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Accélérer ou disparaître : un choix européen

EuropeEuropean flags in front of headquarters of European commission in Brussels in summer day

« Du fait de notre passé riche et complexe, plus étendu, nous peinons donc à adopter le changement rapide imposé par la révolution digitale. La vitesse nous fait défaut ! À l’inverse, les États-Unis, avec leur histoire plus compressée, ont embrassé le numérique presque  »naturellement », se donnant ainsi une avance de 15 à 20 ans sur l’Europe. »

Une contribution d’Alain Garnier, Président et cofondateur de Jamespot

 

Au seuil de l’ère digitale, L’Europe marque le pas. En suivant la chronologie de son histoire longue et riche, elle concentre aujourd’hui ses efforts sur sa souveraineté alimentaire, énergétique et industrielle, négligeant le fait que, demain, la croissance de l’ensemble de ces secteurs reposera sur le numérique. En confiant nos données les plus précieuses à des puissances étrangères plus agiles et réactives, c’est en réalité notre avenir économique que nous condamnons. La menace n’a rien d’anodine : sans un sursaut vigoureux et immédiat, l’Europe pourrait se muer en un nouveau tiers-monde.

 

L’Europe :  un temps de retard, lié à son histoire

Depuis 2002, l’Europe perd du terrain face à une Amérique numériquement dominante, avec un PIB en berne. Cet écart grandissant, d’environ un point par an, n’est pas un simple trou d’air ; il est le reflet d’une longue histoire de l’humanité. Cela fait des millions d’années que nous mangeons, 300 000 ans que nous allumons du feu, plus de deux siècles que nous avons fait notre révolution industrielle, alors que le numérique n’est apparu que depuis environ 50 ans. Il est donc naturel que les sociétés européennes, où l’on se réfère encore aux Lumières, aient pris plus de temps à intégrer et à réagir à cette nouvelle donne. Nous appliquons aujourd’hui à notre souveraineté cette chronologie : alimentaire, énergétique, industrielle.  

Du fait de notre passé riche et complexe, plus étendu, nous peinons donc à adopter le changement rapide imposé par la révolution digitale. La vitesse nous fait défaut ! À l’inverse, les États-Unis, avec leur histoire plus compressée, ont embrassé le numérique presque « naturellement », se donnant ainsi une avance de 15 à 20 ans sur l’Europe.

 

Une Europe qui doit accélérer

Nos sociétés, déjà fragilisées par des années de sous-investissements dans la nouvelle économie, peinent aujourd’hui à rivaliser avec les géants américains qui ont rendu les barrières à l’entrée presque infranchissables. L’effet de cette domination se ressent sur l’ensemble de notre économie : le numérique, loin d’être un secteur parmi d’autres, est devenu le moteur principal de la création de valeur et d’emploi dans tous les domaines. Cette situation souligne la nécessité pour L’Europe de comprendre ce qui se joue et d’accélérer sa transition, pour combler son écart et réaffirmer sa position sur l’échiquier mondial.

Or, force est de constater que les choix de nos gouvernements sont dictés par une quête immédiate de solutions économiques de réduction des déficits. En France, les récentes coupes budgétaires dans l’écologie, l’enseignement supérieur, la recherche et le numérique démontrent la difficulté de nos dirigeants à prendre la véritable mesure des défis qui nous font face.

Or, nous connaissons les conséquences d’une telle politique. Dans l’univers du transport, de la distribution ou encore de la publicité en ligne, l’ascension fulgurante de Uber, Amazon, Google ou encore Meta, pour ne citer qu’eux, a déstabilisé les modèles traditionnels, sans que l’Europe ne parvienne à offrir une alternative crédible ou à en canaliser les impacts. Plus récemment, l’avènement de la voiture électrique, devenue un simple « logiciel sur roues », rend nos constructeurs européens dépendant des technologies et systèmes d’exploitation conçus hors de nos frontières. Dans tous les secteurs, nous nous laissons déborder, privilégiant des mesures palliatives plutôt que de mettre en place des stratégies de fond industrielles & numériques.

 

Éducation, innovation et régulation : le trio gagnant

Notre souveraineté numérique est bien plus qu’une nécessité économique ; elle est impérative pour préserver notre mode de vie, notre culture et nos valeurs. Nous devons prendre la mesure du temps ! L’innovation doit être au cœur de ce renouveau. Il est essentiel de créer sans attendre un environnement favorable à l’émergence et à l’expansion des entreprises technologiques industrielles européennes. Cela passe par un accès facilité au financement, des achats publics massifs, un rééquilibrage de la concurrence faussée du secteur numérique, mais aussi par des réglementations qui protègent les offreurs de solutions face aux géants américains. L’autre clé de cette transformation réside dans l’éducation. Nous devons investir massivement dans l’apprentissage des compétences numériques, et ce, dès le plus jeune âge. Seule une population éduquée et consciente des enjeux du numérique pourra relever les défis qui nous attendent. Aujourd’hui un dirigeant d’entreprise pense que la baisse des charges sociale est un levier fort de compétitivité, demain il devra d’abord mettre la capacité de performance et d’innovation du numérique y compris avec une main d’œuvre plus qualifiée comme priorité à son agenda.

Nous sommes à un moment charnière de notre histoire. Nous possédons les capacités intellectuelles, culturelles et économiques pour nous réinventer. Mais bâtir une Europe forte, indépendante et leader dans le domaine du numérique nécessite une détermination politique, ainsi qu’une collaboration étroite entre les États membres, les entreprises, les institutions éducatives et la société civile. C’est un défi immense, mais aussi une chance historique de redéfinir notre avenir. La question demeure : sommes-nous prêts à le relever ?

 


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