@realDonaldTrump. Le compte le plus célèbre du moment. Twitter peut-il être utilisé de manière efficace par un homme ou une femme politique ?
Donald Trump a réussi à résoudre cette équation et son compte a été l’une des précieuses briques qui lui a permis de s’ouvrir les portes de Washington.
Il le reconnaît d’ailleurs lui-même dans un entretien avec la chaîne CBS quelques jours après sa victoire : « Le fait que j’ai un tel pouvoir en terme d’audience sur Facebook, Twitter, Instagram, etc, je pense que cela m’a aidé à gagner tous ces (Etats) où [mes adversaires] dépensaient beaucoup plus d’argent que moi ».
Mais quel usage de Twitter fera donc Donald Trump une fois installé dans le bureau ovale ? Troquera-t-il le volubile et provoquant @realDonaldTrump, suivi par 16,4M de personnes, pour le plus institutionnel @potus garni de 12,3M de followers ? Eléments de réponse.
@realDonaldTrump, un média à part entière
Donald Trump a animé la campagne américaine en bluffant tous les commentateurs par sa capacité à utiliser Twitter comme une arme de communication massive et performante. Loin des tweets ternes et plats des politiques, il a bâti sa propre grammaire autour de quelques grands principes.
Depuis le milieu de l’année 2011 (il s’est inscrit en 2009), Twitter est son canal privilégié de communication, il l’utilise comme un média à part entière comme pourrait l’être un journal à son nom. Il commente, insulte ou éructe le tout-venant sans aucun filtre, n’hésitant pas à manier à dessein l’outrance comme le montre ce tweet destiné à railler Arianna Huffington.
Pendant la campagne, chacun de ses tweets générait plusieurs articles. Factuels ou de décryptages, négatifs ou positifs, peu importe puisque l’on parlait de Trump et de ses déclarations.
Grace à la caisse de résonance offerte par les médias traditionnels, Twitter lui a ainsi permis de diffuser ses positions ultra-clivantes et démagogiques en évitant le plus souvent le filtre journalistique du décryptage et de l’analyse. Il a ainsi mis à l’agenda médiatique les thèmes qui lui étaient chers et a cadré les débats en obligeant ses adversaires à se positionner par rapport à lui.
Ce tweet accusant les démocrates d’être à l’origine de Daech l’illustre bien. Il met à l’agenda la problématique islamiste, dénonce l’incompétence de ses rivaux et les force ainsi à lui répondre et à s’engager sur le terrain qu’il a choisi.
Twitter ou l’art de la persuasion
Mais @realDonaldTrump ne serait rien sans les slogans et les formules qui claquent. Donald Trump avait ainsi testé son « Make America Great Again » sur Twitter dès 2012. Il a surtout très vite mis à profit l’art rhétorique aristotélicien. Ses messages de 140 signes sont ainsi construits en trois séquences d’une redoutable efficacité via le logos (appel à la logique), l’ethos (à la crédibilité) et le pathos (à l’émotion).
Simples comme des syllogismes, ses tweets donnent l’occasion au plus grand nombre d’être d’accord. Ce tweet publié quelques jours après son élection l’illustre bien. Alors que des milliers de manifestants défilaient dans les plus grandes villes du pays pour protester contre son élection, qui lui enlèverait la légitimité démocratique des urnes ?
Une grammaire duplicable au Trump Président ?
Cette grammaire trumpiste bien particulière (maîtrise du medium, mise à l’agenda, cadrage, persuasion) a donc fait la réussite du candidat Trump. Grâce à un art certain du timing et de la punchline – il écrit les tweets énervés, son équipe écrit les tweets calmes, Twitter a contribué à faire de l’outsider qu’il était le futur président des Etats-Unis.
Alors qu’il avait ralenti ses prises de parole sur Twitter, notamment sur injonction de son staff de campagne dans les dernières semaines précédant le vote, Donald Trump est revenu récemment en trombe sur le réseau social, s’en prenant directement au New York Times et posant ainsi certaines questions en matière de liberté d’expression.
Il s’est même mêlé de la politique étrangère – et intérieure – du Royaume-Uni en encourageant le gouvernement britannique à nommer ambassadeur aux US le leader du UKIP, Nigel Farage.
@realDonaldTrump a t-il intérêt à rentrer dans le rang ?
Si la persuasion et l’outrance sont des armes de conquête du pouvoir, ce sont néanmoins des qualités que l’on imagine moins chez un Président en exercice. Les exigences de la fonction, notamment au niveau diplomatique et du respect des checks and balances, laissent moins de place aux élucubrations en tout genre. Conscient de l’enjeu, il a d’ailleurs affirmé dans un entretien à CBS dimanche 13 novembre qu’il « allait devenir très modéré » sur Twitter. Mais trois semaines plus tard, force est de constater qu’il ne s’est pas assagi, bien au contraire. Ses récents tweets sur le drapeau américain, le décès de Fidel Castro « Fidel Castro is dead! » ou le recomptage des voix au Wisconsin le confirment tant est si bien qu’il crispe dans son camp et est accusé par le New York Times d’abaisser la présidence.
Néanmoins, doit-il vraiment se soumettre au politiquement correct qu’il n’a pas cessé de dénoncer ? La question se pose réellement car les bénéfices en terme de communication d’une approche plus consensuelle de Twitter ne sont pas évidents.
En effet, Donald Trump a plutôt intérêt à conserver sa liberté de ton. C’est une part substantielle du personnage qui a séduit les électeurs. La transparence et l’apparente honnêteté avec lesquelles il partage ses pensées ou certaines nominations le rapproche de ses électeurs autant qu’elle ringardise le conformisme et la culture du secret propre aux élites de D.C. Cette franchise rassure et permet même de renforcer et d’accréditer l’image d’un président connecté et sensible aux inclinaisons du peuple américain.
Le réflexe premier serait de limiter au maximum l’activité de @realDonalTrump et de reprendre le @potus d’Obama. Mais autant se rendre tout de suite à l’évidence, Donald Trump a tout intérêt à garder son compte twitter actif. C’est sa part de vérité et même un part de sa légitimité. En 2016, Trump sans twitter n’est plus Trump comme en témoignent ses récents tweets sur la Chine ou Air Force One. Son compte twitter est le garant de son indépendance vis-à-vis des lobbys qui prétendent dorénavant prendre le contrôle de la Maison Blanche. Autant donc devenir le premier Twitter-Président avec les risques de tweetfail que cela implique que de se laisser enfermer dans une tour d’ivoire, fut-elle siglée du nom de Trump!
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