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A table avec Forbes – Orgueil (et presse-purée)

Le restaurant Orgueil, côté bistrot

Dans le 11e arrondissement de Paris, chez Orgueil, Eloi Spinnler et son équipe déploient une cuisine axée sur le zéro déchet, avec audace et grande intelligence. 

On se demandait donc de quel bois se chauffait – pour de vrai – le chef-vidéaste-entrepreneur Eloi Spinnler, 29 ans. C’est-à-dire qu’on voyait le jeune chef partout : sur nos fils Instagram à donner ses astuces de cuistot à ses 190 000 followers ; et sur YouTube, à cuisiner pour les vidéastes Squeezie ou McFly & Carlito. La presse, de son côté, a fait de son restaurant Orgueil, une des adresses bistrono-gastronomiques les plus cools de Paris. Rendez-vous est donc pris au 6 de la rue Popincourt, dans le non moins supra-cool 11e arrondissement de la capitale. 

D’abord, la déco y est superbe – fruit du travail du cabinet Friedmann & Versace. On traverse la salle bistrot tout en longueur – qui sert une cuisine pleine d’assiettes à partager très séduisantes -, et on arrive au fond du restaurant, directement dans la cuisine. Là, on nous demande un mot de passe (facétie marrante mais très très accessoire) pour traverser un bout de fourneaux et se retrouver dans un speakeasy de dix couverts, caché derrière une glace sans teint, ouvert sur la cuisine et le spectacle de nos acteurs du soir, affairés à nous faire plaisir, avec Spinnler à la mise en scène. Ici, la cuisine, si elle garde ses racines bistrotières, tire vers le gastronomique, le vrai, le grand, le beau. Pas d’assiettes à partager, mais un gargantuesque menu en sept temps. Un exercice dans lequel le gérant des lieux, formé à Ferrandi (le Harvard des cuistots) et passé par le Dorchester de Ducasse à Londres, et le Plaza Athénée à Paris, a quelques repères. Les recettes sont dans l’air du temps – ou modernes, on ne sait plus vraiment qu’en dire : produits locaux, et surtout zéro déchet, conçues par Eloi, aux côtés d’Antoine Henry – sous-chef des lieux depuis octobre 2022, et passé chef en janvier dernier. 

Pendant la dégustation, on appréciera le spectacle fascinant et presqu’hypnotique des cinq fourmis cuisinières, qui valsent dans une rumeur étouffée d’un côté et de l’autre de leurs postes, rythmé par leurs frénétiques coups de chiffon  – un bon plan de travail, est visiblement un plan de travail impeccable. 

Temps 1 – Truite en gravelax, betterave, graine de sésame et pointe de cream cheese

Rien de surprenant, mais très efficace. Une recette qui montre moins l’hubris de la maison que la volonté de ne pas passer pour des amateurs.

Temps 2 – Champignon cuit dans du miso, graines de moutarde et crème de petits pois

 Ici, nous pensons que la meilleure place du miso est dans une soupe et qu’il devrait y rester. Jamais personne ne nous a convaincu du contraire, et ce n’est certainement pas cette fois que ça va changer. La seule déception du repas. 

Temps 3 – Espuma d’ail des ours, poudre de citron brûlée 

On retrouve dans cette recette l’esprit de la maison — surprendre sans choquer. Le tout avec cette obsession de ne rien vouloir gaspiller – il vous reste des peaux de citron ? on les crame et on en fait un condiment. La fluide douceur de l’espuma est parfaitement relevée par l’amer tonitruant de l’agrume roussie. C’est malin et revigorant. 

Temps 4 – Purée au beurre fumé, jaune d’oeuf, rhubarbe et vinaigre de sureau

Avec ce plat, Spinnler offre une nouvelle preuve que le fumé est bel et bien la saveur la plus fantastique qui soit. Et qu’une purée construite avec un beurre embué dans un foin en combustion est une façon de recentrer tous les accords du monde sur leurs notes fondamentales. La rhubarbe et le sureau nous susurrent les quelques mots d’amour nécessaires pour accompagner la bande-son de ce tube planétaire. Si on était des ringards, on appellerait ça un « banger ».

Temps 5 – Filet de barbue, sabayon, pamplemousse

Terrible arrivée pour ce magnifique poisson, car vraiment, on avait envie de reprendre de la purée. Mais l’animal est magnifique, la chair ferme et délicate avec quelque chose de sucré qui reste sur la langue. La bête et l’agrume forment un alliage simple mais enchanteur. 

Temps 6 – Selle d’agneau farcie, risotto d’épeautres, vinaigre de pomme façon balsamique

La cuisson de la viande est sûre d’elle – tout comme le morceau en lui-même. On est ici dans une cuisine moins moderne, mais puissante – l’agneau n’a guère le temps pour la douceur et la chaleur des bas de laine, mais ça nous va très bien. Le risotto, tout juste croquant, fait un travail remarquable.

Temps 7 – Pavlova, vanille de Madagascar et fraises. 

C’est sympa la pavlova, mais on ne vendrait pas son âme au diable – ni même la louerait en Airbnb pour les JO -, pour ce dessert qui se la pète un peu. C’est bon, hein, mais voilà, on préfère les crumbles.

Accord mets-vins 

Six verres nous ont accompagné tout au long du repas, et vraiment ne pas l’avoir pris aurait été une erreur. La réflexion autour de l’association entre les jus et les plats valait vraiment le détour. Mentions spéciales pour le crémant de l’entrée (Elégance de Jérôme Arnoux, Jura), le vin orange qui accompagnait le barbue (Uivo cortdio, vignoble de Folias de Baco, dans la région du Douro), et le bordeaux servi avec l’agneau (Chateau Dauzac, Haut-Médoc).

 

L’avis de Forbes Quasi inoubliable : c’est bien, vraiment très bien. Ce qu’il faut de surprenant, sans être outrancier  – bref, on nous ouvre le chemin à prendre à travers bois en ayant l’élégance de retenir les branches de ronces. On est assez bluffé par la qualité gustative, en sachant cette obsession permanente de ne rien gaspiller. L’expérience est réjouissante, l’assiette délicieuse, le choix des vins vraiment engageant – et le service très agréable. Le tout offre un rapport qualité-prix (74 euros et 42 en plus pour l’accord mets-vins) qui, pour un menu en sept temps, est assez proche du prodige. 

 


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