L’Observatoire des slogans a analysé près de 300 signatures de start-up. Résultat : les jeunes pousses utilisent une langue simple, descriptive et terre à terre, bien loin de l’esprit d’innovation qui fait leur singularité.
Il y a l’injonction : « boostez vos notes comme 1 million d’élèves » (Kartable). Le credo : « in code we trust » (Simplon). La connivence : « ensemble, faisons crédit aux PME » (Lendix). Benjamin Cambresy, créateur de marque pour Fondamenti, a été sollicité par Sous le logo, base de données et maison mère de l’Observatoire des slogans, pour analyser les signatures de près de 300 start-up. Les signatures étudiées ont toutes été créées entre 2010 et 2016, et l’échantillon de start-up a été composé à partir de deux classements (palmarès du Point et classement Fast500 de Deloitte) et d’une veille sur les médias Maddyness et Frenchweb.
Des signatures descriptives
« Je m’attendais à trouver des signatures originales, qui reflètent l’esprit novateur des start-up, indique Benjamin Cambresy. Elles sont en fait globalement très descriptives. » Ainsi, Qwant est un « moteur de recherche qui respecte votre vie privée », Evaneos propose « votre voyage 100 % sur mesure », Homeless Plus est « l’application gratuite engagée contre l’exclusion sociale et le gaspillage ».
Selon l’étude, « la tendance la plus évidente qui apparaît est l’emploi d’une langue très simple et très directement évocatrice du métier ». Les start-up semblent vouloir expliquer dans leur slogan – qui est souvent la signature et la bannière de leur site internet – quel est leur métier, ce qu’elles proposent, quelle est leur cible. « Il y a chez elles une volonté d’être exhaustives dans leur présentation », constate aussi Benjamin Cambresy. Cela conduit les start-up a utiliser plus de mots (5,4) que les entreprises classiques (5,1).
Conséquence, 40 % des signatures sont descriptives, avec quelques variantes : « simple » (« on recrute ! », staffMe), « complexe » (« la solution de billetterie pour tous les organisateurs d’événements », Weezevent), ou encore « mode d’emploi » (« louez les voitures d’à côté », Drivy). Pour Benjamin Cambresy, cette volonté de décrire ce que fait la start-up s’explique aussi par leur manque de moyens : « Les très jeunes pousses n’ont souvent pas le luxe de se payer des campagnes de communication ou des relations presse. Elles souhaitent donc faire passer immédiatement leur message le plus clairement possible au travers de la marque, la signature, le logo, mais aussi le nom qui sont souvent chargés de signification. »
Des start-up contaminées par la « pitchite »
Si la signature est à la fois slogan, identité, et explication, peu de place est laissée aux jeux de mots et à la créativité. « Le problème est de vouloir faire comme les entrepreneurs qui ont réussi, avoue Benjamin Cambresy. Typiquement, les sites internet des start-up se ressemblent tous. L’étude nous a permis de constater qu’il existe des schémas prégnants dans la création des signatures de marque. »
Ce mimétisme existe aussi dans le parcours même de la start-up. En passant par des incubateurs ou des accélérateurs, les start-up bénéficient d’un coup de pouce non négligeable, mais prennent le risque de toutes utiliser la même méthodologie. « Dans les incubateurs, on passe beaucoup de temps à s’auto-définir, ce qui crispe un peu la langue, selon Benjamin Cambresy. Le choix du nom se fait alors de manière un peu scolaire. Les start-up sont également contaminées par la pitchite. » Le pitch aurait pris la place des slogans des entreprises classiques. Cet exercice consiste à résumer en quelques phrases la globalité de la start-up, de son histoire originelle (le story-telling) à son concept en passant par ses cibles et son modèle de développement.
Parmi les termes appréciés des start-up : Beyond, company, smart, make et clic
« Chez les jeunes entrepreneurs, il y a des codes culturels très forts et une mythologie de l’innovation. Le terme « beyond » est ainsi typique de cette culture », selon Benjamin Cambresy. Avec le risque de copier de pseudos recettes employées par les start-up devenues visibles. Or des recettes, selon Benjamin Cambresy, il n’y en a pas. « Si « smart » ou « beyond » correspondent à l’entreprise, ce n’est pas grave de les utiliser. Même si cela fait un peu tarte à la crème. »
Pour le créateur de marque, une bonne signature doit avant tout être synthétique. « Il n’y a pas de mot à éviter, mais une signature met du temps à émerger. Or, les start-up ont cette culture du « lean management » (l’amélioration des performances en temps réel, NDLR). » Benjamin Cambresy a constaté qu’entre le début de l’étude et la fin trois mois après, certaines entreprises avaient déjà changé leur signature. « La signature est pensée comme la start-up et le produit, toujours en mouvement. Ce qui est bon pour le produit, car il peut évoluer, ne l’est pas pour la signature, car en changeant, la jeune pousse perd en adhésion. »
Les start-up parlent à l’utilisateur
Pour susciter l’adhésion, les start-up ont trouvé une méthode simple : s’adresser directement à l’utilisateur, l’interpeller, éveiller sa curiosité et son intérêt. Ce point n’apparaît pas dans l’étude et Benjamin Cambresy affirme ne pas l’avoir particulièrement remarqué. Les exemples d’adresses directes à l’utilisateur ne manquent pourtant pas : « Offrez-vous de l’art » (Balibart), « Vous allez monter en compétences » (Coorpacadémie), « Surprenez vos papilles » (Les cuistots migrateurs), « Hey freelance, tu mérites les mêmes avantages que les salariés » (Wemind), « Faites comme chez vous » (Inch), « Retrouvez qui vous croisez » (Happn)… Rarement à la deuxième personne du singulier, pourtant de rigueur dans l’écosystème, le vouvoiement semble permettre l’adresse au particulier tout en l’incluant dans une grande communauté d’utilisateurs.
Autre constat de Benjamin Cambresy, le niveau de maturité de l’entreprise joue sur la qualité de la signature. Au lancement, les jeunes pousses expliquent ce qu’elles font dans leur signature. Les start-up ayant déjà un peu plus de visibilité transforment parfois leur signature et proposent des slogans plus originaux afin de se différencier. Il prend ainsi l’exemple de Wandercraft (un exosquelette) qui propose : « une vie ordinaire pour des gens extraordinaires ». Ce slogan est perçu comme un « paradoxe qui exprime à la fois le bénéfice du produit et l’empathie pour les cibles ». Il n’a pu émerger qu’une fois l’entreprise bien propulsée. Benjamin Cambresy conclut : « Aucune start-up n’est aujourd’hui sur un marché absolument vierge. Si on est la centième boîte à proposer le même produit avec les mêmes mots, ça va être plus dur de se démarquer. »
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