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Le 49.3 Vide De Sens

© Commons. Wikimedia

Dégainé pour la quatrième fois du quinquennat ce mardi, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution fait résolument office, à juste titre, de « repoussoir » pour la démocratie représentative. Considéré initialement comme « une mesure d’exception », le 49.3 est-il en train d’être vidé de sa substance ?

« Passage en force », « déni de démocratie », « aveu de faiblesse », les dépréciatifs pour qualifier le recours au 49.3 sont légion. Pour la quatrième fois en quatre ans, série en cours, Manuel Valls a engagé la responsabilité de son gouvernement – les deux fois précédentes pour la loi Macron- afin d’entériner, sans débat et surtout sans vote, le très contesté projet de loi travail porté par Myriam El Khomri.

Souvent utilisée pour éviter l’enlisement des débats au Parlement, la mesure, comme évoqué en préambule, perd de son essence à être brandie à chaque blocage. De recours ultime, elle est devenue simple alternative. Et ce second souffle, le 49.3 le doit au gouvernement de Manuel Valls, tant l’article était tombé en désuétude ces dernières années, sa dernière utilisation remontant au gouvernement Villepin et au « fameux » CPE qui succombera aussi vite qu’il était apparu sous les coups de boutoir de la rue et de l’opinion.

Michel Rocard, utilisateur compulsif

En effet, ni François Fillon, ni Jean-Marc Ayrault, prédécesseur de Manuel Valls à Matignon, n’ont eu recours à cet article. Le « champion incontesté » en la matière demeurant Michel Rocard qui, en trois ans rue de Varenne (1988-1991) a engagé la responsabilité de son gouvernement à 28 reprises, notamment pour des textes restés dans les annales comme celui relatif à la création du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ou la loi instituant la régie Renault. Visiblement désireux de suivre le sillon tracé par son « père en politique » disparu ce samedi, l’ancien maire d’Evry s’est ainsi arrogé la seconde marche du podium en matière d’utilisation frénétique dudit article.

Pourtant, Manuel Valls et François Hollande, encore davantage, n’avaient pas la même appréciation du 49.3 lorsqu’ils étaient de « simples opposants », nichés dans les travées du Palais Bourbon. Ainsi, l’actuel président de la République a longtemps été un véritable pourfendeur de cette disposition. « Le 49.3 est une brutalité, est un déni de démocratie, une manière de freiner ou d’empêcher le débat parlementaire », avait vitupéré celui qui n’était alors « que » premier secrétaire du Parti socialiste, vent debout contre le CPE de Dominique de Villepin en 2006. Un vocable qui fait étrangement écho aux propos, hier soir, de Christiane Taubira. L’ancienne garde des Sceaux estimant que le procédé abaisse la démocratie, qui devient, dès lors, « un astre mort».

Si l’on peut considérer, selon le célèbre adage, que les paroles s’envolent et que seuls les écrits restent, Manuel Valls a franchi une marche supplémentaire dans la dénonciation du 49.3 se rendant coupable de « rétropédalage » dans les règles de l’art. Alors simple député de l’Essonne en 2008, le maire d’Evry a signé un amendement, dans le cadre de la réforme constitutionnelle, en compagnie notamment d’Arnaud Montebourg, qu’il expulsera du gouvernement en 2014, pour réclamer une abrogation pure et simple de l’article 49 alinéa 3 de la  Constitution, sauf pour les textes budgétaires. L’amendement sera évidemment rejeté.

Capture Amendement

Dès lors quelles alternatives pour encadrer le 49.3 ? Certains députés Les Républicains ont émis une proposition en ce sens, hier. Prenant acte, selon leur propre prose que « le  49.3 participe sans conteste à la stabilité de notre régime et permet, le cas échéant, de dépasser les écueils du parlementarisme, et en particulier, les stratégies d’obstruction menées par l’opposition », ils proposent que « l’engagement de responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote d’un projet de loi ou d’une proposition de loi aux sessions ordinaires seulement, soit entre octobre et juin ». Une doléance louable qui risque toutefois de tomber aux oubliettes, échéance électorale à venir oblige, et parce qu’il convient de ménager l’avenir, surtout en cas d’alternance.

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