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La symétrie des attentions : 17 ans après, où en sommes-nous ?

Symétrie des attentionsLa montée en puissance des directeurs des ressources humaines : davantage de postes et des salaires plus élevés. | Source : Getty Images

Le 12 mars, j’étais invité, aux côtés d’autres universitaires et de professionnels issus de grandes entreprises (Enedis, PWC, Groupe STEF et BNP Paribas), à débattre de l’actualité de cette notion vieille de dix-sept ans. Cette rencontre était organisée par la FNEGE (Fondation Nationale pour l’Enseignement en Gestion des Entreprises). J’ai pu partager, mais aussi entendre, ce qui suit. Petit résumé, donc, de mes convictions et de convictions partagées sur la symétrie des attentions en 2024. Ce premier article sera suivi d’un second.

Une contribution de Benoit Meyronin

 

De la symétrie des intentions à la symétrie des attentions

Si, jusqu’en 2020, elle pouvait être un « nice to have », la conviction qui s’est confortée depuis le Covid, c’est qu’elle est devenue un « must have ». Attractivité et rétention sont les maîtres mots des employeurs, et le « care », le bien-être au travail, la symétrie des attentions… tout cela participe des efforts qu’ils déploient pour répondre aux attentes de leurs équipes ou de leurs candidats. De la symétrie des intentions, donc, à la symétrie des attentions : ne plus simplement en faire de « jolis slides », mais ancrer réellement, durablement, cette culture managériale dans les entreprises.

Passer de l’intention à l’attention, c’est donc avoir le souci de déployer des solutions concrètes, d’apporter des réponses tangibles à des irritants soulevés par les équipes – comme l’a bien souligné Agnès TRAN-POMMEL, Head of Change and HR Marketing au sein de la DRH de BNP Paribas. En structurant un parcours collaborateurs, en recherchant les points d’attention, en apportant des améliorations perceptibles au vécu des collaborateurs, on « prend soin ». Ce sont parfois de petites choses (améliorer l’ergonomie d’un portail RH), mais cette logique de la preuve est essentielle quand on parle de transformation.

 

La réciprocité : un principe clé emprunté à l’éthique du care

J’ai pu rappeler lors de cette rencontre combien le principe de réciprocité était essentiel : des managers qui, certes, ont notamment pour mission (vocation ?) de prendre soin de leurs équipes, mais des collaborateurs qui, eux aussi, doivent pouvoir prendre soin de leur manager. Parce que nous dépendons les uns des autres, parce que le succès de l’un dépend de l’activité de l’autre, parce que chacun peut traverser à titre personnel une période difficile, etc. Les motifs ne manquent pas.

Il est probable, et c’est ma conviction forte, que les managers sont aujourd’hui la vraie cible de la symétrie des attentions, plus que leurs équipes. Même si, là où perdurent des cultures managériales de type « command & control », les collaborateurs peuvent souffrir encore de pratiques obsolètes et surtout contreproductives. Managers et/ou collaborateurs, il est essentiel de bien s’aligner sur la, ou les, cibles.

Par réciprocité, j’entends aussi le « souci de l’autre » que les clients / publics doivent eux aussi aux professionnels qui les servent. Dans un monde de tensions grandissantes, où bien des métiers de services subissent des incivilités (voire des agressions), ce rappel à la règle est loin d’être anecdotique.

 

Symétrie des attentions : la parabole des pâtisseries

La symétrie des attentions est une condition de la performance durable des entreprises. Ce point, souligné par Gérard MATENCIO, qui a en charge la transformation managériale chez Enedis, doit être clairement énoncé, mais aussi nuancé. Oui, sans « prendre soin », une performance durable est impossible, a fortiori dans une entreprise de service reposant sur l’engagement des professionnels auprès des clients ; mais oui, sans performance économique, la pérennité d’une entreprise n’est plus garantie et cela peut l’obliger à des sacrifices. Et même si l’on peut se séparer des personnes de façon bienveillante, avec, même, le souci de leur éventuel retour au sein de l’entreprise (dans mon entreprise, cela s’est vu), on s’en sépare néanmoins…

A cela s’ajoute le fait que, comme pour la qualité, la question de la surattention peut se poser. J’ai en tête cette anecdote que Marilena TUDOR, qui travaille au sein de la Direction Qualité du Groupe Michelin, partageait récemment avec moi : il s’agit d’une usine, en Pologne, où chaque réunion était accompagnée de délicieuses pâtisseries locales. C’était un rituel installé. Or, alors même que ces pâtisseries étaient loin d’épuiser le sujet du prendre soin, et tout aussi loin d’être entièrement consommées, personne ne questionnait leur nécessité. Sans dégrader la manière d’ouvrir une réunion, sans dégrader le care, il était donc possible d’optimiser le budget sous-jacent…

Bref, il existe sans nul doute une « juste attention », comme il existe une juste qualité qui s’avère suffisante pour mettre sous contrôle un processus, et, surtout, satisfaire des bénéficiaires. « Trop de couleurs distrait le spectateur », a dit un jour Jacques Tati. Trop d’attention peut finir par nous distraire du souci réel de l’autre, qui est d’abord et avant tout une posture, une manière d’être : disponible, curieux, attentif. Logique attentionnelle qui passe, aussi, par un souci commun du bon usage des ressources financières de l’entreprise ! Car tout ou partie du budget « pâtisserie » pouvait être affecté à des attentions plus ciblées, plus utiles.

 

Objectivez qu’ils disaient : objectivez, mesurez et benchmarkez-vous

Il existe indéniablement un enjeu fort de mesure, d’objectivation et de benchmark. Quantité de labels et certifications existent aujourd’hui qui, de près ou de loin, se réfèrent au care ou à la symétrie des attentions : Best Place to Work, la norme AFNOR Excellence de Service, Hu-Man, LIVIA (dans le monde HLM), etc. Chacun ou chacune a bien entendu ses atouts et ses limites, mais elles peuvent apporter (pour partie du moins) deux choses essentielles : une prise de recul sur ses pratiques (la notion d’audit par un tiers de confiance), et un cadre pour se benchmarker. Où en suis-je réellement ? Où sont mes points d’attention ? Quelles sont les meilleures pratiques ? Où ai-je réellement progressé ? Répondre seul à ces questions est une gageure.

A cela j’ajouterais que l’élément de la preuve, du retour sur investissement, demeure : si la conviction peut être partagée, certaines personnes peuvent légitimement la questionner. Est-ce « rentable », la symétrie des attentions ? Chez Enedis, un travail de recherche a permis d’apporter la preuve que deux équipes « bien » managées, selon le référentiel de l’entreprise, étaient des collectifs de travail performants – au regard de leur productivité (taux de raccordement), de la satisfaction client ou encore du taux d’absentéisme. Il ne s’agit donc pas simplement de faire état d’une preuve par l’exemple – trop de contre-exemples existent, qui cumulent performance économique et politique RH non vertueuses – ou par une recherche académique conduite loin de la réalité d’une entreprise donnée, mais bien d’une démonstration faite au sein de l’organisation considérée. C’est une exigence, mais c’est la seule façon d’avancer quand les freins sont trop puissants.

 


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