieurs paramètres : le mode de transport, la distance parcourue, le poids de la cargaison, la densité des produits, les lieux de chargement et de livraison, le taux de remplissage des véhicules, les lieux de transbordement et le type d’énergie utilisé.
La donnée : une nécessité de partage
Réduire les émissions de GES dans la Supply Chain est un défi complexe qui nécessite la collaboration de tous les acteurs, du fournisseur au distributeur. La transparence et le partage de données deviennent alors des éléments incontournables pour avancer vers une Supply Chain bas carbone. Les entreprises peuvent progresser ensemble en s’engageant sur des choix énergétiques durables, en sélectionnant des matériaux écologiques et en mutualisant les ressources.et en partageant les données.
La Supply Chain et ses données comme leviers majeurs de décarbonation et de résilience
Face à l’urgence climatique et aux attentes croissantes des consommateurs et des investisseurs, la décarbonation de la Supply Chain représente un enjeu stratégique majeur pour les entreprises. En intégrant la data au cœur de leur stratégie, les entreprises renforcent leur compétitivité, leur durabilité et leur résilience, tout en contribuant à la construction d’un modèle économique plus responsable et adapté aux enjeux environnementaux du 21ème siècle.
Pour réussir la transition vers une Supply Chain plus respectueuse de l’environnement, les entreprises doivent faire de la gestion des données une priorité absolue. Grâce à une collecte rigoureuse et à une analyse approfondie des données environnementales, il devient possible de quantifier précisément les émissions de gaz à effet de serre (GES) tout au long de la chaîne d’approvisionnement, et ainsi d’identifier les leviers d’action pour les réduire voire les compenser.
Les technologies numériques, telles que les outils de calcul des émissions automatisés et l’intelligence artificielle, offrent des solutions concrètes pour relever les défis posés par la complexité et la fragmentation des données. La mise en place de processus transparents, comme l’obligation pour les transporteurs de communiquer leur empreinte carbone, est un pas essentiel vers une responsabilisation collective et une meilleure traçabilité environnementale.
Source : Livre Blanc France Supply Chain : Quelles data pour le calcul des émissions de CO₂ de la Supply Chain ?
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